François Hollande a rencontré le président russe Vladimir Poutine lors du G20 se déroulant à Brisbane (Australie) en fin de semaine dernière. Le locataire de l’Elysée espère jouer un rôle de médiateur depuis le ballet diplomatique en marge des cérémonies du 6 juin en Normandie. Même si la rencontre de samedi avec son homologue s’est déroulée plutôt fraichement, sur fond de contentieux entre Paris et Moscou autour du Mistral.

La Russie a posé un ultimatum à la France, lui demandant de livrer un premier navire de guerre d’ici fin novembre, sous peine « de s’exposer à de “sérieuses” demandes de compensation. ».

Les sanctions contre la Russie menacent l’équilibre mondial

Le député des Yvelines Jacques Myard l’a rappelé fort justement dans un entretien accordé en août au Figaro :

« Le conflit ukrainien avec les rebelles russophones est un conflit purement régional, […] En prenant des sanctions, l’Union européenne internationalise ce conflit au lieu de le circonscrire. Il devient un conflit entre la Russie, l’Union européenne et les Etats-Unis. Ces actions aggravent donc la situation, les tensions internationales alors qu’il faut toujours éviter une politique qui mène à l’internationalisation d’un conflit. »

Quant aux accusations contre Moscou concernant le crash de l’avion malaisien, elles sont infondées, et ne respectent pas la prudence élémentaire de la présomption d’innocence, primordiale dans les relations diplomatiques. Les débris de l’épave de l’avion sont actuellement en cours d’évacuation. Les fragments sont envoyés aux Pays-Bas pour y être examinés. Un rapport final est attendu pour l’été 2015. Toute décision prise en l’absence de preuve de culpabilité formelle est donc nulle et non avenue.

Le fait de maintenir ces sanctions prouve encore une fois l’absence de souveraineté de la France dans ce dossier. Le vice-premier ministre et ministre de la Défense de la Pologne, Tomasz Siemoniak, a indiqué que les pays de l’Union européenne et l’OTAN tentent de persuader la France de renoncer à la livraison du porte-hélicoptères de type Mistral à la Russie.

L’irresponsabilité des alliés de la France est démontrée. Au lieu de jouer l’apaisement, ils continuent de mettre la pression sur Moscou, menaçant à chaque instant de déstabiliser la paix mondiale. L’état de tension permanente risque de nous entrainer dans une escalade irréversible menant à un conflit armé.

L’embargo contre la Russie menace notre économie

En période de crise économique ayant de plus en plus tendance à devenir structurelle, nous mettre à dos un partenaire économique comme la Russie est suicidaire. La France y possède de nombreux intérêts. Le pays est un débouché pour de nombreux secteurs français, industriels ou agricoles.

Le regretté PDG de Total Christophe de Margerie l’avait bien compris. Malgré les sanctions, voici ce qu’il déclarait lors d’un entretien à un journal allemand en septembre :

« La Russie est un pays important dans la stratégie de Total, qui ambitionne d’en faire sa principale zone de production d’hydrocarbures à l’horizon 2020 […] Certes, nous ne voulons pas accroître notre exposition aux risques en Russie tant que la situation n’est pas normalisée, mais je ne serais toutefois pas un bon dirigeant si je revenais maintenant sur tout ce que nous avons édifié dans ce pays. » Et le chef d’entreprise d’ajouter : « Je ne plaide pas pour la Russie mais pour plus de compréhension. Les sanctions sont une voie sans issue; l’interdépendance économique, en revanche, exige un dialogue constructif. »

Nos agriculteurs sont les plus touchés par cet embargo. Leurs produits ne se vendent pas comme il se devrait. Notre marge de manœuvre est très réduite, car les nouveaux marchés sont inexistants de nos jours. Le secteur de l’agro-alimentaire, secteur fragile par excellence, est très exposé car les denrées doivent être écoulées le plus vite possible. Ne partant pas en direction de la Russie, ils reviennent sur les marchés européens et contribuent à la baisse des prix et à la ruine de nos agriculteurs. On arrive à une situation ubuesque dans laquelle l’Union Européenne a été amenée à débloquer 125 millions d’euros pour leur venir en aide. Mais comme il s’agit d’argent public par définition, les européens sont donc doublement pénalisés.

Les raisons idéologiques n’ont pas lieu d’être en relations diplomatiques. Le poison du moralisme doit être traité pour revenir à une vraie realpolitik telle que pratiquée par le général De Gaulle en son temps. Il en va de l’intérêt de la France, qui devrait être la seule préoccupation d’un gouvernement véritablement au service de son pays. Comme gage de sa bonne volonté de rétablir le dialogue avec Moscou, la France doit livrer sans délais les navires Mistral, respectant ainsi sa parole, et évitant par la même occasion de lourdes indemnités de compensation.

Voir note Affaire Mistral : adieu souveraineté 

Rédacteur Web