L’Observatoire de la Laïcité a été fondé en 2005 mais ne s’installe véritablement auprès de l’Elysée sept ans plus tard, sous le quinquennat de François Hollande. Avec ses vingt-six membres[1], elle dispose d’un budget annuel de 65 000 € de fonctionnement.

S’il demeure possible de « manifester [son] appartenance religieuse » dans la fonction publique, le respect du principe de laïcité et l’obligation de neutralité ont été inscrits dans la législation par le législateur. Créée au printemps 2016, la commission « Laïcité et Fonction Publique » a été chargée de mener des travaux pour évaluer le respect de la laïcité à travers le territoire. Parlementaires, représentants des ministères, collectivités territoriales, associatifs, professionnels hospitaliers,… ont été interrogés pour y répondre.

I. Les actions mises en œuvre

 

  • Action pédagogique

 

Plusieurs actions de sensibilisation ont été lancées à destination des agents publics. L’identification d’un « référent laïcité » dans chaque administration, l’établissement de la journée de la laïcité comme une « journée d’échanges dans les services pour faire vivre la laïcité dans la fonction publique » comptent parmi les propositions retenues par le ministre de la fonction publique. La formation que préconise le domaine public est dispensée au sein du réseau des écoles de service public (RESP) qui propose des modules de formation. Un référent par école est désigné par l’Etat pour en être le garant. En matière de formation continue, « favoriser le développement d’un réseau de formateurs internes » passera par un kit de formation ad hoc, prôné par le Commissariat général à l’égalité des territoires en lien avec le CNFPT, articulé autour de différentes thématiques[2] et les actions d’un réseau de formateurs internes destinés à lutter contre les discriminations. On en appelle également à développer les modules de formation déjà existants, à l’instar du « parcours de formation « laïcité » » mis à disposition dans les 37 écoles du RESP depuis le début du mois de mars 2016. Ce parcours comprend trios heures d’autoformation à distance et trois heures de regroupement en présentiel.

 

  • Les initiatives locales.

 

Depuis les attentats de 2015-6, les acteurs des collectivités locales tentent de mettre en œuvre différentes actions visant à promouvoir les valeurs de la République et la laïcité. En premier lieu, ils permettent l’installation d’un débat avec « l’Etat et les cultes et le réseau de correspondants laïcité ». Selon le rapport de l’Observatoire de la Laïcité, « les attentats n’ont pas altéré la qualité du dialogue constructif » qui a pu se poursuivre dans un climat apaisé et constructif. Rencontres bilatérales au sein des préfectures d’un côté, participation à des événements religieux de l’autre : ce « dialogue » entre les deux versants doit permettre d’évoquer différentes thématiques, notamment les questions liées à la sécurité. Le rapport regarde par ailleurs avec bienveillance les initiatives telles que la « journée de la laïcité », les plantages « d’arbres de la laïcité dans certaines communes » ainsi que les concours élaborés par les collectivités pour faire au mieux la promotion des « valeurs de la République ».

 

  • Actions de l’Etat : de l’éducation nationale aux établissements pénitentiaires

 

L’Etat se donne pour mission de faire rayonner la promotion du principe de laïcité. Ainsi, l’Observatoire souligne que les « services de l’éducation nationale » se sont engagés de manière importante pour la défense de ce principe. Des initiatives sont menées en ce sens, telles que les « fils rouges de la laïcité » – actualités sur le sujet auprès des personnels de l’éducation nationale, les « livrets de la laïcité » qui doivent accompagner et compléter les chartes de la laïcité, ou différentes activités sportives / culturelles destinées à faire la promotion de l’attitude citoyenne à adopter – à l’instar des randonnées citoyennes. Dans les établissements pénitentiaires, l’Etat propose des « activités autour du respect de l’autre et du vivre-ensemble ».

 II. Laïcité et islam en France

 

  • L’exemple des instances de dialogue pouvoirs publics / islam de France

Au début de l’année 2016, les instances visant à instaurer le dialogue entre pouvoirs publics et Islam de France ont entamé des réunions qui ont engendré la parution de deux « guides pratiques » sur les « modalités d’organisation et d’encadrement de l’abattage pendant l’Aïd-el-Kébir » d’une part, la « gestion et la construction des lieux de culte » de l’autre. Ces réunions ont aussi pour objectif de mobiliser « les acteurs du culte musulman » sur le thème de la « prévention religieuse de la radicalisation ». Enfin, le 12 décembre 2016, une réunion s’est également tenue pour définir les projets de la Fondation de l’islam de France, dont l’objectif est de « financer des initiatives concrètes dans les domaines culturel, académique, éducatif et caritatif en vue notamment de mieux faire connaître la civilisation musulmane ». Cette réunion aspirait également à définir le projet et le financement d’une future association cultuelle nationale[3], créée par des « acteurs du culte musulman ».

  • La Fondation de « l’islam de France »

Créée le 8 décembre 2016, la Fondation de l’islam de France est présidée par Jean-Pierre Chevènement. Elle doit « financer des initiatives concrètes dans les domaines culturel, académique, éducatif et caritatif ». Son objectif à long terme est de mettre en exergue la vision d’un « islam pluriel, éclairé et pleinement inscrit dans les valeurs républicaines. » L’Observatoire de la laïcité indique qu’en ce sens, la Fondation est « dotée de fonds suffisant » sans mentionner les subsides qui lui sont effectivement accordées. Certaines sources évoquent un budget, que l’on suppose annuel, atteignant entre 5 et 6 millions d’euros partagés sur les deniers publics et des fonds privés[4].

Dès sa création, cette Fondation a suscité le trouble parmi les musulmans. La Grande Mosquée de Paris a ainsi claqué la porte dénonçant « l’ingérence dans la gestion du culte musulman » que l’institution pouvait provoquer. De son côté, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, doit assurer la présidence du Conseil d’orientation de la Fondation. Afin de coaliser les différentes voix de l’islam en France, il s’est associé à Amar Lasfar, président de l’UOIF – une officine connue pour sa proximité avec les Frères Musulmans et Mihammed Moussaoui, du CFCM, pour la rédaction d’une charte de l’imam qui doit sélectionner les projets à financer[5]. La libéralité de l’Observatoire de la Laïcité par rapport à l’islam radical a par ailleurs été soulignée par la nomination, par décret de Bernard Cazeneuve, de Nathalie Appéré au sein de l’officine. Le député maire PS de Rennes est en effet à l’origine du versement d’une subvention à la compagnie Dounia (1300 €), qui laisse des prédicateurs salafistes officier[6].

  • Repli communautaire dans l’enceinte des services publics : état des lieux

Selon le rapport de l’Observatoire de la Laïcité, « très peu d’attitudes susceptibles d’entrer en contradiction avec le principe de neutralité » auquel sont soumis les agents du service public ne sont venus troubler ceux-là en 2016. Cependant, l’institution reconnaît des phénomènes de mésinterprétation du principe de laïcité. Des manifestations de repli identitaires auraient ainsi été décelées parmi les services de l’Etat, cristallisées par l’apparition de « plus en plus fréquente de signes d’appartenance religieuse » dont l’intensité serait variable selon les territoires. On fait notamment part de cas où les établissements scolaires se confrontes à des « difficultés accrues à dispenser certains cours tels que l’éducation physique » – sans que toutefois l’observatoire ne précise la nature ou la teneur des difficultés rencontrées.

 

Conclusion

Aujourd’hui, il existerait en France environ 2 500 lieux de culte musulmans, pour 1 million de personnes recensées à la prière du vendredi, et une capacité maximale de 500 000 personnes en ces espaces. En comparaison, on notera que les « 300 000 à 500 000 » fidèles orthodoxes bénéficient de 250 églises à peine pour pratiquer le culte.

Devant l’Observatoire de la Laïcité, il a été fait mention du fait que « 80 à 90% du financement du culte s’opérait par le don des fidèles français[7] ». Les fonds étrangers sont issus majoritairement du Maroc (6 millions d’euros en 2016), de l’Algérie (2 millions d’euros pour la Grande Mosquée de Paris en 2016) et de la Turquie, qui rémunèrent ses imams détachés. Selon l’Observatoire, l’Arabie Saoudite n’aurait versé que 3.8 millions d’euros entre 2011 et 2016. Un chiffre dont le taux s’expliquerait par le fait que le pays ne dispose pas d’imams détachés en France. Pour autant, ce pays, où le courant rigoriste wahhabite règne, a également financé le salaire de 14 imams…[8]

Sources :

Rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité, 2016-7.

L’Obs. La Fondation pour l’Islam de France en 5 questions. Aout 2016

Ouest France. 23.01.2017

Institut Montaigne, Un islam français est possible, septembre 2016. p.57.

 

[1] 21 membres, un président, un rapporteur général, un chargé de mission et deux assistantes. Cf. Synthèse du 4e rapport annuel de l’Observatoire de la Laïcité. P.7.

[2] Laïcité et usage des espaces publics ; laïcité et relation socio-éducative ; laïcité : accueil et relation avec les usagers.

[3] L’Eglise Catholique, en 1905, avait refusé de créer des associations cultuelles. Aussi, la loi du 2.01.1907 engendra le fait que « toutes les églises catholiques devenaient propriétés publiques ». Rapport annuel de l’Observatoire de la Laïcité, P.31.

[4] « Un budget de 5 à 6 millions d’euros, alimenté par des fonds publics et privés, venant d’entreprises ou de personnes physiques, est prévu. » l’Obs. La Fondation pour l’Islam de France en 5 questions. Aout 2016.

[5] Fondation pour l’islam de France, la Mosquée de Paris claque la porte. Ouest France. 23.01.2017.

[6] http://www.breizh-info.com/2017/04/07/66643/apppere-maire-laicite-ville-de-rennes-subventions-communautaires-pagaille

[7] Observatoire de la Laïcité, rapport 2016-7, p.32.

[8] L’ambassadeur du royaume d’Arabie Saoudite en France, Khalid bin Mohammed Al Ankary, a ainsi indiqué que l’État saoudien, depuis 2011, « avait participé au financement de huit mosquées françaises : les aides ont varié entre 200 000 et 900 000 euros par projet. Au total, nous avons versé 3 759 400 euros »68, soit en moyenne 750 000€ par an. Il a également précisé que l’Arabie Saoudite ne finance le salaire que de 14 imams sur les quelque 2 200 qui officient en France. Institut Montaigne, Un islam français est possible, septembre 2016. p.57.

aloysia biessy