Avec 20,4 millions d’euros dépenses, dont ¼ opérés sur des ressources propres, l’Institut National d’Etudes Démographiques exploitent ses données chiffrées autour des « problématiques de santé et de mortalité, de la famille, des relations intergénérationnelles, du vieillissement ou des migrations » (Chantal Cases, directrice de l’Ined). Des chiffres d’une population abordée sous « le prisme du genre » à la perception de celle-ci à l’aune des flux migratoires, enquête sur un institut « d’excellence » aux secteurs de travail ciblés.

  1. Les naissances passées au crible de la santé infantile… et de la contraception 
  1. L’état de santé des jeunes enfants

En 2010, avec 6,4% de nouveau-nés n’atteignant pas les 2,5 kg à l’aube de leur vie, une part non négligeable de jeunes enfants venant de voir le jour risque de connaître des fragilités de santé dans leur enfance et même ensuite. Consommation d’alcool ou du tabac durant la grossesse ; âge jugé inadapté – moins de 28 ans, ou plus de 35 ans, …, l’INED est formelle : les causes de ce petit poids se basent surtout sur une mauvaise gestion de la grossesse. C’est également aux inégalités économiques que viendraient ce taux d’atteints de fragilité santé infantile. L’INED comptabilise ainsi que le risque d’un poids inférieur à 2.5kg s’élève à 8,1% pour les mères non-diplômées, contre 5.4% pour celles titulaires du baccalauréat. Chez les mères dotées de trois années d’études supérieures, le risque tomberait à près de 4%. Une tendance que confirme la mise en parallèle des situations française et anglaise… Pour autant, en regard du taux de chômage parmi les individus diplômés[1], on juge le rapport ténu.

  1. La « santé » de la mère

La reprise de la contraception après l’accouchement témoignerait, selon l’INED, d’un critère de santé de la mère. Nombreuses sont les jeunes mères à ne pas user de méthodes contraceptives un an après avoir mis leur enfant au monde, semble déplorer l’Institut. En Afrique centrale et de l’Ouest, elles seraient ainsi entre 27 % et 75%. Un écart dont les critères d’évaluation permettent de comprendre la teneur. Car les principaux facteurs permettant d’établir si une femme aurait – ou non, besoin de recourir à un contraceptif sont évaluées à l’aune de son recours à l’allaitement de façon exclusive ou quasi exclusive, l’absence de règles ou l’abstinence sexuelle[2]. Un argumentaire quelque peu ténu, dont la qualité militante laisse quelques doutes ; « une partie des femmes qui ne sont pas actuellement soumises au risque d’avoir une grossesse devraient toutefois prendre une contraception pour anticiper la transition au risque », souligne d’ailleurs l’INED. Une recommandation à la hauteur du constat : face au risque de l’enfant à naître, mieux vaut prévenir que guérir (sic)…

  1. Le genre comme facteur d’inégalité
  1. Des couples où règne l’inégalité

« La majorité des tâches ménagères continuent de peser sur les femmes ». Ouvrant ainsi son chapitre sur l’étude de la population sous le prisme du genre, l’INED semble encore dès son introduction souligner ce qu’elle tient pour une irrémédiable inégalité. « Plus un couple dure longtemps, plus le partage des tâches est inégalitaire », remarque l’institut. Différents modèles, estimés plus égalitaires, semblent attirer la bienveillance de l’Ined. La vieillesse, en premier lieu : il faudrait attendre la vieillesse pour que les femmes, en incapacité de les effectuer, réalisent moins de tâches ménagères. Les unions traditionnelles, d’autre part, qui encouragent l’inégalité de la répartition du travail quotidien : « Les couples qui se marient directement sans passer par une phase de vie commune sont les plus attachés à une répartition traditionnelle des rôles entre les deux sexes. Les couples pacsés, au contraire, sont les moins sensibles à l’idée d’une complémentarité », souligne encore le rapport.

 

  1. Le genre à l’assaut des inégalités

De nouvelles pistes d’études. Avec de nouveaux volets d’études, l’INED entend bien juguler les inégalités en s’intéressant à la façon dont la recherche aborde sa recherche selon son inscription dans l’espace. Une nouvelle vision de l’étude des populations, qui participerait conjointement de l’étude des rapports sociaux entre les sexes et qui souhaite notamment étudier l’espace à l’aune des orientations sexuelles des individus étudiés… « Le chercheur associé à l’INED souligne l’intérêt de la notion « d’endroit sûr » pour les lesbiennes », indique ainsi le rapport. Et sans ambages d’annoncer que les « recherches en géographie des sexualités [étant] arrivées à maturité », il serait nécessaire de se pencher vers de « nouvelles pistes » à explorer, en se penchant notamment sur les « effets de la mondialisation sur les lesbiennes ».

Discriminations « sexistes ». Surtout inscrites dans le domaine de la violence à l’égard des femmes, les pans d’étude de l’INED se penchent également sur l’observation des insultes proférées à leur encontre. Selon l’Institut, celles-ci constituent la forme de violence la plus prononcée, avec 13% de victimes pour l’année passée – dont 63% à caractère « sexiste ». Atteintes psychologiques et à la « liberté » de la femme qui contraindraient celles-ci à limiter leur déplacement et modérer leur façon de s’habiller. Les discriminations à l’embauche constituent un souci majeur de l’Institut ; en Outre-Mer, même si les femmes d’âge actif issues de ces territoires bénéficient à 67% d’un emploi – soit 7% de plus qu’en métropole, on déplore qu’elles n’atteignent jamais le niveau d’activité masculine. On s’attache également à la différence réservée à l’embauche des femmes, notamment au sein d’activités lucratives, pour lesquelles les femmes éprouveraient davantage de difficultés à être embauchées. Et le rapport d’indiquer : « Pour les 5% de postes les mieux payés, une femme a moitié moins de chance d’obtenir le poste qu’un homme » contre « 9% de chances de l’obtenir » lorsqu’il s’agit des emplois de cadre les moins bien payés.

 

  • La démographie à l’aune des avortements et de l’immigration
  1. En Occident, un recours à l’avortement massif

Si le nombre d’avortements par an reste stable, ses moyens d’application varient : ayant recours à l’interruption de grossesse de façon plus précoce – dans les années 2000, on l’estime en moyen pratiqué à l’âge de 27,5 ans. En revanche, les maternités surviennent plus tard, généralement au seuil de la trentaine – contre 26,7 ans en 1975. Pratiquées pour 55% par voie médicamenteuse, la mise au terme de la vie de l’enfant intervient généralement à six semaines du développement de la grossesse. Et si les femmes, dans une certaine mesure, concerne moins de femmes qu’auparavant, celles y ayant recours le pratiquent 1,5 fois durant leur vie en moyenne. A l’heure actuelle, on tient pour 10% le taux de femmes ayant procédé à deux « IVG », pour 4% celles ayant eu recours à cette pratique plus de deux fois.

  1. Une immigration abordée suivant des perspectives choisies

Faire fi de la perception occidentale dans la manière d’aborder l’immigration constitue pour l’INED une préoccupation majeure. Focalisée jusqu’alors sur le pays de destination, cette acception de l’immigration serait incomplète, ne prenant en considération que les migrations proposant une installation sur le long terme. Un constat que l’institut déplore, tout en notant « qu’on dispose de peu de données sur les migrations de court-terme » et qu’il serait donc imprécis d’essayer d’en ébaucher le dessin. Cette étude de flux, qui se heurte aux écueils de l’enregistrement individuel[3] et l’absence d’estimation de la durée de l’immigré sur le territoire, peut toutefois se baser sur l’analyse des titres de séjours de plus d’un an délivrés par l’administration française pour les ressortissants hors Union Européenne.

Ayant atteint son maximum entre 2003 et 2005 – sur la période courant de 1998 à 2013, la délivrance de titre de séjours de ces nouveaux arrivant en France a surtout pour motif des raisons familiales (soit plus de la moitié des titres depuis 2000). Sur la totalité de la période, ce serait surtout les femmes qui en seraient bénéficiaires. Un constat qui s’explique par l’équilibre cherché, à la suite de vagues de migrations masculines (manne de travail), dans les quotas d’immigration recherchés : atteignant un seuil équilibré en 1999 et confirmé entre 2004-2005, cette tentative connaîtra cependant un revers particulièrement fort dans les années à venir. Dans son dernier rapport sur les chiffres annoncés par la Cour Nationale du Droit d’Asile, France Renaissance annonçait que 64.7% de demandes enregistrées concernaient les hommes – dont une majorité de jeunes (12 474 cas d’hommes entre 26 et 35 ans, soit environ 32.2%) ou matures (7 640 cas âgés entre 36 et 50 ans, soit environ 19.8%). Il en va de même pour l’origine des immigrés : considérée sur cette période comme majoritairement survenue du Maghreb, l’immigration hors Union Européenne pour l’année passée concernera à 41% le continent africain.

Conclusion

Evaluant les populations suivant des volets d’appréciations orientés, le rapport 2015 de l’Institut National d’Etudes Démographiques soulève certaines questions. S’il paraît paradoxal d’aborder la politique de natalité à l’aune de la contraception, il semble également étonnant de souligner les inégalités sociales qu’à la seule évocation des discriminations « sexistes ». Enfin, on s’étonnera que ce rapport, portant sur l’année passée, ne s’appuie que sur les chiffres de l’immigration de la décennie passée pour étayer son propos…

 

 

Source : Institut national d’études démographiques : rapport d’activité 2015

[1] « Parmi les jeunes diplômés en emploi, seuls 50% sont en CDI, contre 59% l’an passé », expliquait en 2015 Cécile Crouzel dans les pages Saumon du Figaro, le 1er octobre 2015 – 40% des jeunes diplômés sans emploi un an après.

[2] Le risque de grossesse est très faible lorsque la mère allaite de manière continue et exclusive dans les 6 mois qui suivent la naissance et lorsque les règles ne sont pas revenues.

[3] « On n’enregistre pas précisément chaque entrée et chaque sortie du territoire », souligne à cet égard le rapport.

aloysia biessy