La branche métallurgie de l’organisation syndicale FO a rédigé un livre blanc à l’attention des élus de manière à défendre le secteur industriel sur le territoire français. Conscient de « l’utilité des corps intermédiaires », Frédéric Homez, secrétaire général FO métaux, indique que son syndicat organisation attend de la part de ses élus un « sursaut patriotique pour une stratégie industrielle de long terme ». Repenser l’industrie française doit se dresser comme une priorité, à l’heure où ses technologies, ses brevets, ses savoir-faire sont bradés. Pour se faire, il conviendrait de mettre un terme aux « mauvaises orientations politiques », à l’imposition des « normes insupportables » en la matière, ainsi qu’une mise en concurrence moribonde, encourageant le « dumping social », si l’on en croit encore le secrétaire général.

Considérant quant à lui que l’industrie doit continuer de tenir une place économique majeure en France, Jean-Claude Mailly estime que s’il a été proposé des mesures tout à fait corrects (création de la banque publique d’investissement, établissement du Conseil national de l’industrie et de ses filières, programmes d’avenir), la gestion de certains chantiers par l’Etat a été calamiteuse (ArcelorMittal, Florange, Alstom, chantiers navals STX). Le président de l’organisation syndicale souligne que l’Etat devrait monter au capital pour devenir à 51% détenteur de ce secteur (contre 33% à l’heure actuelle) et s’engager dans des nouvelles formes de chantiers industriels, à l’image de la filière de la déconstruction[1].

 

I. Quinquennat 2012-2017 : quel bilan ?

 

Désindustrialisation : état des lieux et causes

S’inscrivant dans le cadre d’une crise plus globale, notamment engendrée par un plus grand nombre de salariés ou non-salariés sur le marché du travail (de 23 millions en 1989 à 27 millions en 2014), le nombre d’actifs dans le secteur industriel ne cesse de décroître. Les branches de la production de biens de consommation, de biens intermédiaires et automobiles seraient les plus touchées, si l’on en croit l’INSEE. Et de fait, ces cinq dernières années, ce sont 190 000 emplois industriels qui ont été détruits : l’industrie ne représente aujourd’hui que 12% de l’activité en France (construction exceptée) contre 20 % en 1989. Une tendance générale, en Union Européenne, où le secteur est passé de 27% à 23% des actifs…

Les causes de la désindustrialisation sont multiples ; en premier lieu, les gains de productivité (réduction de la main d’œuvre du fait de la modernisation) seraient à 29% responsables, entre 1980 et 2007, de la destruction des emplois – 65% sur la fourchette 2000-2007. La concurrence internationale pèserait quant à elle pour 28% des destructions d’emplois sur ce même laps de temps[2].

Si la situation semble connaître quelques améliorations – fin de la perte des sites de production qui s’était soldée par 1900 fermetures depuis 2009, classement au 21e rang mondial de la compétitivité en 2016, destruction d’emploi ralentie dans cette branche – la situation reste délicate. « La taille moyenne des usines qui ouvrent est 30% inférieure à celle des usines qui ferment », note à cet égard David Cousquer, fondateur du cabinet Trendéo.

Pourtant, FO veut rester optimiste : le renouveau de l’intérêt dans l’industrie se fait ressentir, notamment du fait de la personnalisation des produits, qui « ne justifie plus une sous-traitance lointaine » et parce que l’industrie peut générer de nouvelles activités dans le cadre de l’émergence de technologies novatrices. Avec une tendance restant toutefois peu favorable, on estime qu’une véritable volonté politique, anticipant les menaces qui pèsent sur un secteur ou la filière en général, permettrait de pallier à la crise. De même, on estime qu’une trop grande latitude ne doit pas être prêtée à certains PDG « au risque de remettre en cause les intérêts industriels français ».

 

Les réalisations du quinquennat Hollande : quelques réalisations satisfaites  

Création de la Bpifrance. La création de la Banque publique d’investissement[3] constitue une réussite partielle puisque FO juge qu’au regard des fonds souverains étrangers qui y sont injectés (soit 3000 milliards de dollars), son budget reste insuffisant. « L’action de BPI en faveur de l’industrie ne représente que 25% , et 31% si on y inclut le numérique », souligne le livre blanc. Par ailleurs, FO déplore que la BPI ne s’investisse qu’en faveur des entreprises en développement et pas assez dans le secteur des entreprises en difficulté[4]. En somme, le syndicat encourage l’Etat à investir dans la BPI.

Développement des filières. FO se félicite de la transformation de la Conférence Nationale de l’Industrie en Conseil National de l’Industrie ; cette revendication a permis, selon le syndicat, de pérenniser les comités stratégiques des filières et de proposer une meilleure coordination entre donneurs d’ordres, sous-traitants et fournisseurs. La création de nouvelles filières (sidérurgie, nucléaire) constitue également une demande satisfaite pour FO.

Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)[5]. FO salue la ratification de l’accord national pour l’emploi dans la métallurgie négociée par son organisation et signé le 23 septembre 2016 en ce qui concerne la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Elle souligne que sa politique pourrait cependant être « plus offensive » et continuer à se développer de manière à augmenter l’expérience de ses salariés[6].

 

 II . Quelles solutions ?

La primauté des corps intermédiaires  

Soulignant la nécessité des corps intermédiaires pour la bonne réussite de la filière industrielle, FO insiste sur le rôle essentiel joué par son syndicat chez Airbus, ou auprès de PSA et Renault. « FO Métaux a largement contribué au sauvetage de l’industrie automobile française », n’hésite-t-on pas indiquer dans le livre blanc. La branche du syndicat indique par ailleurs que lorsqu’elle n’est pas écoutée, comme ce fut le cas pour Alstom, Areva ou ArcelorMittal, les conséquences en ont « à chaque fois été dramatiques ». Sûr que son rôle est de faire pérenniser les industries par la préservation des emplois de ses salariés, FO Métaux insiste sur l’importance d’aborder l’industrie à  l’aide d’une vision globale, et non uniquement politique ou purement économique. Persuadé que les attaques à l’encontre des syndicats ont été particulièrement farouches à l’issue du dernier mandat (lois Rebsamen, Macron, El Khomri), FO craint que certaines nouvelles dispositions – par exemple, les référendums d’entreprises – ne viennent remettre en cause les fondements du syndicalisme. Appelant au renforcement des conventions collectives, FO rappelle l’importance de son rôle pour la défense des travailleurs et rappelle son étroite collaboration avec des organisations dignes d’attention, à l’instar du Conseil National de l’Industrie, avec laquelle le syndicat œuvre en bonne intelligence. De la proposition de suppression du monopole syndical du premier tour des élections professionnelles à la tentative d’imposition du mandat unique pour les instances représentatives du personnel, les atteintes passées aux organisations syndicales doivent cesser.

 

Exercer le dialogue social  

Un climat apaisé passe, si l’on en croit le syndicat, par un dialogue social retrouvé ; or, les lois Travail et Rebsamen ont sévèrement compromis les conditions du dialogue social, en « réduisant les moyens des représentants du personnel et en apportant d’importantes modifications des règles de la négociation collective ».  La loi Rebsamen aurait ainsi contraint les instances représentatives à se regrouper, limitant ainsi leur capacité d’action. D’autre part, la loi Travail aura, selon FO, limiter la qualité d’opposition des syndicats lors de la signature d’accord collectif et bouleversé l’ordonnancement des textes en accordant la primauté à l’accord d’entreprise sur les autres niveaux de négociations.

 

III. Les propositions de FO pour demain

 Des revendications structurelles et économiques

Les propositions établies par FO en 2012 n’ont pas toute été satisfaites : ainsi, le syndicat propose de les porter à l’attention du nouveau gouvernement. Le contrôle des aides publiques et des systèmes d’exonération des charges reposant sur les salaires et destiné à la recherche et aux investissements, actuellement géré par un Comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements animé par France Stratégies, doit être développé, puisque ce sont près de 135 milliard d’aides publiques qui vont être proposés aux entreprises en 2017 et qu’il convient d’être attentif à leur bonne gestion. Renforcement du budget de la BPI en matière d’industrie ; réorientation du CICE en faveur de la seule branche industrielle ; création de véritables filières de recyclage et de démantèlement : telles comptent parmi les propositions renouvelées par FO à l’attention du gouvernement.

La mise en valeur de l’industrie française

FO appelle également à la vigilance quant aux délocalisations massives affectant le secteur industriel. Ainsi, FO métaux souligne l’importance de mettre en place des aides financières visant à maintenir l’emploi et les technologies en France. Par ailleurs, on en appelle à mener des actions contre les entreprises délocalisant puis rapportant sur le marché français des produits de l’étranger.

De même, FO Métaux souhaite développer la démarche du « Made in France » et préconise la relance de l’Observatoire du « Fabriqué en France ». L’organisation syndicale salue par ailleurs les initiatives allant en ce sens, à l’instar des réflexions de la Mission Marque France ou la création du label « Origine France Garantie » par l’association Pro France.

 

Conclusion

 

Les propositions de FO Métaux insiste aussi sur l’intégration de l’industrie au sein d’un processus européen ; accroissement au recours des dispositifs financiers européens pour les PME et les ETI ; promotion du cadre politique et réglementaire européen pour la compétitivité industrielle ; aides réciproques entre pays de l’Union Européenne ; mise en place d’un plan d’investissement  à hauteur de 2% du PIB européen (300 milliards d’euros) par an pendant dix ans … constituent tant de pistes lancées par l’organisation syndicale.

 

Source. Livre blanc : pour la défense de l’industrie sur notre territoire, février 2017, fédération FO de la métallurgie.

 

[1] Il se plaint en ce sens que la déconstruction, notamment des bateaux, s’effectue « à l’autre bout du monde » dans des conditions environnementales, sanitaires, … , scandaleuses, alors même que la France pourrait mener là une nouvelle activité porteuse économiquement parlant.

[2] Les méthodes de calcul sont assez approximatives dans cette estimation.

[3] Crée par la loi du 31 décembre 2012, la Bpifrance n’est pas une banque dans la mesure où elle ne dispose pas de licence bancaire. Il s’agit d’une compagnie financière dont les ressources proviennent de capitaux privés sur les marchés financiers et dont le capital est détenu par la Caisse des Dépôts et l’Etat auxquels se joignent des sociétaires qui peuvent être des entreprises, des assurances, etc.

[4] L’organisation syndicale note que la BPI a trop tendance à se comporter en « superbanque » et accorde des prêts à des taux d’intérêts trop élevés par rapport aux banques. Elle salue en revanche le Plan d’Investissement d’Avenir (PIA) qui entend allouer 1.5 milliard d’euros à la BPI pour soutenir des projets innovants dans le cadre de l’Industrie du Futur . Livre blanc : pour la défense de l’industrie sur notre territoire, février 2017, fédération FO de la métallurgie, p. 27.

[5] Soit la détection des changements ; la détermination des nouveaux marchés et métiers ; la mise en place des formations. Op. cit. p.29.

[6] Le pacte de responsabilité, la loi Florange et le décret d’Alstom, constituent des points sur lesquels le syndicat revient en pointant les impacts négatifs.

aloysia biessy