Manuel Valls l’a réaffirmé ce mardi 10 mars lors des questions au gouvernement : il avait défendu avec conviction une proposition de loi de Jean-Marc Ayrault, relative au droit de « finir sa vie dans la dignité », visant à « créer une aide active à mourir de portée générale ». Il a déclaré que même si ce texte était adopté, les discussions sur la fin de vie iraient plus loin dans les prochaines années.

Tous le savent, ce texte n’est qu’une étape. Il porte en lui les prémices du suivant, par les dérives automatiques qu’il engendrera par la mise en place de la sédation « profonde et continue ». Cette sédation, profondément hypocrite consistera a endormir une personne jusqu’à sa mort en lui coupant automatiquement ses traitements, dont l’hydratation et la nutrition artificielles.

La mort du patient ne résultera pas nécessairement de la « victoire » de la maladie mais d’un défaut de nutrition et d’hydratation. Cette triste réalité ne manque pas d’être relevée par les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté qui y voient une lente agonie et réclament dès à présent de passer à l’étape supérieure. Nul doute, les dérives mises en place par cette sédation seront le point de départ d’un futur texte visant à développer une euthanasie plus radicale qui dira son nom.

Cette sédation, la notion de dignité, non définie mais utilisée sans cesse et la volonté de soumission des médecins font de ce texte une proposition inacceptable.

La sédation terminale ou l’euthanasie qui ne dit pas son nom :

Cette sédation terminale, mesure phare du projet de loi, est introduite dans l’article 3 : « le médecin applique le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès. »

La première condition est extrêmement significative de l’esprit de la loi, et permet de répondre un peu plus précisément aux questions posées par le choix du terme de dignité à l’article premier. Il est en effet stipulé qu’une personne peut demander au médecin de procéder à la sédation finale, accompagnée d’un arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, afin de ne pas « prolonger inutilement sa vie ». Il serait ici encore intéressant de connaître la position du législateur et du juge sur le terme « inutilement ». Dès lors comment juger si une vie est utile ? Faut-il le faire et qui doit le faire ?

L’utilité d’une vie est-elle le critère de dignité de la vie humaine ? En cas de litige, quel sera « l’esprit du législateur » retenu par le juge pour trancher ?

Est également stipulé : « un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie ». Les législateurs le précisent toute sédation doit s’accompagner automatiquement de l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation. Une sédation finale sans arrêt de l’alimentation et de l’hydratation constitue pour le législateur « une pratique malheureuse ».

Dignité et fin de vie :

L’article 1 indique que « Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée ». Ces deux termes (dignité et apaisement) ne sont pas précisément identifiables par le droit français. Il semble en outre difficile à l’Etat de procurer ces deux qualités qui échappent largement à son pouvoir ainsi qu’à celui de la médecine. Dans quelle mesure le professionnel de santé peut-il aider une personne en fin de vie, dont la situation familiale par exemple exclut d’office tout apaisement ?

Quels sont les critères de dignité que ce nouveau droit inclut? En cas de litige juridique avec le médecin, une famille pourra-t-elle réclamer la reconnaissance de l’indignité d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer? Quelle sera dès lors la position du juge ? Aura-t-il le pouvoir de définir la dignité ou l’indignité d’une personne humaine ?

Il est enfin essentiel de se pencher également sur l’expression « fin de vie ». Comment déterminer ce qu’est ou ce que n’est pas la fin de vie ?

Sur cette question, les députés s’en remettent à la déclaration de Manuel Valls (p20 du rapport) : « Il n’existe aucune définition médicale de la phase terminale, c’est pourquoi nous retiendrons les termes de la lettre de mission du Premier ministre : la phase terminale de la vie est celle où le pronostic vital est engagé à court terme ». Outre la question de l’habilitation et de la compétence du Premier ministre à définir médicalement la phase terminale, plusieurs questions demeurent sans réponse. Une personne dont le pronostic vital est engagé à court terme va-t-elle nécessairement mourir ? Comment apprécier la notion de « court terme » ?

Le médecin, objet de la volonté du patient :

L’article 1 se termine par « Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour satisfaire ce droit ». Les professionnels de santé sont considérés comme les garants de ce nouveau droit. Pour cela, ils peuvent mettre en œuvre « tous les moyens à leur disposition ». Ces moyens doivent-ils être considérés comme les moyens de droit ou les moyens de fait ? Dans la mesure où le périmètre du droit est incertain – dignité et apaisement – comment le médecin pourra-t-il apprécier l’adéquation des moyens employés par rapport à la situation de son patient ?

Ce projet de loi veut rendre les directives anticipées (qui « expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions du refus, de la limitation ou l’arrêt des traitements et actes médicaux ») contraignantes (article 8). Cela signifie que le médecin ne peut refuser ces directives. Il devient alors l’outil de la volonté du patient. On peut noter ici qu’une telle disposition est inspirée par une fausse dialectique, imposée par les partisans de l’euthanasie, et qui consiste à opposer les soignants et les patients. Dans leur logique, le patient est une victime, et le soignant un bourreau, obsédé par l’acharnement thérapeutique.

L’article 5 est clair « Le professionnel de santé a l’obligation de respecter la volonté de la personne ».

Cette proposition de loi est officiellement décriée par les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté comme l’ADMD, le jugeant à juste titre profondément hypocrite. Ce projet vise à légaliser des pratiques euthanasiques qui refusent de dire leur nom. La sédation terminale jusqu’à la mort est une euthanasie déguisée, elle vise délibérément à provoquer la mort. Dès lors les arguments seront prêts pour un basculement à court terme vers une loi autorisant l’euthanasie et le suicide assisté. Ce projet de loi en annonce les prémices. S’il est adopté en l’état, c’est l’euthanasie qui est légalisée.

Pour autant les partisans de l’euthanasie n’ont pas renoncé à agir directement en déposant un amendement, cosigné par 122 députés PS derrière Alain Touraine, pour légaliser le suicide assisté et l’euthanasie.

Les adversaires de l’euthanasie ne déméritent pas, l’Entente parlementaire ayant déposé plus de 1000 amendements.

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