Un nouvel essor de la décentralisation ?

En s’attelant à un projet de réforme territoriale, Hollande souhaite s’inscrire comme l’héritier de Mitterrand sur ces questions tout en espérant relancer son quinquennat en émettant de nouvelles propositions. Il est intéressant de voir la méthode adoptée par le Président de la République pour apparaitre comme un réformateur.

Après des déclarations antérieures contradictoires quant au sort du département, il est prévu que le département soit d’ici 2020 non plus une collectivité territoriale, mais un simple échelon de déconcentration administrative. Les conseils généraux sont ainsi voués à disparaitre. Or, comment expliquer cette suppression de l’assemblée délibérante du département avec la décision prise au tout début du mandat de Hollande en 2012 de réformer le mode de scrutin aux élections départementales et de supprimer le conseiller territorial, qui devait être élu à la fois au conseil général et au conseil régional ? Le conseiller territorial, création du mandat de Sarkozy, avait été créé en 2010 pour rationaliser l’échelon départemental.

Finalement, la vision que se fait Hollande du département n’est pas très claire : après avoir envisagé dans un premier temps de le supprimer, il revient aujourd’hui sur sa position en décidant toutefois de vider le département de toute substance. Or, une révision de la Constitution étant nécessaire pour réformer le statut juridique du département, cette pseudo – avancée déguisée s’explique par le risque pour le Président de la République de ne pas obtenir la majorité nécessaire pour mener à bien son projet.

La voie de la régionalisation

La disparition du département comme collectivité territoriale renvoie à une double préoccupation. Il s’agit d’une part de développer les intercommunalités en leur donnant plus de moyens pour leur permettre de prendre en charge des projets de grande envergure. Pour cela, au 1er janvier 2017, chaque intercommunalité devra regrouper 20 000 habitants contre 5 000 habitants aujourd’hui. Cela pourrait être une bonne idée, mais il n’est pas certain que cette organisation permette les économies attendues. En effet, renforcer l’échelon intercommunal, donc créer une nouvelle strate administrative, semble incompatible avec une réduction du « mille – feuille territorial » – il est en effet inenvisageable de supprimer l’échelon communal.

D’autre part, la réforme territoriale cherche à aboutir à quatorze régions de taille européenne disposant de compétences élargies, notamment en matière de développement économique et d’aménagement. La France semble ainsi être sur la voie d’une « régionalisation » qui favorise l’application des politiques communautaires. Cela pose un problème de souveraineté : à quel titre devrions – nous organiser notre territoire en fonction d’une logique purement économique dont  nous ne sommes pas maîtres, indépendamment de nos propres capacités de développement et de notre histoire ?

Enfin, après avoir été repoussées en 2016, les élections départementales et régionales sont prévues pour l’automne 2015. Cela traduit une précipitation qui ne sert pas une politique aussi sensible que celle de la structure territoriale. Par ailleurs, il est curieux qu’au lendemain de vives défaites électorales,  le gouvernement, souhaite à nouveau éprouver l’impopularité de ses projets.

Incohérences historiques et économiques du projet de réforme

Le projet de découpage des régions est critiqué à la fois par la majorité et par l’opposition qui fustigent ses conséquences économiques et l’incohérence historique du projet. Il s’avère qu’une réforme territoriale devrait être portée par un homme politique élu sur ce projet, porteur d’une projet global pour la France, capable de réaliser un consensus et d’arbitrer les inévitables conflits d’intérêts. Ce qui est loin d’être le portrait de notre Président.

L’essentiel des critiques porte sur le sort réservé à la région Pays de la Loire. Plusieurs projets étaient portés par des personnalités chères au chef de l’Etat : alors que Jean – Marc Ayrault souhaitait que la région Pays de la Loire fusionne avec la région Bretagne, Ségolène Royal quant à elle, prônait une fusion Pays de la Loire – Poitou Charentes. Fidèle à son habitude, le Président a décidé de ne pas choisir : la région Bretagne reste identique, tandis qu’inexplicablement, les régions Poitou Charentes, Centre et Limousin fusionnent. De plus le projet comporte un certain nombre d’aberrations sur le plan historique : l’Alsace et la Lorraine fusionnent, la Picardie fusionne avec la Champagne – Ardenne, la Bretagne n’est toujours pas réunifiée… Cela illustre la déconnexion entre les élites technocrates et le peuple qui, quoi que l’on en dise, reste attaché à ses racines.

En tout état de cause, le projet de découpage va être soumis au débat parlementaire – une occasion pour le gouvernement de saisir la teneur de sa majorité, alors que les sondages indiquent que le Président ne bénéficie que d’une cote de 15% de popularité.

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