Alors que le monde occidental était captivé par la France et ses attentats islamistes, un autre drame plus terrible encore s’est déroulé au Nigéria. Boko Haram, le groupe terroriste islamiste a mené une attaque sans précédent dans le Nord-Est du pays, faisant plusieurs milliers de victimes. Les islamistes ont rasé 16 localités et fait plus de 2000 victimes. Dans le même temps ils auraient utilisé une fillette de 10 ans comme bombe humaine dans un marché de la ville de Maiduguri.

La violence et les actions de Boko Haram ne sont pas inconnues. Le monde occidental s’est ému de l’enlèvement l’enlèvement de 200 lycéennes dans le Nord du pays le 14 avril 2014. Dans une vidéo postée par le groupe islamiste, le leader affirmait  qu’il les vendrait comme esclaves et qu’il imprégnerait « le sol nigérian du sang des chrétiens et des soi-disant musulmans qui ne se conforment pas aux préceptes de l’islam ». Le Président Hollande avait alors déclaré que « Boko Haram est devenue une menace majeure pour l’Afrique de l’Ouest et maintenant l’Afrique centrale ». Mais le véritable problème est que Boko Haram n’est pas « devenue une menace majeur », il l’est depuis de nombreuse années dans l’indifférence générale, et il vient une fois de plus de le prouver.

 

Une réaction tardive à une situation critique :

Si le Nigéria est devenue la première puissance du continent africain en termes de PIB, il est loin d’être le pays le plus stable de la région avec de grandes fractures ethnico religieuses. Cette fédération de 168 millions d’habitants est peuplée au Nord par les Haoussa-Fulani-Kanouri musulmans (30% de la population), au Sud-Est par les Ibo et au Sud-Ouest par les Yoruba principalement chrétiens et animistes (près de 41%). Le pouvoir politique et militaire est détenu depuis 2010 par le Sud avec à sa tête le Président Goodluck Jonathan.

Le Nord du pays connait un regain de l’irrédentisme islamique avec la naissance de Boko Haram en 2002. Les affrontements Nord-Sud « s’inscrivent dans […] le prolongement de la situation précoloniale ». Boko Haram, qui signifie « l’éducation occidentale est un péché » veut l’imposition de la charia et soutient le califat musulman de Sokoto. Depuis douze ans le groupe multiplie les attentats contre l’armée, les églises (comme le jour de Noël 2011), les « mauvais musulmans » et même contre le siège des Nations unies à Abuja en août 2011. Des villages entiers ont été rasés, des prises d’otages ont eu lieu comme avec la famille Moulin-Fournier et le père Georges Vandenbeusch. On estime qu’entre 2009 et mai 2013, 3600 personnes sont mortes à cause de Boko Haram. De mai à décembre 2013, 1224 personnes ont été tuées et on estime que le groupe est responsable de la mort de 1800 personnes lors du premier semestre 2014.

Ces événements ne sont pas récents et ont déjà touché directement des Français. Pourtant le gouvernement ne semble prendre conscience qu’actuellement de la situation qui est dramatique pour le pays mais aussi pour la stabilité de la région. Boko Haram a en effet des liens avec Al-Quaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et les autres groupes islamistes d’Afrique. Il fait partie de cette tentative d’une sanctuarisation islamiste de la région, que la France combat dans le Sahel. Ces groupes sont financés en partie par les pays du Golfe qui sont par ailleurs nos grands alliés. Ceux-ci auraient assuré au Président Hollande avoir cessé leur « générosité ».

 

Une semaine sanglante :

En août 2014, le leader de Boko Haram, Abubakar Shekau, avait annoncé la création d’un « Califat islamique ». Depuis les islamistes se sont emparé de l’Etat de Borno au Nord-Est du Nigeria. En un an le groupe a réussi à conquérir un territoire de 20 000 km2 au Nord-Est du pays. Un « Boko Haram Land » serait en voie de constitution, où les militaires nigérians, quand ils n’ont pas fui, vivent encerclés dans leurs bases, ne se déplaçant qu’en lourds convois, incapables de porter secours aux populations.

Restait une ville à prendre ; Bagan symbolique car base de la MNJTF (Multinational Joint Task Force) devant organiser la réponse commune des soldats nigérians, nigériens et tchadiens contre Boko Haram. Le Tchad voit notamment Boko Haram se rapprocher dangereusement de son territoire et de sa capitale N’Djamena, à quelques heures de piste.

Mais la MNJTF, composée alors uniquement de soldats nigérians n’a pu empêcher un massacre d’une telle ampleur. La première attaque a eu lieu le samedi 3 janvier et Boko Haram s’empare alors de la base de la MNJTF. La ville, à proximité du lac Tchad est primordiale pour Boko Haram, qui contrôle déjà certaines iles, pour permettre au groupe de faire passer des convois d’armes en provenance de Libye, via le Tchad. Une seconde vague d’assaut à lieu les 7 et 8 janvier et les islamistes rasent la ville à 90%, massacrant tous les habitants s’y trouvant, sans distinction d’âge, d’ethnie, ou de religion. « Il semble que tout le monde ; musulmans, chrétiens, camerounais, nigérians, soit une cible pour Boko Haram ».

Le groupe s’est également emparé des villages alentours. Le bilan semble faire état de près de 2000 morts et de 20 000 déplacés, qui ont pris la fuite en direction de Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno dont Boko Haram n’a pas réussi à s’emparer.

Le week-end des 10 et 11 janvier, environ 25 personnes sont mortes sur différents marchés du Nord du pays. Comble de l’horreur, le groupe a utilisé une fillette de 10 ans (ignorant vraisemblablement ce qui était fixé sur son corps) comme bombe humaine, explosant au passage du contrôle des métaux. Le lendemain se sont deux femmes qui se sont fait exploser sur un nouveau marché.

Lundi 12 janvier Boko Haram a lancé une attaque au  Cameroun contre une base militaire à Kolofata. Toutefois les islamistes ont connu un revers cuisant, laissant 143 morts sur le terrain.

 

Quelle réaction de l’occident ?

Boko Haram n’est désormais plus une secte comme à ses débuts et il s’est transformé en véritable groupe islamiste insurrectionnel en usant de méthodes terroristes à grande échelle. Il existe une stratégie de massacre et de propagande par l’acte, visant à maintenir pour le groupe son leadership et son ascendant sur les autres. Boko Haram tient la population civile en otage, sommée de collaborer sous peine d’être massacrée.

Selon l’islamologue Mathieu Guidère, s’il ne semble pas y avoir de relations directes entre Boko Haram et l’Etat islamique il y aurait une sorte de mimétisme.  Shekhau a déclaré un califat sur les zones qu’il contrôle, deux mois après l’annonce de Baghdadi. Boko Haram suit exactement la même stratégie d’expansion territoriale que celle de l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Il applique quasiment les mêmes tactiques de guerre terrorisante et il agit désormais comme l’organisation de Baghdadi sur les zones qu’il contrôle.

La communauté internationale doit se préoccuper de cette montée en puissance. Après l’enlèvement des 200 jeunes filles, la communauté internationale avait promis son aide au Nigéria et à l’armée nigériane lors de la réunion de Paris. Le Nigéria désire désormais rappeler leur promesse aux occidentaux.

Suite à la désastreuse guerre de Libye les cartes régionales ont étés redistribuées et la France a été forcée d’intervenir au Mali, puis dans un dispositif plus large dans le Sahel, afin de contrer la menace islamique. Toutefois l’opération Barkhane ne peut réussir si d’autres groupes se développent juste au sud du dispositif. Les alliés régionaux, occidentaux et européens de la France, doivent eux aussi se mobiliser, notre pays ne pouvant supporter à lui seul le coût et l’ampleur des combats à mener.

Si une intervention directe occidentale ne semble pas envisagée, les pays africains et notamment frontaliers (Niger, Tchad et Cameroun) qui subissent aussi ce terrorisme islamiste doivent s’engager pour contenir ce groupe. Le Nigeria apparaissait ces dernières années comme le pays fort de la région, possédant une armée professionnelle. Celle-ci n’a pas réussi seule à remporter la lutte contre Boko Haram.

Il faut améliorer la coopération entre ces pays qui sont utilisés par les djihadistes  comme base de repli, vivier d’otages et zones de transit pour le trafic d’armes. Il faut éviter à tout prix une déstabilisation régionale, et une jonction entre Boko Haram et des groupes en Centrafrique, voire au Soudan. Ces pays africains doivent travailler entre eux, à la surveillance de leurs frontières et au combat contre ce groupe.

 

L’action tragique de Boko Haram au Nigéria et dans les pays frontaliers n’est pas récente. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un attentat ne frappe une école, une église, un village ou un poste de police. La dangerosité de ce groupe dans une région perméable et ses ramifications avec d’autres groupes djihadistes de la région est connue depuis longtemps et a été illustrée pour la France par différentes prises d’otages. La réaction occidentale tardive a laissé le temps à Boko Haram de s’organiser, de croître et de semer la terreur. La France doit s’inquiéter de ce problème mais ne peut en aucun cas intervenir, dans un pays qui n’est pas dans son champ historique d’intervention, avec le peu de moyens qui sont accordés à l’armée française. La probable nouvelle amputation du budget de la Défense ne permet plus d’intervenir sur un nouveau front. Les pays africains de la région doivent intervenir et s’organiser entre eux pour soutenir le Nigéria qui est un des poids lourds de la région et pourtant menacé de déstabilisation qui peut s’étendre à la région.

 

 

 

Rédacteur Web