Une étude du cabinet d’audit financier Ernst & Young établit des conclusions moins roses sur l’attractivité économique de la France en 2015 que celles de Business France, cet organe de Bercy en charge des investissements à l’internationale et de la promotion de la France à l’étranger. D’après celle-ci la France se situe assez bas en comparaison de ses partenaires européens en ce qui concerne les chiffres de son investissement.

En effet, ces chiffres sont cléments pour la plupart des pays européens qui ne semblent pas être affectés ainsi par la sismicité géopolitique, économique et migratoire de l’année passée. L’étude relève une hausse de 14% des investissements étrangers en Europe. Mais son analyse précise que seule la France n’en a pas bénéficié. Pire les projets d’investissement étrangers baissent de 2% en 2015, comme si la France avait atteint son plafond de compétitivité. Ernst & Young dénombre 598 projets d’investissements étrangers en France contre plus de 1065 pour la Grande-Bretagne et 946 pour l’Allemagne. La France est donc « évincée de la compétition Royaume-Uni-Allemagne » surtout quand Cameron annonce encore une baisse de l’impôt sur les sociétés, à 17% : « voilà une mesure qui rassurent vraiment les entreprises » affirme Marc Lhermitte, en charge de l’étude pour EY. Paradoxalement l’image de la France est meilleur qu’auparavant pour 80% des investisseurs : le discours « business friendly » du ministre de l’Economie Emmanuel Macron y est probablement pour quelque chose et contraste avec son prédécesseur ; Arnaud Montebourg. Manifestement, cela n’est pas suffisant pour que les investisseurs accordent leur confiance à la France, Marc Lhermitte conforte ce diagnostic : « l’hexagone suscite plus d’affection que d’adhésion » indique-t-il et reconnaît que « l’année 2015 n’a pas transformé l’essai ». En effet le véritable symptôme à l’origine de ces chiffres plutôt médiocre reste le même depuis des années : notre compétitivité est perçue comme lamentable. Quelques 72% des décideurs internationaux considèrent la fiscalité française « peu ou pas du tout attractive » au niveau des charges sociales, malgré la mise en place du crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE). Ni les mesures d’assouplissement du régime fiscal des impatriés, ni le « tax4business » permettant de répondre aux problématiques fiscales des investisseurs étrangers en France. Il est même rapporté que 83 % de ces décideurs fustigent aussi « l’inflexibilité du marché du travail ». En outre « en comparaison avec l’Allemagne, la France apparait en net retrait sur son climat social et sur la clarté de son environnement politique, législatif et administratif » toujours selon l’étude. « Si on change le marketing du produit sans changer le produit, ça ne sert pas à grand-chose » conclut Marc Lhermitte.

Sièges sociaux : La ruée vers Londres

La question de la détermination territoriale du siège social des entreprises est qualifiée par la journaliste économique du Figaro Marie Visot, de « nerf de la guerre, c’est la valeur ajoutée et ce en raison de la compétition très rude entre les pays européen ». Sur cette compétition, les chiffres sont sans appels ; la Grande-Bretagne écrase la France. Avec plus de 150 projets de sièges sociaux installés sur son territoire en 2015 elle rafle la part du lion sur les 294 centres de décision qui ont décidés de s’installer en Europe ; la France pour sa part en obtient seulement…11 ! La grande attractivité Londonienne est expliquée par la mise en avant de « son profil de compétitivité, un environnement des affaires ouvert et peu règlementé, un marché du travail flexible, un régime fiscal attractif. » poursuit l’enquête. L’éventualité d’un Brexit ne semble donc pas affecter outre mesure les investisseurs pour l’instant car Londres a su créer un véritable siphon à sièges sociaux avec un coût fiscal de l’impatrié intéressant, un mode de rémunération des cadres ultra-avantageux et un taux d’impôt sur les sociétés en dessous des 20%, même si cela ne fait que compenser le recrutement difficile ou le coût de l’immobilier exorbitant.

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Manifestement la guerre des siège sociaux est loin d’être gagnée par le côté français quand on voit ces plusieurs entreprises emblématiques qui ont décidé de quitter la France comme l’industriel Technip il opère une fusion avec l’américain FMC Technologies pour finalement choisir son siège  social à Londres, comme Alstom Power qui a été récupéré par l’américain General Electric, Alcatel racheté par Nokia ou Lafarge qui se marie avec le cimentier suisse Holcm. Ces déménagements traduisent dans le fond un manque de compétitivité fiscale de la part de la France. Terra Nova et l’institut Montaigne s’aligne aussi sur cette conclusion, il y a effectivement une érosion dramatique du nombre de centres de décision qui choisissent de s’installer en France : même le conseil d’analyse économique proche de matignon l’a affirmé : En 30 ans, la France est passé de la première à la quatrième place en Europe.

Pourtant l’étude de EY observe que la France arrive en première position des pays offrants des dispositifs avantageux aux entreprises. Le crédit d’impôt à la recherche (CIR) est considéré comme « le dispositif de financement de l’innovation le plus plébiscité par les entreprises européennes ainsi que par les entreprises interrogées dans le cadre de l’étude EY sur l’efficacité des aides publiques aux entreprises. » De plus la France est numéro un devant le Danemark, des impôts et taxes (qui représentent 45,7% du PIB).

La fuite des sièges sociaux est donc un encouragement à la réforme selon Marie Visot (journaliste économique au Figaro). Il est donc juste de souligner à ce titre que la loi El-Khomri n’est pas totalement sourde à ce type de problématique même si le texte en lui-même reste perfectible.

 

Source : « Attractivité : la France à contresens du reste de l’Europe » Le Figaro 24/05/2016

 

aloysia biessy