Chaque année, les directions des ministères économiques et financiers publient un rapport d’activité : un exercice qui permet de faire le bilan de leur manœuvre et de revenir sur les actions significatives de l’année écoulée. Ce rapport, qui tend à légitimer et détailler les choix des ministères, paraît d’autant plus important qu’il a été marqué par les réformes libérales du Ministre de l’économie (Emmanuel Macron). Le même qui préconise, dans ce rapport, « un travail de modernisation ».

 

  • Des indicateurs aux verts : une année de reprise ou de rémission ?

 

Des indicateurs d’apparence positive

 

La croissance de l’économie française atteint 1,2% en 2015, selon les chiffres de l’INSEE. Un taux légèrement supérieur aux prévisions de l’Etat, comptant de surcroit sur une baisse du taux d’endettement du PIB (de -4% à 3,5%) destiné à satisfaire l’Union Européenne. Selon les directives européennes, la France doit réduire son taux d’endettement à 3% du PIB.

Les chiffres positifs annoncés sont le fruit de deux éléments : le taux d’investissement des ménages, en considérable hausse, au même titre que l’investissement des entreprises en 2015 (+2%). Malgré un commerce extérieur en recul et une consommation particulièrement altérée par les attentats de Novembre, ces investissements constitueraient l ‘élément moteur de la reprise.

Selon le ministère trois facteurs expliquent cette maintenance. Tout d’abord, le prix du baril du pétrole a été très faible durant la quasi-totalité de l’année. Ensuite, les premiers effets du CICE[1] et les effets du Pacte de responsabilité et de solidarité[2], qui ont eu un impact à court-terme sur ces données chiffrées. Ces politiques ont permis aux entreprises d’être plus compétitives. Pour autant, la loi Macron paraît trop récente pour en évaluer les premières conséquences.

 

2015 : l’année de la reprise ?

 

Pour le ministère, 2015 est l’année de la reprise. Le mot reprise n’est pourtant pas des plus adaptés. Il serait effectivement préférable de parler de rémission car employer le terme de reprise ne peut s’octroyer lorsque la croissance économique est supérieure à 1,5%. Ces indicateurs permettent cependant d’espérer une amélioration de la situation mais sans engendrer encore une pleine satisfaction. Il est dans cette perspective légitime de remettre tous ces chiffres dans le contexte économique actuel.

 

  • La gestion des finances publiques : un bilan positif?

 

Selon le rapport, la priorité du ministère des finances est de « garantir la solidité financière des institutions publiques ». Les réformes économiques telles que le CICE et le Pacte de responsabilité exigent un important budget pour les caisses du gouvernement. De plus le taux de prélèvements obligatoires est en baisse en 2015 (de 44,8 à 44,5%). Et pourtant, toujours selon le rapport, le déficit par rapport au PIB diminue fortement (de -4% à 3,5%). Aussi, l’évolution du budget est intéressante même si elle ne permet pas d’espérer le rééquilibrage budgétaire à court terme. Plusieurs éléments justifient ces éléments positifs.

 

Les ventes conséquentes de patrimoine immobilier de l’Etat aux organisations privées ou aux autres États (notamment la Chine) ont permis de rétribuer le budget (609 millions). Prochainement, l’Etat « prélèvera à la source », c’est-à-dire que les prélèvements obligatoires seront automatiquement déduits du salaire. Le premier effet réel de la retenue à la source est de rendre obligatoire une mensualisation qui n’est pour l’instant que facultative. Il s’agit donc pour l’Etat de gagner quelques mois de trésorerie. Un témoignage inquiétant d’un Etat surendetté aux abois, prêt à tout pour renflouer des caisse au détriment du portefeuille de ses propres débiteurs. Une attitude qui expliquerait que le ministère mette un tel point d’honneur à lutter contre la fraude avec la surveillance de la TVA, ou opère un renforcement des douanes pour lutter contre la contrefaçon.

En conséquence, la dette publique n’est, pour sa part, qu’en légère hausse (+0,4 point), à 95,7% du PIB. « Elle connaît ainsi sa pus faible progression depuis 2007 », souligne Bercy dans le compte-rendu. Autre satisfaction pour le ministère des Finances, les prélèvements obligatoires reculent à 44,5% du PIB en 2015 tandis que la dépense publique progresse de 0,9 % en valeur, « soit le rythme le plus faible depuis des décennies ». Etat, Sécurité sociale, collectivités locales,… : les grandes administrations publiques ont toutes trois contribué à la réduction du déficit. D’autant que du côté des collectivités locales, les chiffres de l’Insee témoignent d’une amélioration de leur capacité d’autofinancement, avec un nouveau recul des dépenses d’investissements et un tassement de la croissance des dépenses de fonctionnement. En face, les recettes des collectivités continuent toujours d’augmenter en dépit des coupes dans la dotation globale de fonctionnement[3] accordée par l’Etat.

Après un pic à 7,2% du PIB en 2009, le déficit public se replie pour la sixième année consécutive. Une bonne nouvelle à relativiser, puisque depuis le début de la crise, la France a été plus lente dans la réduction de son déficit que le reste de la zone euro – d’où le contraste observé en matière d’évolution de la dette. Dans la zone euro, seuls trois pays (la Grèce, l’Espagne et le Portugal) ont un niveau de déficit supérieur à celui de la France – en 2015. Et en moyenne, le déficit public devrait s’être situé à 2,2%[4] dans la zone euro (et à 2,5% dans l’Union européenne). Quant à la dette publique, elle continue d’augmenter alors qu’elle recule dans la zone euro.

 

  • les problèmes de la gouvernance économique

 

Dans le compte rendu du ministère, il est question de nombreuses mesures pour « moderniser et adapter » l’économie selon les mots d’Emmanuel Macron. Comme par exemple « Favoriser la FrenchTech[5]», « encourager l’ESS[6] » ou plus étonnant encore « initier une république numérique ». Toutes ces mesures apparaissent plutôt comme un feu de paille cachant ou annihilant la situation économique française. Il en va de même pour le CICE et le Pacte de responsabilité. Ce sont finalement plus des mirages que des réformes économiques n’assurant pas à la France une situation prospère sur les prochaines années.

Ces mesures sont d’ordre conjoncturel alors que le problème économique français est d’ordre structurel. L’Etat préfère gouverner sur le court-terme afin de soigner l’image d’un mandat, au profit d’une stratégie économique pensée sur les prochaines décennies. Obnubilé par les chiffres du chômage et son taux de croissance, le ministère jette un voile pudique sur certains chiffres du rapport, ne permettant donc pas une approche objective de la situation économique (taux de chômage en hausse en 2015).Pour leurs parts les ventes du patrimoine national ne rapporteront plus aucune recettes à la France – il ne faudra pas attendre d’avoir tous vendus aux nouvelles puissances économiques (Chine, Qatar..). La baisse des impôts a permis aux français de voir leur pouvoir d’achat augmenter (+1,8%) et ainsi de relancer la consommation. Seulement, lors du prochain quinquennat, les conséquences s’en feront ressentir.
Il est étonnant d’observer quelle importance prête le ministère de l’économie à son projet de « république numérique ». Le département ministériel est chargé de la gestion des finances publiques et de la politique économique de l’État français. « La république numérique » reste seulement une mesure administrative et ne devrait pas prendre autant de place dans la gestion des finances publiques.

 

 

Malgré une série d’éléments favorables[7], le bilan ministériel paraît finalement décevant. Il semble improbable d’assurer une situation économique constante tant les mesures prises restent faibles. Quelles seront les conséquences de ce mirage économique ? De véritable réforme structurelle ne serait-elle pas préférable ?

[1] CICE : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, un dispositif fiscal entré en vigueur en 2013 destiné à promouvoir le développement des entreprises. La finalité du CICE est de permettre la réalisation de dépenses de recherches, d’investissement, de formation, de recrutement en modifiant le dispositif fiscal de nombreuses entreprises.

[2] PRS : Son principe est simple : alléger les charges des entreprises, réduire les contraintes sur leurs activités et, en contrepartie, permettre plus d’embauches et davantage de dialogue social.

 

[3] DGS : Directeur Général des Services, exerçant en France les fonctions de direction des services dans les communes de plus de 2 000 habitants, et les communautés de communes de plus de 10 000 habitants

[4] Déficit public : Après avoir fortement augmenté en Europe à la suite de la crise économique et financière de 2008, le déficit public tend aujourd’hui à diminuer. Au sein de l’Union européenne, il s’est élevé, en 2015, à 2,1% du PIB dans la zone euro, et à 2,4% pour l’UE à 28, soit légèrement en-dessous du seuil de 3% prévu par le Pacte de stabilité et de croissance.

 

[5] FrenchTech : Regroupant tous les acteurs de l’écosystème des start-ups françaises, la French Tech est née en 2013 d’une initiative de l’Etat. À la fois label et communauté, la French Tech vise à promouvoir le développement et l’innovation des start-ups tricolores.

[6] ESS : L’économie sociale et solidaire (ESS) rassemble les entreprises qui cherchent à concilier solidarité, performances économiques et utilité sociale. Acteur économique de poids, l’ESS représente 10 % du PIB et près de 12,7 % des emplois privés en France.

[7] Éléments favorable : Le contre choc pétrolier, les investissements étrangers, les politiques économiques de relance.

 

aloysia biessy