Dans son rapport de juin 2016, l’Institut Montaigne pose la question de l’avenir de l’énergie nucléaire. Question redondante qui ne trouve pourtant pas de réponse formelle. Ce rapport pose les caractéristiques d’un contexte nouveau, inédit. Ce contexte appelle des choix, des priorités à définir.

 

La catastrophe de Fukushima en 2011 a renversé notre vision de l’énergie nucléaire, un pays parmi les plus développé du monde et acteur majeur de l’électronucléaire a subi des dégâts considérable. Désormais, le nucléaire est à appréhender au regard de la sûreté des populations et de la protection de l’environnement. Malgré les avis divergents, le nucléaire reste la source d’énergie non carbonée déterminante dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. La communauté internationale a choisi de contenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C avec l’Accord de Paris de décembre 2015. Les énergies dites renouvelables ne peuvent suffire compte tenu de leur rythme de déploiement, de leur imprévisibilité, de leur compétitivité moyenne et des coûts additionnels du fait de leur intermittence. Le rapport propose un développement de ces énergies accompagné de celui de l’énergie nucléaire face aux énergies carbonées qui représentent 2/3 du mix électrique mondial.

 

La politique européenne devra alors sortir du « nucléaire honteux » en acceptant que cette source d’énergie devienne une partie substantielle de la solution au dérèglement climatique. En France, la défaillance industrielle et financière d’AREVA va engendrer la nécessité d’un effort public. Les difficultés d’EDF constituent une autre menace pour les pouvoirs publics qui doivent s’atteler à les dissiper. « Efforts et remises en causes sont donc, aujourd’hui, parfaitement justifiés, pour redonner du crédit et de la la compétitivité à l’offre industrielle, aussi bien sur le marché national qu’à l’exportation » indique le rapport de l’Institut Montaigne.

 

L’énergie nucléaire doit avoir de grandes ambitions face aux grands défis qui lui sont posés. Elle est une composante essentielle de l’offre énergétique française, européenne et mondiale.

 

 

 

Les défis de l’énergie nucléaire

 

L’Institut Montaigne dégage deux défis majeurs que sont l’élévation du niveau mondial de sûreté des installations et de maîtrise de la gestion des déchets radioactifs, ainsi que le financement de la construction de nouvelles centrales et l’amélioration de la compétitivité de l’offre énergétique, pour les entreprises et les ménages.

 

Alors seulement, l’énergie nucléaire pourra jouer le rôle clef qui lui incombe dans la lutte contre le réchauffement climatique mondial. Des choix éclairés doivent être opérés, tant au niveau national, qu’au niveau européen et mondial.

 

 

Un haut niveau de sécurité nécessaire

 

Le rapport préconise la prise en considération des expériences étrangères en matière de sûreté afin de crédibiliser une approche « plus cohérente », d’harmoniser les réglementations, les pratiques et les certificats. La même approche doit être mise en place pour la gestion des déchets environnementaux.

 

Une fois ce haut niveau de sécurité atteint, les pouvoirs publics nationaux et internationaux doivent établir des « hiérarchies raisonnées ». L’Institut Montaigne considère que cette hiérarchisation doit venir trancher l’arbitrage entre le risque d’un accident nucléaire aux conséquences locales et les catastrophes déjà engagées du réchauffement climatique mondial. Un haut niveau de sûreté redonnera confiance en l’énergie nucléaire et permettra alors de l’engager comme un rouage accepté et consenti des populations dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.

 

 

La compétitivité de l’énergie nucléaire

 

La France a un parc nucléaire de qualité qui sait produire une électricité abondante, bon marché et économe en devises. Il faut néanmoins procéder à quelques révisions pour allonger sa durée de vie. Les centrales en construction ou à venir (EPR : réacteur pressurisé européen) trouveraient rapidement un équilibre économique selon le rapport. C’est pour cela que les 15 plus grandes puissances économiques, à l’exception de l’Allemagne, de l’Australie et de l’Italie, continuent de s’engager dans l’énergie atomique. Le constat ainsi partagé est que « l’atome peut fournir une énergie abondante et compétitive, dans des conditions qui en font déjà, aujourd’hui, (…) l’une des énergies les plus sûres en terme d’accidentologie et d’impact mesuré sur l’environnement et la santé humaine ».

 

L’IAE prévoit un doublement des capacités installées d’ici 2013, scénario très en phase avec les objectifs de la COP21.

 

 

Pour l’Europe et la France, l’heure des choix stratégiques est arrivée

 

La Commission européenne semble sur la bonne voie en voulant instaurer une « Union de l’énergie » qui n’aura d’efficacité que si elle met de côté le dogme de la souveraineté non partagée des États membres dans la détermination de leur bouquet énergétique. Le nucléaire doit donc prendre une place privilégiée dans l’éventail des sources d’énergie qui permettront à l’Union européenne d’assurer sa sécurité d’approvisionnement, sa compétitivité économique et sa contribution motrice à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique.

 

La force française en matière d’énergie nucléaire lui permet de s’inscrire au sein de la stratégie européenne reposant sur le triptyque sécurité de l’approvisionnement, compétitivité économique, développement durable (lutte contre le réchauffement climatique principalement).

 

Les objectifs fixés pour l’électricité d’origine nucléaire, et notamment le plafond des 50 % à l’horizon 2025 et la limitation à 63,2 GigaWatts de la capacité totale autorisée de production, s’ils étaient appliqués, entraîneraient la fermeture de plusieurs centrales existantes. Celles-ci pourraient pourtant continuer à fournir une énergie compétitive et décarbonée, avec un niveau de sûreté approuvé par l’Autorité de sûreté nucléaire. De telles fermetures entraîneraient un surcoût de plusieurs milliards d’euros pour l’État. Les conséquences sur l’économie, l’environnement et l’emploi n’ont pas été évaluées.

 

L’institut Montaigne regrette que «la programmation du prolongement de notre parc nucléaire, qui produit 75 % de notre électricité, fasse l’objet de déclarations gouvernementales peu cohérentes ». Le rapport conclue sur la nécessité d’allonger la durée d’exploitation des réacteurs de la génération actuelle avant de programmer le renouvellement d’une partie du parc d’ici 2017, pour construire de nouveaux réacteurs, pour une mise en service à l’horizon 2030. Il appelle l’État à clarifier sa position, sa stratégie, afin de permettre à la filière de se préparer, afin d’assurer le développement d’une économie française moins carbonée, plus compétitive et dont les approvisionnements énergétiques seront sécurisés.

 

 

 

Comment renforcer notre filière industrielle ?

 

 

1/ Les pistes politiques

 

Le rapport propose plusieurs pistes de révision de notre gouvernance sur le nucléaire.

 

Donner un rôle et des moyens renforcés au Parlement en la matière, coordonner de manière plus souple et plus réactive les autorités et les instances décisionnaires au niveau de l’exécutif et remettre la compétence des industriels au centre du dispositif, tels sont les trois mots d’ordre avancé par l’Institut.

 

L’objectif étant de tirer profit des efforts de recherche que la France a mis en œuvre et des moyens qu’elle a mobilisés pour développer une filière industrielle qui la place parmi les leaders mondiaux.

 

 

2/ Les pistes de stratégie industrielles

 

La filière industrielle française doit se replacer en tête de la course mondiale à la compétitivité. L’industrie nucléaire est une industrie à fort contenu technologique et à cycle long, construire une nouvelle génération de réacteurs serait une opportunité pour se transformer et faire un saut de compétitivité .

 

Le rapport propose pour cela de structurer la tissu industriel français du nucléaire en filière coordonnées pour assurer sa compétitivité sur l’entièreté du cycle (extraction du minerai ⇒ gestion des déchets). Cette industrie doit s’orienter vers l’innovation pour améliorer sa compétitivité. Se limiter aux EPR serait une erreur, il lui faut réflechir à l’entièreté de l’éventail de l’offre et anticiper les nouvelles générations de réacteurs. Les efforts imposés en matière de sûreté doivent être avancés comme des atouts au sein de la concurrence internationale. Enfin, les entreprises européennes ne peuvent souffrir d’une concurrence entre elles face aux entreprises internationales, notamment chinoises et américaines.

 

Ce rapport met donc en exergue la menace qui pèse sur cette « filière d’excellence » : l’indécision et l’absence de choix politiques clairs. Les gouvernements successifs n’ont osé se positionner et suscitent des incertitudes pour EDF et Areva mais plus généralement pour la cohérence de la politique énergétique de la France, et au final, pour son économie toute entière. L’Institut Montaigne met en garde les dangers de « l’inaction des pouvoirs publics » en ce qui concerne la prolongation du parc et la programmation de son renouvellement partiel. L’heure des choix est arrivée.

 

Cette note fait la synthèse de « Nucléaire, l’heure des choix », de l’Institut Montaigne.

aloysia biessy