Depuis la fin des années 1950, c’est aux syndicats des salariés et au patronat que l’on doit la gestion du régime de l’assurance chômage. Un ensemble qui correspond aux partenaires sociaux. Ce régime d’indemnisation pour les salariés involontairement privés d’emploi fonctionne suivant une logique d’assurance et repose sur un principe de solidarité. Octroi d’un salaire sous forme d’allocations, bénéfice d’une aide en termes de recherche d’emploi, de réorientation et de formation, ce système permet l’indemnisation de 2.5 millions de chômeurs – pour une moyenne de 11 mois environ. L’ indemnisation n’excède pas deux ans, voire trois, pour les plus de 50 ans.

Au cœur du système, l’Unedic est l’organisme qui assure la gestion de l’assurance chômage des salariés du secteur privé, prescrit les règles d’indemnisation du chômage décidées par les partenaires sociaux, contrôle leur mise en œuvre, produit les études et les prévisions nécessaires pour alimenter la réflexion commune et continuer de faire évoluer le système d’ Assurance chômage. L’institution est donc en lien direct avec Pôle emploi.

Un système déficitaire 

A l’heure où l’assurance-chômage explose, en regard d’un taux de chômage atteignant près de 10%, les déficits (4.5 milliards en 2015) s’accumulent. La dette est donc dans un piteux état : avec 25 milliards d’euros attendus pour la fin 2015, les prévisions ne sont pas encourageantes : on attend 35 milliards pour la fin 2018… Pourtant, le système se maintient, sous couvert que l’Unedic s’endette sur garantie de l’ État. Mais la Commission européenne s’en mêle et demande des réformes.

Reposant sur une convention, l’assurance-chômage doit donc être observée à l’aune de les acteurs qui l’alimentent : et si les partenaires sociaux ne s’entendent pas pour  régir une nouvelle convention dès que la précédente touche à son terme, la gestion du régime reviendra à l’Etat. Déjà, en 1982 l’Unedic connaît sa première crise, qui aboutit à une reprise en main du régime par l’exécutif, qui légifère alors par décret – comme le lui permet la réforme de 1979.  Hausse des cotisations patronales et salariales, réduction du taux et de la durée du versement de l’allocation imposés par le gouvernement : tout le monde y perd. L’État met ensuite en place l’allocation spécifique de solidarité (ASS) pour les chômeurs “en fin de droits” de l’Unedic. Une gestion de l’assurance-chômage par l’État qui s’englue dans un véritable bourbier, piège sous haute tension pour l’exécutif qui confie à nouveau le dossier brulant à ses premiers propriétaires. Le cas n’est pas anodin et risque de se répéter. Pour exemple, la dernière convention datant de 2014 n’a pas permis de redresser la trajectoire financière du régime. Depuis février de nouvelles négociations ont reprises et la dernière réunion entre le Medef et les syndicats, qui s’est tenue le jeudi 16 juin 2016, s’est soldée par un échec.  Sans accords trouvés, c’est désormais à l’État qu’échoie la charge de prendre la décision quant à l’assurance-chômage. Faudra-t-il donc proroger la convention – qui prend fin initialement le 30 juin, ou, comme en 1982, légiférer soit même pour une nouvelle convention ?

L’échec des négociations 

Quelles en ont été les modalités de ces négociations? Car si l’entente semblait impossible, une solution devait se dessiner. Le Medef refusait toute augmentation  des cotisations patronales ainsi que d’éventuelles modulations à coût constant. Est-ce la peur de voir le gouvernement, soucieuse de donner des gages au patronat, reprendre le dossier en main qui aurait poussé certaines figures « sociales » du patronat à tenter le tout pour le tout avec la CFDT et FO ? Mais ce n’est pas pour autant à l’aveugle que le Medef a choisi de refuser toute nouvelle convention : car une telle récupération du dossier par le gouvernement semble peu propice au contexte politique actuel et aux échéances électorales. A moins d’un an des présidentielles, le gouvernement ne peut risquer une énième mesure impopulaire. Et de fait : si l’annonce d’une nouvelle convention serait un geste dangereux pour le Président de la République, il serait désastreux pour le premier Ministre. Car ce dernier ne pourra introduire de dégressivité des allocations ou réduire le niveau d’indemnisation pour inciter les chômeurs à reprendre un emploi ou faire des économies. L’électorat du gouvernement, qui n’a pas voté pour ce type de mesures en 2012, ne pourrait cautionner une telle attitude, notamment après le traitement dramatique de la loi travail. Une alternative serait d’augmenter les cotisations des employeurs ou surtaxer les contrats courts. Option vaine, puisque Bruxelles mettrait automatiquement son veto. D’autant plus qu’elle a déjà tiré la sonnette d’alarme quant aux trop lourds prélèvements opérés sur les entreprises. Par ailleurs, de telles démarches entreraient en contradiction avec le pacte de responsabilité qui consiste à alléger de 41 milliards sur trois ans les charges et impôts pesant sur les entreprises. A cet égard, Pierre Gattaz, patron du Medef, avait par ailleurs fait ce pari suivant qui s’avère aujourd’hui juste, puisque le gouvernement va préférer proroger d’un an l’accord de 2014. Un choix qui va permettre de renvoyer ce débat sur un système d’indemnisations qu’on souhaite plus efficace ; le thème risque de s’inviter dans la campagne électorale de l’an prochain. A droite et au centre, on est déjà sur la brèche : on promet une certaine dégressivité des allocations pour responsabiliser les chômeurs et les pousser alors à reprendre un emploi. Même s’il n’est pas encore déclaré comme candidat, Nicolas Sarkozy frappe fort en proposant une re-nationalisation du régime, le temps de remettre l’Unedic financièrement sur les rails.

Quelles perspectives pour l’assurance chômage ? 

Du côté des syndicats des salariés l’affaire divise : mais sans efforts des entreprises, leur mobilisation risque d’être complète. Car si la CFDT se dit satisfaite de la prorogation de l’actuelle convention jusqu’à la rentrée 2017 par le gouvernement, la CGT et FO restent de farouches défenseurs d’une augmentation des cotisations patronales. D’autant qu’ils gardent en tête la promesse, depuis oubliée, de Manuel Valls pour surtaxer les contrats courts (particulièrement les CDD de moins d’un mois) afin de favoriser les CDI.

Échec consommé… Dans le programme de stabilité transmis en mai 2016 à la Commission Européenne, le gouvernement annonce un budget de 800 millions d’euros pour les économies annuelles dans le cadre de la future convention d’assurance-chômage. Convention qui n’a pas vu le jour. Mais l’ Union Européenne n’oubliera pas cette promesse et la France va donc devoir dégager cette somme sur le budget de l’État ou de la sécurité sociale. La liste des crédits à dégager dans le budget 2017 pour contenir l’envolée actuelle des dépenses électorales s’allonge…

Le gouvernement garde pourtant l’espoir d’une prorogation très temporaire. Il « souhaite qu’à la rentrée les partenaires sociaux puissent reprendre des négociations en vue d’aboutir à un accord sur le régime général d’assurance chômage » (Les Echos). Le scénario de 1982 et d’un exécutif fixant lui-même les règles semble aujourd’hui inenvisageable.

L’assurance chômage reste un brûlant dossier alimentant d’éternelles luttes entre salariés et patrons, suivant le prisme de revendications profondes des syndicats et de la ligne rouge brandit par le patronat. Alors quand l’affaire tourne au divorce sans consentement mutuel c’est le gouvernement qui a la garde des enfants et qui joue le rôle si risqué d’arbitre décisionnaire. Proroger ou légiférer? Proroger, bien sûr, si cela “contente” à peu près tout le monde. Mesures politiciennes. En 2017 les élections seront passées et la convention fera sa réapparition sur la scène. Légiférer sera envisageable et l’exécutif perdra sûrement en neutralité et inévitablement en popularité.

Sources :

Les Echos, 16 avril 2016. http://www.lesechos.fr/economie-france/social/021882467451-assurance-chomage-le-plan-du-patronat-pour-moduler-les-droits-1217910.php

Le Figaro, 16 avril 2016. http://www.lefigaro.fr/social/2016/06/16/09010-20160616ARTFIG00009-l-assurance-chomage-dans-l-impasse.php

 

aloysia biessy