« Si Bachar Al-Assad est prêt à engager des négociations sérieuses sur la façon d’appliquer Genève 1, bien sûr, nous l’encourageons à le faire […] au final nous devrons négocier [avec lui] » » a déclaré John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, dimanche 15 mars 2015.  Cette déclaration est un nouveau camouflet pour la France et sa diplomatie, François Hollande ayant condamné il y a quinze jours la rencontre, à Damas, entre des élus français et le président syrien. Loin de s’en émouvoir le quai d’Orsay a déjà rappelé l’intransigeance de la France sur cette question. Il souhaite un «règlement politique négocié entre les différentes parties syriennes», mais Bachar el-Assad «ne peut s’inscrire dans un tel cadre»…

 

2013 : la quasi-intervention française en Syrie

Encore traumatisée de n’avoir vu venir la révolte en Tunisie, la diplomatie française cherche depuis à se rattraper en soutenant partout un « réveil des peuples » et ce Printemps arabe dans tous les pays dans lequel il s’est montré. Non contrariés par le catastrophique bilan de l’intervention en Lybie, certains ont voulu remettre le couvert en Syrie pour défendre une prétendue rébellion libre et démocratique en bombardant les forces gouvernementales. Seul le revirement à la dernière minute du « grand-frère » américain, a permis d’éviter un terrible soutien à une rébellion noyautée et dépassée par l’Etat islamique.

Motivée par l’idéal de la diffusion des droits de l’homme et la volonté de faire tomber les dictateurs quel qu’en soient les désastreuses conséquences la diplomatie française est restée sur la même ligne réaffirmée par Manuel Valls cette semaine «Il n’y aura pas de solution tant qu’il y aura Bachar al-Assad à la tête de la Syrie».

 

2014 : bombardement de l’Etat islamique en Irak mais pas en Syrie

Le renversement de situation et la lumière faite sur l’implication de l’Etat islamique en Syrie comme en Irak a amené les Etats-Unis, dans le cadre d’une coalition, à effectuer des bombardements sur les forces islamistes en Irak et en Syrie. La France, dans une gymnastique stratégique impressionnante a décidé de bombarder les djihadistes en Irak mais pas en Syrie.

2015 : les parlementaires français désavoués

La visite de quatre parlementaires français à Damas fin février 2015 et leur rencontre avec Bachar el-Assad afin de reprendre des relations diplomatiques franco-syriennes rompues depuis mai 2012, a été majoritairement critiquée par la classe politique française et surtout le gouvernement. Le président Hollande, depuis les Philippines avait désavoué cette prise de contact en déclarant qu’«il s’agit d’une rencontre entre des parlementaires français qui n’ont été mandatés que par eux-mêmes avec un dictateur qui est à l’origine d’une des plus graves guerres civiles de ces dernières années, qui a fait 200.000 morts. 200.000!»

Deux semaines après ce refus de tout dialogue avec le président syrien, la diplomatie américaine s’annonce donc prête à négocier avec Bachar el-Assad dans le cadre du processus de paix de Genève.

Pour Jacques Myard, un des élus qui ont rencontré le président syrien : «Les déclarations de John Kerry selon lesquelles les États-Unis devront négocier avec le Président Bachar el-Assad, constituent une gifle cinglante pour la diplomatie française qui campe sur des postures pseudo-morales ». Il dénonce un « aveuglement proprement incroyable » du Quai d’Orsay lorsque pour lui une « nouvelle fois les États-Unis font preuve d’un réalisme constructif dans la recherche d’une solution politique pour mettre fin à cette guerre civile alors que la France s’enferme dans une position rigide de refus de reprendre le chemin de Damas et continue de se raconter une histoire avec les opposants de l’Armée syrienne de libération (ASL) qui devait débarrasser le monde du régime syrien en 15 jours ».

 

S’il est une chose certaine c’est bien que le régime de Bachar el-Assad ne tombera plus en quinze jours comme c’est annoncé depuis trois ans. Traiter avec lui ne veut pas dire nier les crimes qu’il a commis, mais la recherche de la paix et de la sécurité pour le peuple syrien et en particulier pour les minorités doit passer par le dialogue. Il apparait désormais clairement que le régime actuel est un rempart face à l’Etat islamique. C’est ce que déclare Jean-Frédéric Poisson qui estime que « François Hollande et sa diplomatie ont raté le coche » mais «le réalisme, même s’il est dur à avaler, finit par l’emporter ».

Le réalisme, c’est ce qui doit animer désormais la diplomatie française. Cette idée est défendue par Yves Pozzo di Borgo sénateur UDI de Paris,  pour qui «Assad est un assassin mais le seul qui protège les chrétiens d’Orient. Ce n’est pas facile de le reconnaître mais c’est la politique. »

 

Le régime syrien s’est dit intéressé par les déclarations de John Kerry, lui demandant de joindre les « actes » à la parole. Pour Bachar el-Assad, tout véritable changement de la communauté internationale envers son régime «devrait commencer par l’arrêt du soutien politique et militaire aux terroristes», œuvrant pour sa chute. «Tout changement international qui intervient à ce niveau serait une chose positive, s’il est sincère et effectif.» 

Rédacteur Web