Depuis les attentats de 2012, le Gouvernement français n’a fait que minimiser les troubles jusqu’à en arriver aux attentats de janvier et de novembre 2015. La cause ? Le discours ambiant culpabilisant la société et non les terroristes et les prêcheurs salafistes qui enrôlent en masse les jeunes français. Résultat : l’Etat Islamique recrute et attire les djihadistes du monde entier avec le soutien du monde sunnite, ce qui « profite aux partis d’extrême droite ». Voilà le constat lancé par Dominique Lecourt. Pour le Directeur Général de l’Institut Diderot, la seule solution qui pourrait venir à bout de l’Etat Islamique sont les opérations militaires terrestres.

 

I. Définir le terrorisme

 

Établir le bon diagnostic pour la France, connaître la nature du mal pour pouvoir l’éradiquer : c’est dans par ces deux volets qu’Alain Bauer souhaite intervenir. Définir la nature du terrorisme permettrait d’en comprendre les racines et d’y apporter des réponses. Etablissant que « le terroriste n’est rien de moins qu’un résistant », car il trouvera toujours une justification de son acte, comme un acte de résistance ou de libération nationale, Alain Bauer prend l’exemple de l’ETA, organisation terroriste. Selon lui, ce qui définit le terroriste c’est son objectif.

Pour autant, le terrorisme a connu des métamorphoses. Faisant d’abord référence à l’usage de la terreur d’un État contre ses citoyens, il est devenu un fait d’État à État : la terreur est devenue un moyen de faire la guerre (URSS contre Etats-Unis) ; mais à la chute de la superpuissance russe, le terrorisme est devenu une pluralité de terrorisme. En effet, les groupes terroristes sont devenus des centres de ‘coordination’ du crime. Il faut faire attention à ne pas penser les groupes terroristes comme une organisation pyramidale. Ben Laden n’était pas le chef d’Al-Qaïda, mais son porte-parole… Il faut l’envisager comme une franchise, une sorte de mutuelle du crime. Ne parvenant à identifier réellement, ni à nommer l’ennemi, c’est un déni du diagnostic véritable qui est opéré et sans lequel il est impossible de se battre.

Le cas Mohammed Merah est l’illustration du dysfonctionnement du renseignement intérieur français et du système anti-terroriste, qui n’arrivent pas à s’adapter à la nouvelle menace terroriste. Les services de renseignements continuent de travailler dans le secret (problème culturel, traditionnel) alors que la menace terroriste nécessite un partage urgent de l’information. Merah, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly ont tous réussi à duper les services de police et ont été relaxés alors que de nombreuses insinuations et preuves étaient dressées contre eux. Les victimes de ces attentats et l’efficacité des services d’interventions on fait oublier l’importante défaillance du système français.

 

        II. Quels éléments de réponse ?

 

Tant qu’il existera des erreurs de diagnostic et une incompréhension face à la nature de la menace, un dysfonctionnement s’opérera. Il est indispensable de donner un nom à la menace : l’État Islamique, possédant un territoire, une monnaie, une chaîne de télévision et une radio, et qui exerce même une ‘justice’. L’État Islamique répond à une logique qu’il est important de différencier en deux points. D’abord, la dimension internationale de ses attaques (attaques d’Istanbul contre les Kurdes, destruction d’un avion russe, attaque de Beyrouth,…) et une dimension française, composée d’acteurs francophones (Belgique notamment à Molenbeek, à l’origine des attaques perpétrées en France). Au pluralisme du terrorisme s’ajoute une communication toute nouvelle, qui change la nature du terrorisme. Aujourd’hui, les personnes arrêtées par les services de police cherchent des histoires des plus farfelues en niant la dimension terroriste de leurs actes.
Face à des terrorismes pluriels, il est nécessaire de développer un service spécifiquement dédié à l’anti-terrorisme, d’accepter le fait qu’il y a eu une rupture et une mutation de la menace et que la teneur de cet enjeu n’a pas été saisie.

Tous les services travaillent sur le terrorisme sont en concurrence les uns avec les autres : c’est là le fond du problème. L’impérative solution est de développer un service spécialement dédié à l’anti-terrorisme, qui serait opérationnel et fonctionnel.

Source : L’avenir du terrorisme, par Alain Bauer, pour l’Institut Diderot, carnet des notes du matin, 18 novembre 2015.

aloysia biessy