De son nom la Cour européenne des droits de l’homme ne peut guère plus se revendiquer que du nom de Cour a moins d’être rebaptisée Cour européenne des droits de l’homme en bonne santé. La dernière décision de la Cour est scandaleuse. Elle  a affirmé vendredi 5 juin que l’arrêt de l’hydratation et de la nutrition de Vincent Lambert était conforme à la Convention des droits de l’homme. Cette déclaration lui ôte toute forme d’humanité, au point de faire déclarer aux cinq juges de la CEDH opposés à cette décision que la Cour devait renoncer à son titre de « Conscience de l’Europe. »

 

Une décision incompréhensible

« Ce qui est proposé revient ni plus ni moins à dire qu’une personne lourdement handicapée, qui est dans l’incapacité de communiquer ses souhaits quant à son état actuel, peut, sur la base de plusieurs affirmations contestables, être privée de deux composants essentiels au maintien de la vie, à savoir la nourriture et l’eau, et que, de plus, la Convention est inopérante face à cette réalité. Nous estimons non seulement que cette conclusion est effrayante mais de plus – et nous regrettons d’avoir à le dire – qu’elle équivaut à un pas en arrière dans le degré de protection que la Convention et la Cour ont jusqu’ici offerte aux personnes vulnérables. »[1]

Cette déclaration est faite au lendemain de la décision de la Cour par les cinq juges (représentant Malte, la République de Moldavie, la Géorgie, la Slovaquie et l’Azerbaïdjan) qui se sont désolidarisés de la décision.

Ces juges rappellent que, tétraplégique après une phase de coma profond Vincent Lambert est désormais dans un coma dit « pauci-relationnel », plus précisément en état dit de « conscience minimale plus ». Il s’éveille, dort, sourit, pleure parfois et répond aux stimulations, sans que ses réactions n’aient de réponse ou de valeur «clinique objective», ce qui ne permet pas de rendre recevable la prétendue demande de mort qu’il aurait pu formuler.

Surtout il n’est relié à aucun branchement, ne respire pas artificiellement et il n’a qu’une sonde alimentaire qui le nourrit pour éviter «les fausses routes» et les difficultés de déglutition. Si son état parait irréversible, il n’est pas malade, il n’est pas en fin de vie mais simplement handicapé et faible et «rien ne prouve de manière concluante ou autre qu’il ressent de la douleur». En outre, son alimentation et son hydratation par voie entérale pouvant «être administrées par la famille ou les proches», à domicile, «sont entièrement proportionnées à la situation dans laquelle il se trouve», indépendamment de savoir «si elles relèvent de traitement ou soins ou simplement alimentation». Pour eux «Les questions relatives à l’alimentation et à l’hydratation sont souvent qualifiées par le terme “artificiel”, ce qui entraîne une confusion inutile, comme cela a été le cas en l’espèce

Ces juges ne comprennent pas pourquoi le transfert de Vincent Lambert dans une clinique spécialisée (la maison de santé Bethel où l’on pourrait s’occuper de lui et donc soulager l’hôpital universitaire de Reims de ce devoir) a été bloqué par les autorités. En effet Vincent  Lambert est enfermé dans sa chambre d’hôpital et les soins qui lui sont nécessaires en tant que patient et susceptibles de rendre plus tolérable son état ne lui sont pas apportés: kinésithérapie, orthophonie.

 

Une condamnation à la mort lente

Alors même que la peine de mort est abolie pour les criminels dans toute l’Union européenne, elle est réintroduite petit à petit pour les innocents. Et cette réintroduction en France se fait de manière odieuse, par arrêt de boisson et de nourriture. Nous ne sommes plus du tout dans l’idée de « laisser mourir » une personne en fin de vie mais de « faire mourir » une personne handicapée qui est juste incapable de se nourrir seule.  Par « souci d’humanité » cet arrêt des besoins vitaux sera accompagné d’une sédation afin que la souffrance due à la déshydratation ne puisse se manifester. Car l’agonie par privation d’aliments et de boisson, n’est pas une mort douce. C’est une longue, une très longue souffrance, une agonie qui n’en finit pas. Cette peine-là, Vincent Lambert l’a déjà connue entre deux décisions de justice, il a été privé de nourriture et d’eau pendant 31 jours.

Cette agonie atroce sert à l’accomplissement de l’idéologie mortifère des Jean-Luc Romero et autres partisans de l’ADMD. A juste titre ceux-ci s’insurgent contre un tel traitement afin de proposer comme seule alternative possible une euthanasie par piqûre qui serait pour eux beaucoup plus humaine et digne. C’est encore une fausse alternative que l’on veut nous proposer où le seule choix possible serait de faire mourir de faim et de soif ou de tuer d’une piqûre mortelle. Ce serait oublier le seul choix humain, laisser vivre en accompagnant la personne jusqu’à la fin de sa vie.

Nous devons comprendre, que pour la première fois, la vie d’une personne handicapée est arrêtée, en toute légalité. Les plus hautes instances juridiques nationales et européennes, sous couvert d’avis d’experts médicaux, prononcent un arrêt de mort, dans la plus grande incertitude concernant son niveau de conscience, sa réelle volonté, sans aucune unanimité à quelque niveau que ce soit et ce après l’avoir privé près de 3 ans des soins normalement requis par son état. C’est ce qu’explique le Professeur Xavier Ducrocq, neurologue au CHU de Nancy.

 

 

Les cinq juges critiquent donc vigoureusement la CEDH en déclarant que «Certes, la Cour ne doit pas agir en tant que juridiction de quatrième instance et doit respecter le principe de subsidiarité, mais pas jusqu’à s’abstenir d’affirmer la valeur de la vie et la dignité inhérente même aux personnes qui sont dans un état végétatif, lourdement paralysées et dans l’incapacité de communiquer leurs souhaits à autrui

Il nous semble important de rappeler que la dignité d’une personne ne dépend pas de son utilité pour la société, de son autonomie, ni de la conscience qu’elle pourrait avoir éventuellement d’elle-même.

La CEDH comme le Conseil d’État sont les juges ultimes des activités des administrations mais doivent-ils pour autant être amené à se prononcer sur la vie d’un patient, fut-il pris en charge par un établissement public ? Quelle légitimité, quelle portée pouvons-nous voir dans une telle décision ? Alors même que la peine de mort a été abolie pour les criminels coupables, l’Etat et la Justice se permettent de statuer sur le droit de vie ou de mort de personnes innocentes et faibles et handicapées. L’autorisation officielle d’abandon des plus faibles est très préoccupante pour la société. À partir de quel moment peut-on commencer  à évaluer la valeur intrinsèque de la vie d’un patient ? Cette décision crée un précédent qui est une source de crainte pour les familles des près de 1700 patients cérébro-lésés actuellement accompagnés par le système de santé français.

Rédacteur Web