Longtemps réclamé, le Kurdistan indépendant, patrie de cœur de près de 25 millions de Kurdes vivant dans quatre pays différents (Turquie, Syrie, Irak, Iran), pourrait bel et bien devenir une réalité. L’offensive de l’Etat islamique en Irak et au Levant a conduit pour le moment à l’instauration du califat sunnite, à cheval entre l’Irak et la Syrie, et surtout situé entre le pouvoir « central » irakien chiite de Bagdad, et la région autonome du Kurdistan irakien. Prétendant, sans doute à juste titre, s’opposer à l’avancée des djihadistes, les milices kurdes (peshmergas) se sont avancées hors de leur territoire et en prenant la ville de Kirkouk qu’elles revendiquaient, elles se sont assuré le contrôle de la zone pétrolifère, nécessaire à leur indépendance. La tenue d’un référendum d’autodétermination de la région a été demandée. Si l’indépendance d’un Kurdistan s’annonce, ses frontières, elles, restent à déterminer.

Les Kurdes

Historiquement les Kurdes descendent des Mèdes, peuple de L’Iran qui régna au VIIème siècle. La plupart des Kurdes sont musulmans sunnites et ils sont principalement répartis à cheval sur quatre pays : la Turquie où ils sont 13 à 15 millions, l’Iran avec 5 à 6 millions, l’Irak avec 4 à 5 millions et la Syrie avec 1,5 millions.

La création d’un Etat kurde a été envisagée lors du traité de Sèvres en août 1920, avec un Etat situé dans l’Est de l’Anatolie et dans la province de Mossoul, mais le renouveau de la Turquie avec Mustafa Kemal a fait reculer les Alliés. Pendant le XXème  siècle, des révoltes régulières ont éclatées parmi les minorités kurdes des différents pays, plus ou moins durement réprimées, parfois tragiquement avec Saddam Hussein. A plusieurs reprises l’Irak, l’Iran et la Turquie ont collaboré pour vaincre la « subversion kurde » mais lors du conflit Irak-Iran, chaque belligérant a soutenu la révolte kurde voisine. Dans les dernières décennies la principale organisation rebelle kurde est le PKK, parti des travailleurs du Kurdistan, organisation armée surtout présente en Turquie.

En Irak le Kurdistan est autonome depuis les années 90, autonomisation renforcée par la fédéralisation de l’Etat irakien en 2003, avec un gouvernement régional, une capitale, Erbil, et des forces armées ; les peshmergas. Le gouvernement régional contrôle trois gouvernorats ou districts et en revendiquait jusqu’alors d’autres, dont Kirkouk.

L’offensive bienvenue des djihadistes

L’intervention américaine de 2003 en Irak, la chute de Saddam Hussein, l’instauration d’un gouvernement chiite, méprisant les populations sunnites et la guerre de Syrie ayant rendu les frontières poreuses et ayant permis la reconstruction d’un vivier djihadiste ont mené à cette offensive de l’EEIL de juin 2014. L’effondrement en quelques jours de l’armée gouvernementale irakienne a conduit à la prise de Mossoul et de larges régions. Fuyant devant l’avancée des djihadistes, des milliers d’habitants dont de nombreux chrétiens ont fui vers la région autonome du Kurdistan. Pour les protéger et protéger la région les peshmergas se sont déployés hors de leurs frontières, dans la ville chrétienne de Qaraqosh, mais surtout à Karkouk, grande ville de la région et stratégique pour les champs pétrolifères.

Si la nécessité de protéger la région autonome ne fait aucun doute, l’offensive de l’EEIL a pu être concertée avec le gouvernement local kurde, chacun retrouvant pour le moment ses intérêts et sans qu’il n’y ait eu de confrontation directe. Dès le 20 juin  Israël aurait acheté au gouvernement local kurde du pétrole issu de Kirkouk, transitant par le pipe-line contrôlé par l’EEIL puis par la Turquie.

Au-delà de cet aspect, cette offensive a été dès le 25 juin pour les partis politiques kurdes, l’occasion de  mettre de côté leurs désaccords ancestraux et de former un gouvernement d’union locale. Jusqu’alors la vie politique du Kurdistan irakien était divisée entre le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), pro-turc et pro-israélien et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) pro-iranienne et pro-syrienne. L’Union des deux pourrait s’être fait après un accord préalable entre Tel-Aviv, Washington et Téhéran.

Le référendum d’auto-détermination

Le 3 juillet, le président du gouvernement local du Kurdistan, Massoud Barzani a appelé son parlement à organiser un référendum d’autodétermination pour une séparation de l’Irak. Il estime que l’Irak est déjà divisé dans les faits et que le référendum d’autodétermination s’impose donc. Il a déclaré devant les députés « Cela fait dix ans que nous attendons et la situation [de l’Irak] ne fait qu’empirer. Nous devons penser à nous-mêmes et à notre avenir. Nous devons décider pour nous-mêmes et ne pas laisser les autres le faire à notre place. « Il a par ailleurs annoncé que le contrôle de Kirkouk ne saurait être remis en question, entrainant aussitôt  une réponse du premier ministre irakien Nouri Al-Maliki, affirmant que nul n’avait « le droit d’exploiter les événements qui ont eu lieu pour imposer un fait accompli ».

Officiellement les Etats-Unis et le Royaume-Uni s’opposent à toute partition de l’Irak et appellent à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Pour le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, organiser un référendum d’indépendance au Kurdistan irakien autonome serait une «catastrophe». Ce serait «le début catastrophique d’une partition de l’Irak en petits Etats rivaux, en commençant par un Etat kurde qui englobera ensuite des zones où vivent des Kurdes en territoire syrien». Il a également mis en garde contre «un plan visant à redessiner la région sur des bases religieuses et ethniques». Israël s’est par la voix de Benjamin Netanyahu prononcé le 29 juin pour la création d’un Etat kurde indépendant, en évitant d’en préciser les frontières.

L’armée de l’air gouvernementale irakienne a semble-t-il attaqué pour la deuxième fois des positions kurdes au sud de Kirkouk, tuant des civils. Le ministre des peshmergas s’est aussitôt indigné.

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