Avec un taux de prélèvement à presque 45% du PIB, la France compte parmi les pays de l’Union Européenne les plus fortement soumis aux prélèvements obligatoires. Afin de libérer le « potentiel d’innovation » des entreprises et « envoyer un message fort à nos fortunes, nos créateurs et nos talents », la Fondation Ifrap propose dix-sept mesures destinées à réformer le système fiscal français. Des mesures à prendre dès l’arrivée au pouvoir du nouveau président de la République, à l’issu d’une loi de finances rectificative en juillet 2017, qui permettrait d’assainir les finances publiques françaises. De la suppression de l’ISF et de l’exit tac en passant par l’abandon du prélèvement à la source ou le plafonnement global à 60%, comment l’Ifrap propose-t-il de réformer le système fiscal français ?

I. Simplifier l’impôt sur le revenu

 

  • La révision de l’IR

Entre mai 2012 et mai 2017, le quinquennat a modifié à plusieurs reprises l’impôt sur le revenu, encaissant un produit global de + 13.9 milliards d’euros. Alors qu’en 2012, 18.3 millions de foyers fiscaux (soit 49.9 %) étaient imposables, ils ne sont plus que 17.1 millions en 2015 (soit 45.6% de foyers fiscaux imposables) ; 10% des foyers les plus riches paieraient 70% de l’impôt sur le revenu à eux seuls. Pour la Fondation, il est urgent de baisser progressivement cet impôt. La Fondation indique que sur les 33 millions de foyers fiscaux que compte la France, 23.1 millions de foyers fiscaux devraient devenir imposables. En supprimant la réduction d’impôt exceptionnelle relative aux ménages modestes, on opérerait 1.3 milliards d’euros de gains ; en supprimant la réduction d’impôt sur le revenu, promise par Michel Sapin en novembre dernier, de 20% pour 5 millions de foyers, on opérerait un gain de 1 milliard d’euros. L’Ifrap propose également de plafonner le quotient familial à 3000 € par demi-part dans le cadre de l’établissement d’une allocation sociale unique. En somme, l’Ifrap propose un élargissement de sa base imposable.

  • Fiscaliser l’ensemble des allocations et prestations sociales

La fiscalisation progressive des allocations et prestations sociales sous conditions de ressources constitue l’autre volet de réforme de simplification de l’impôt. La Fondation appelle de ses vœux une allocation sociale unique, qui permettrait une meilleure efficacité du système français, notamment parce qu’elle permettra le suivi des allocataires et endiguera les non-recours. A l’heure actuelle, ce sont près de 5 milliards d’euros qui ne sont pas versés chaque année à ceux qui pourraient en bénéficier.

 

II. Inciter les grandes fortunes à rester en France

 

  • Suppression de l’ISF et plafonnement fiscal global à 60%

La suppression de l’ISF s’inscrit comme l’une des premières volontés de la fondation Ifrap. Soulignant que la France est l’un des seuls pays qui n’ait pas abrogé son imposition sur la fortune[1] après en avoir constaté les écueils. Depuis 2014, l’accélération des départs des contribuables à l’étranger est significative, notamment pour les patrimoines dépassant les 1,3 millions d’euros. Les pertes liées à ces nombreux départs dépassent de loin les gains rapportés par l’ISF : selon l’Ifrap, c’est près de 0.2 point de croissance en moins par an que provoque ces expatriations. Supprimer impôt permettrait ainsi de rationaliser les dispositifs d’incitation fiscale associés pour un coût de 1.11 milliard d’euros, ainsi qu’une économie sur les coûts de gestion de l’ordre de 115.2 millions d’euros. En équilibrant le manque à gagner par le rehaussement anticipé du taux de TVA, les économies sur la gestion de l’ISF, le surgel et l’augmentation des crédits mis en réserve et la suppression de la prime de Noël, l’IFRAP escompte sur un solde de + 3.425 milliards d’euros d’ici 2018. Par ailleurs, l’IFRAP préconise une réintroduction du plafonnement fiscal global à 60%, indiquant qu’il permettrait d’éviter l’imposition trop lourde et soudaine des foyers modestes (hausse des impôts locaux et des taxes foncières)[2].

  • Suppression de l’exit tax

Le transfert du domicile du contribuable Français quittant le territoire est imposé sur ses plus-values latentes. Cet exit tax a connu de nombreuses révisions ; une instabilité de la taxe que le rapporteur de l’Ifrap soupçonne être liée au manque de performance de la mesure. De plus, cette taxation est devenue vaine, puisqu’elle fut motivée par des justifications politiques qui n’ont plus lieu d’être[3]. Soulignant que le nouveau gouvernement compte faire de l’attractivité et la compétitivité « la pierre angulaire de sa politique économique », il n’aurait plus d’intérêt à décourager les départs à l’étranger, en vertu de l’atmosphère économique attrayante dont les grandes fortunes jouiraient dès la suppression de l’ISF et la mise en place d’un plafonnement des impositions directes.

III. Soutenir les entrepreneurs français

 

  • Financer les entreprises

Contrairement à l’Allemagne ou au Royaume-Uni, la création d’emplois privés n’a pas redémarré après la crise économique en France. Libérer les opérations de cessions-transmissions d’entreprises permettrait en premier lieu d’améliorer la croissance des entreprises de taille intermédiaires ; pour l’heure, les transmissions intrafamiliales s’avèrent particulièrement faibles. La perte pour le trésor ne saurait dépasser les 500 millions d’euros au grand maximum, explique l’Ifrap. En un second temps, l’incitation à investir l’impôt sur le revenu dans les petites entreprises – ce qui exige la sortie de « la mesure IR-PME du plafond global des niches à 10 000 €, en montant le plafond jusqu’à 1 million d’euros par individu et le taux de déduction à 30% » (suivant un modèle anglo-saxon)- permettrait de favoriser le climat économique pour les entrepreneurs.

  • Supprimer le prélèvement à la source

Le prélèvement à la source, mis en place à compter du 1er janvier 2018, bénéficiera d’une année blanche ; les prélèvements, imposés à n-1, risquent nécessairement d’engendrer des difficultés de paiement pour les petites entreprises. La simplification supposée de ce traitement est par ailleurs fallacieuse, puisque les personnes imposées « auront à jongler avec une multiplicité de taux et d’options » (taux réel d’imposition, taux marginal d’imposition, taux résultant du prélèvement à la source, …). Le coût de conformité, que le gouvernement n’a pas dévoilé, pourrait s’échelonner entre 1.3% et 3.5% – soit des coûts de traitement entre 938 millions et 2.5 milliards d’euros. Une mesure qui viendrait anéantir les petites entreprises, puisque ces coûts augmentent à mesure que l’entreprise se réduit. En somme, les nombreux ressorts de cette réforme sur l’économie nationale auront un impact « délétère pour el redressement du pays », souligne la Fondation Ifrap. Proposant de supprimer cette réforme, elle indique qu’il sera nécessaire « d’accélérer les processus et de procéder à une déclaration en ligne par défaut dès 2018, sur les revenus 2017 » .

Conclusion

Les différentes mesures que propose la Fondation Ifrap n’engendreraient pas selon elle de dépenses supplémentaires majeures, exception faite de la suppression de l’ISF – disposition pour laquelle la Fondation propose par ailleurs des financements compensatoires. Déclinées au sein des lois de finance annuelles, ces propositions encourageraient la baisse des prélèvements obligatoire du prochain quinquennat.

 


Source : Le Mensuel de la Fondation Ifrap, n°177, Choc fiscal, les mesures à prendre dès 2017.

[1] Différents pays qui l’avaient mis en place s’en sont délestés, à l’image de l’Italie (1992), l’Autriche (1994), l’Allemagne, le Danemark, l’Irlande (1997), le Luxembourg et la Finlande (2006), Suède (2007), la Grèce (2009),…

[2] Un dispositif qui doit s’accompagner de quelques mesures supplémentaires, à l’instar de « l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu, la suppression de l’impôt à la source, la mise en place de l’allocation sociale unique »,…

[3] Notamment parce que la « dégradation des finances publiques n’est plus exacerbée par la crise financière » et parce que « la nécessité de financer la réforme de l’ISF » (2011) n’a plus cours.

aloysia biessy