Le projet de loi de santé de Marisol Touraine se donne 3 axes prioritaires : prévenir, faciliter et innover. Pour cela de nombreuses mesures sont proposées, comme la prévention de l’ivresse chez les jeunes, la lutte contre le tabagisme, mais aussi les « salles de consommation à moindre risque » pour les toxicomanes, la facilitation d’accès à la contraception d’urgence dans les collèges et lycées ou encore la possibilité aux sages-femmes de réaliser des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses.

Parmi les mesures les plus contestées nous retrouvons la généralisation du tiers-payant, qui vise à supprimer l’avance des frais chez le médecin. En réponse, les médecins sont régulièrement en grève.

 

Le tiers-payant généralisé

Le tiers-payant, qui consiste à éviter l’avance des frais de santé par le patient, existe déjà chez les pharmaciens ou à l’hôpital. Le ministre des affaires sociales et de la santé souhaite sa généralisation aux médecins libéraux. Marisol Touraine a commandé un rapport sur la question à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui lui a été rendu en juillet 2013.

Selon ce rapport, il existe « une quinzaine de cas de dispense de frais » qui tendent en réalité vers « une situation illisible et inéquitable ». C’est pourquoi l’IGAS préconise la généralisation du tiers-payant comme solution pour une simplification du système et une égalité ; mais il met en garde de certains risques :

    • « L’absence de risque de trésorerie [avec] des délais de paiement excessifs » ;
    • « L’absence de risque de perte financière en cas d’absence de droits des patients » ;
    • « L’absence de risque de charge administrative supplémentaire » ;
    • « le risque inflationniste », c’est-à-dire « soit que le patient multiplie ses demandes, soit que le médecin multiplie son offre ».

Marisol Touraine a entendu les aspects positifs de la généralisation du tiers-payant et n’entend pas revenir sur cette mesure ; mais elle ne semble pas avoir pris en compte les risques et n’y a apporté aucune réponse. Les médecins se défendent de cette généralisation, par peur de perdre l’aspect libéral de leur profession.

 

La colère des médecins

Pour les médecins, la généralisation du tiers-payant est une atteinte à leur profession libérale : elle ferait d’eux des fonctionnaires menant à une perte de qualité du service et des problèmes de paiement.

 

 1. Baisse de la qualité des services, perte respect, déresponsabilisation

Selon les médecins, le système actuel fonctionne très bien, avec des soins de très bonne qualité et la possibilité d’un paiement plus tardif pour les ménages les plus modestes, appelé le tiers-payant social.

Pour le président du syndicat des médecins libéraux, Eric Henry, la généralisation et l’obligation  du tiers-payant serait « l’arrivée de la médecine de masse » et « la mort de la Sécurité sociale que l’on connait », avec une perte de qualité des soins et une précarisation des médecins.

Eric Henry justifie cela en comparant leurs services à ceux des urgences. Les consultations de ces dernières coûtent chères, elles sont en déficit et sont surchargées. C’est le même sort qui attend les médecins si cette mesure passe. De plus, Henry craint un zonage effectué sur le modèle de celui des écoles, qui contraindrait chaque patient à la dépendance de médecins qu’il n’aura pas choisi.

 

 2. Des retards de paiement

Les pharmaciens pratiquent déjà la généralisation et l’obligation du tiers-payant et s’en plaindraient selon Eric Henry. Ils dénonceraient un retard de paiement et une perte du respect de leurs patients devenus simples clients consommateurs.

Depuis déjà quelques mois, deux médecins ont créé l’Observatoire du tiers-payant qui met en évidence des retards considérables de paiement : « Alors qu’une feuille de soins papier doit être réglée en 20 jours, notre palmarès montre que les 10 pires caisses de France sont capables de payer au-delà des deux ans ! »

Après avoir perdu la liberté de fixer leurs honoraires et la liberté de prescription, les médecins risquent de devenir des fonctionnaires, otage des agences nationales régionales de santé.

 

Finalement, comme pour les professions réglementées en général et les notaires en particulier, nous avons en France des systèmes qui fonctionnent, adaptés en fonction des professions et qui font leurs preuves. La médecine française propose en effet la meilleure qualité de soins dans le monde depuis 60 ans. Le Gouvernement cherche à libéraliser les professions aujourd’hui réglementées et à réglementer une profession aujourd’hui libérale. Il cherche encore une fois à légiférer sur des cas particuliers (les foyers les plus modestes en l’occurrence) au détriment des médecins et de la qualité des soins. Partant d’une bonne intention, cette mesure aura plus d’effets pervers que d’effets négatifs.

 

 

 

Rédacteur Web