La politique d’asile en France serait « au bord de l’embolie » et n’est « pas soutenable à court terme ». C’est ce que déclare un rapport alarmant de la Cour des comptes, révélé deux jours avant que ne débute mercredi l’examen par la commission des lois du Sénat d’un projet de loi réformant le droit d’asile. Le coût de l’asile est chiffré à plus de 2 milliards d’euros par an pour la collectivité nationale, 13 724 euros par demandeur.

Le rapport de la Cour des comptes :

Selon ce rapport « la politique d’asile est devenue la principale source d’arrivée d’immigrants clandestins en France».
La France vit une hausse de la demande d’asile jusqu’en 2013 pour atteindre 66.251 dossiers déposés », des « délais de procédure qui s’élèvent à deux ans environ » et « une concentration des demandes sur certains territoires, en particulier l’Ile-de-France ».
Après le calcul des « dépenses totales effectuées pour les demandeurs d’asile » la Cour des comptes conclut à une hausse de 60% en cinq ans : « pour les demandeurs d’asile, le coût global s’élèverait à 990 millions d’euros environ en 2013, contre 626 millions d’euros en 2009 », soit un coût par demandeur de 13 724 euros.

Pour les déboutés, le montant des dépenses « serait équivalent à celui consacré aux demandeurs d’asile », à savoir un milliard d’euros par an et un coût moyen par débouté « allant jusqu’à 5.528 euros ». De ces calculs découle une facture globale de 2 milliards d’euros par an, « deux fois plus que les estimations concédées jusqu’alors par les autorités ».

Surtout le rapport estime que « malgré l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui leur est notifiée, seul 1% des déboutés sont effectivement éloignés ». La quasi-totalité des déboutés « reste en situation irrégulière en France ».

Le document de la Cour des comptes émet des « recommandations provisoires ». Il préconise notamment de « réduire le montant des allocations mensuelles versées aux demandeurs d’asile », de mettre en place un « guichet unique » de traitement des dossiers et d’  « exécuter les obligations de quitter le territoire français pour les personnes déboutées. »
Tant que la question de l’organisation systématique et rapide de leur retour ne sera pas réglée, le système ne pourra fonctionner correctement.

 

La réforme du droit d’asile arrive au Sénat :

Un projet de réforme arrive au Sénat mercredi 14 avril 2015 en commission des lois.

La réforme poursuit plusieurs objectifs :

–    Ralentir les délais de traitement (procédure de neuf mois au lieu de deux ans).

–  Adopter des dispositions contraignantes pour mieux gérer l’hébergement des demandeurs d’asile. Sur 47 000 places disponibles en hébergement d’urgence, 22 000 sont des chambres d’hôtel, les migrants refusant les centres d’hébergement.

–    Créer des lieux d’aide et de préparation au retour pour les déboutés et abréger les procédures de recours pour les personnes frappées d’une obligation de sortie du territoire.

Elle s’appuie sur un rapport du Comité d’évaluation et de contrôle sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile, rendu par  Mme Jeanine Dubié et M. Arnaud Richard, qui a délivré les conclusions suivantes.

 

Une procédure de demande d’asile complexe, trop longue et non harmonisée :

La procédure de demande d’asile se passe en plusieurs étapes, dont les plus importantes sont l’examen de la demande par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) et le recours de plein contentieux auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA). Le nouveau projet de loi veut faire passer la procédure devant la CNDA de cinq mois à cinq semaines et devant l’OFPRA de deux ans à neuf mois.

On trouve, au sein de cette procédure, des délais cachés d’entrée, mais aussi de transmission du dossier. Ainsi la mise en place d’un nouveau système d’accueil est nécessaire, si l’on veut respecter les exigences données par la directive « procédure » de 2013, dont l’article 6 prévoit que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale doivent avoir « la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais » et que l’enregistrement doit avoir lieu « trois jours ouvrables après sa présentation » (ce délai peut être porté à dix jours ouvrables, si l’État membre fait face à un nombre élevé de demandes).  Ainsi les délais moyens d’examen par l’OFPRA sont passés de 101 jours en 2008 à 205 jours en 2013.

Les étrangers déboutés du droit d’asile, après parfois deux ans de procédure, tentent souvent de régulariser leur séjour, ceci montrant la porosité des procédures : soit en faisant valoir qu’ils remplissent les critères de régularisation fixés par les circulaires en vigueur, soit en entamant d’autres procédures spécifiques. Parmi elle, la plus sollicitée est la procédure dite des « étrangers malades », définie à l’alinéa 11 de l’article L.313-11 du CESEDA.

La jurisprudence définit à un an la durée nécessaire pour que la résidence puisse être considérée comme habituelle, ce qui permet aux déboutés du droit d’asile de présenter leur dossier, alors même que la procédure de demande d’asile est toujours en suspens. Certaines préfectures refusent de prendre en compte ces demandes parallèles, mais aucune base légale ne permet de fonder un tel refus.

Il est à noter, de plus, la faible exécution des Obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui ne sont pas systématiquement prononcées lors du non aboutissement de la procédure de demande d’asile.

Pour 45.000 personnes n’ayant pas obtenu le droit d’asile en 2013, les OQTF prononcées n’ont été que de 19.000. On peut constater qu’un rejet de la demande ne conduit pas automatiquement à une obligation de quitter le territoire. Sur 89.000 OQTF prononcées en 2013, 15.200 éloignements ont été effectivement réalisés, soit un taux d’exécution très faible, de l’ordre de 17% (voir 1% des déboutés pour la Cour des comptes). La décision de donner  des OQTF revient au préfet, qui juge en fonction du dossier de l’étranger. Mais il est alors possible de se voir refuser l’obtention du droit d’asile, tout en étant en situation régulière sur le territoire français (procédures « vie privée et familiale » ou encore « étrangers malades »).

 

Les coûts de la politique d’asile :

Ces coûts sont retracés pour l’essentiel dans l’action 2 du programme 303 de la mission Immigration, asile et intégration. Pour l’année 2014, il était prévu que la politique d’asile coûte 576 millions d’euros.  La Cour des comptes l’annonce déjà à 990 millions d’euros en 2013 et estime qu’elle coûte désormais 2 milliards par an.

Par ailleurs, il n’est ici pas pris en compte l’hébergement d’urgence généraliste (HU) auxquels les demandeurs d’asile, rejetés ou non, ont massivement recours et qui, selon les estimations, serait un budget supplémentaire de 90 millions d’euros. Il existe, de plus, des coûts indirects provoqués par la présence des demandeurs d’asile et déboutés sur le territoire, comme l’aide sociale des collectivités territoriales, les prestations des organismes faisant appel à la générosité publique, la prise en charge des frais de santé ou encore le coût pour la scolarité des enfants.

Ces coûts ne sont pas compensés par des cotisations sociales prélevés sur leurs salaires, puisque la réglementation interdit aux demandeurs d’asile de travailler pendant l’instruction de leur dossier, n’ayant pas vocation à s’installer en France et pas de protection internationale.

L’allocation temporaire d’attente (ATA) est une aide financière, d’un montant mensuel de 336 euros, versée aux demandeurs d’asile à qui aucune place en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) n’a pu être proposée, pendant toute la durée d’instruction de leur demande.

Le coût global de l’ATA a connu une augmentation exponentielle ces dernières années : il est passé de 47,5 millions d’euros en 2008 à 149,8 millions d’euros en 2012. Cela est dû à l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile, à l’allongement des délais d’instruction des demandes auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et au nombre limité de places en CADA. Les dotations prévues en loi de finances ont toujours été insuffisantes pour couvrir ces dépenses.

 

La politique d’asile française n’est pas donc pas efficace. Si la France n’accepte environ qu’un dossier sur cinq, la procédure dure deux ans, pendant lesquels il faut s’occuper de ces « réfugiés » qui n’ont pas le droit à l’asile, et même après avoir été déboutés des dizaine des milliers d’entre eux sont toujours présents sur le territoire français. Ce laxisme représente un espoir pour des candidats toujours plus nombreux à l’immigration qui ne sont pas poussés par une situation de danger dans leur propre pays. Ceci entraîne le refus d’accueillir des demandeurs d’asile qui eux sont directement menacés, la France étant déjà submergée de demandes plus ou moins crédibles. Le nouveau projet de loi devra simplifier la procédure d’étude des dossiers, avec par exemple des juges uniques pour les affaires simples. La procédure d’hébergement de ces demandeurs devra être remise en question afin de réduire les coûts qu’elle représente pour les municipalités. Les obligations de sortir du territoire ordonnées devront être respectées. Toutefois la pression migratoire aux portes de l’Europe risque de rendre la réforme difficile tant que la question du libre contrôle des frontières nationales ne sera pas abordée au niveau européen.

 

 

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