Depuis les attentats de novembre 2015, la France est rentrée dans une nouvelle période de son Histoire. A la suite des attentats, le Gouvernement souhaite réviser la Constitution afin d’encadrer davantage l’état d’urgence comme le montre le projet de loi constitutionnel n°3381 sur la Protection de la nation. La révision se justifie pour redéfinir la place et les conditions du recours à l’état d’urgence. Est-il judicieux de modifier la Constitution sur le vif alors que l’état d’urgence, instauré le 14 novembre dernier à la suite des terribles attentats du 13 novembre 2015, est prorogé par la loi du 20 novembre 2015 pour trois mois et donc toujours en vigueur? La révision de la Constitution ne peut, selon la décision Maastricht I du 9 avril 1992, se faire sur la durée de l’application de l’article 16 de la Constitution.

Ensuite, est-il raisonnable de remplacer la loi de 1955 par un nouvel article de la Constitution instituant un troisième état d’exception et d’élever la déchéance de la nationalité au rang d’une norme par la Constitution ? La révision relative à l’état d’urgence vise à créer un article 36-1, succédant ainsi à l’article 36 portant sur l’état de siège. S’est greffée sur cette mesure une querelle «passablement artificielle»¹ à propos de la déchéance de nationalité. Cette proposition du Gouvernement vise à condamner des personnes pour crimes de terrorisme et ainsi, à faire respecter la nationalité française. Un Français doit respecter sa nationalité avec ses droits et ses devoirs.

La France doit déchoir toute personne ayant commis un acte de terrorisme qu’elle soit mono-nationale ou binationale. Cependant en voulant mettre en place cette déchéance de nationalité, le Gouvernement laisse entendre que les terroristes ne sont pas de nationalité française. Ne se trompe t-il pas de débat ? Lors des attentats de 2015, les terroristes étaient tous français mis à part Abdelhamid Abaaoud, un belgo-marocain.

De plus, l’article 36-1 de la Constitution ne prévoit aucune limitation de la durée de l’état d’urgence. La prorogation de l’état d’urgence par le Parlement sera donc possible. Le projet actuel ne confondrait-il pas subrepticement l’état d’urgence avec une législation anti-terroriste ?

La déchéance de la nationalité qui ne concernera qu’une poignée de terroristes est-elle prioritaire face à la menace de Daech qui considère la France comme le « maillon faible du monde occidental» ? Le Gouvernement ne devrait-il pas ouvrir les yeux sur la situation ? Cette mesure est-elle un moyen efficace de lutter contre le terrorisme ?

En effet, le vrai problème est celui de l’intégration des clandestins. La politique actuelle ne sécurise pas suffisamment les frontières. Avant de se poser la question de la déchéance de nationalité, il s’agirait de prendre des mesures afin de renforcer le contrôle aux frontières. Comment expliquer que le terroriste Abdelhamid Abaaoud soit arrivé en France avec « des Syriens, des Irakiens, des Anglais, des Allemands » et « sans documents officiels »². De plus, une part du budget de l’Etat devrait être versée à la remigration afin de mettre un terme à l’anarchie migratoire et à en inverser les flux.

¹ Atlantico.fr, Grand entretien, 17 janvier 2016, Chevènement

² L’Obs, Sonia, le témoin clé qui a empêché de nouveaux attentats à Paris, 4 février 2016

aloysia biessy