Le constat est sans appel : les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) sont en très grande difficulté et les politiques actuelles menées par le gouvernement n’apportent aucune réelle perspective de changement pour l’avenir. C’est donc une situation de plus en plus intenable que vivent aujourd’hui les chefs d’entreprise, lesquels sont nombreux à exprimer leur colère ces derniers jours.  Encore une fois, pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent les PME, le gouvernement doit urgemment faire les réformes structurelles, économiques, législatives, fiscales qui s’imposent sous peine de voir l’un des moteurs les plus importants de l’économie française s’effondrer.

Quelques chiffres pour comprendre l’ampleur du phénomène :

Les décideurs politiques ne semblent pas avoir pris pleinement conscience de l’ampleur du désastre économique  qui touche de plein fouet les 138 000 PME[1] (près de 28 % de l’emploi salarié) que comptent actuellement la France ; en fait, 3,1 millions si on y ajoute les microentreprises[2].  Ce qui donne in  fine : plus de 99,5 % des entreprises française, 60 % de la valeur ajoutée et 60 % de l’emploi salariée.

Ces entreprises ont été particulièrement malmenées depuis le début la crise. Entre 2009 et 2013, il y a eu environ 16 000 procédures de liquidation recensées (majoritairement les plus grosses PME)[3]. De son côté, le Conseil d’analyse économique note que les défaillances d’entreprises a augmenté de 25% entre 2008 et 2014[4]. La crise a aggravé la situation des entreprises françaises, lesquelles étaient déjà plus fragiles que la plupart des autres entreprises européennes. Ainsi l’Insee prévoit un taux de marge à 29,4 % en 2014, son plus bas niveau depuis 1985.

Un autre chiffre, plus cruel et symbolique encore, est celui des suicides des petits patrons. « Il y a un patron de PME qui se suicide tous les deux jours, les trésoreries sont à sec […] et le gouvernement pratiquement chaque jour rajoute une petite taxe par-là, une mesure de complexité par-là, il y a un vrai ras-le-bol » (déclaration du vice-président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, le 7 novembre 2014 sur BFM Business).

Enfin, il est utile de rappeler que la population comprend ce mouvement à hauteur de 58 % et qu’elle soutient la mobilisation à 42 % selon un sondage OpinionWay réalisé pour Axys Consultants, Le Figaro et BFM Business.

Forte mobilisation des petits patrons

 Les patrons de PME attendent de vraies réformes, comme l’avait promis le candidat François Hollande. Le choc de simplification et le choc de compétitivité attendus par les PME sont aux abonnés absents en cette fin de second semestre 2014. Parmi les mesures pointées du doigt figurent :

–  les comptes de pénibilité individuelle qui verront le jour en janvier 2015 et qui se fondent sur quatre critères : le travail répétitif, le travail de nuit, le travail alterné et le travail en milieu hyper-bas. Le coût de cette mesure : entre 500 et 600 euros par an et par salarié ;

–  l’article de la loi Hamon : obligation d’informer les salariés deux mois avant le projet de vendre une entreprise pour laisser le temps aux salariés de faire une offre s’ils le souhaitent ;

– les temps partiels : ils sont limités à 24h/semaine depuis le mois de juillet dernier ;

– la fiscalité : 4 années de hausse consécutives. Certes les prélèvements obligatoires se sont stabilisés mais ce n’est largement pas suffisant.

Contre ces mesures, une dizaine de milliers de patrons à Toulouse et Paris ont exprimé leur colère à l’appel de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), l’organisation patronale des PME ; une première depuis l’introduction des 35 heures aux débuts des années 2000. « Lourdeurs administratives », « instabilités fiscales qui interdisent tout projet de long terme », « différences de traitement entre le public et le privé », tels sont les leitmotivs mis en avant par les petits patrons.

Gilles Penet, président de la CGPME Saône-et-Loire, pointe l’écart qui existe entre les discours et les réalités du terrain : « À l’exception du CICE [NDLR : Crédit d’impôt compétitivité emploi] à hauteur de 8 milliards d’euros, les autres mesures prévues dans le Pacte ne sont pas effectives et les entreprises n’ont vu que des augmentations de charges. Nous constatons trop souvent un écart entre la réalité de ce que vivent nos entreprises et les discours. »

Les temps sont durs pour la classe moyenne française, particulièrement pour les entrepreneurs qui sont confrontés au montant élevé des charges, à la multiplication des normes et à l’accroissement des démarches administratives. Face à la concurrence des multinationales et de la main d’œuvre étrangère favorisée par l’ouverture des frontières, nombreux sont donc ceux qui éprouvent de grandes difficultés pour rester compétitifs et pour maintenir le niveau de leur activité.

Sortir du marasme économique qui freine nos PME

 Il faut donc impérativement poser le bon diagnostic et adopter les remèdes adéquats pour sortir la société civile du pessimisme qui la gangrène. Les freins à l’emploi et à l’investissement peuvent être levés ou du moins fortement diminués. Mais une telle action implique bien évidemment de la part des responsables politiques beaucoup de courage, puisque les réformes à mettre en œuvre devront être profondes et radicales, faute de quoi nous serons condamnés à avoir une économie équivalente à celle de l’Union soviétique dans les années 1970 et 1980.

La première mesure à prendre est simple : s’inscrire dans la durée. En effet, les politiques économiques et fiscales se succèdent les unes aux autres à un rythme très élevé, empêchant les entrepreneurs français d’avoir le cadre stable nécessaire au développement de leurs sociétés. Ce manque de stabilité n’inspire pas confiance

La deuxième mesure concerne les fonctionnaires. Le gouvernement doit impérativement baisser leur nombre.

Troisième mesure : faire une réforme des syndicats. Ceux-ci sont devenus archaïques et ne sont plus représentatifs des salariés. Bien souvent, leur conservatisme aveugle empêche  les entreprises de s’adapter au contexte économique. Par ailleurs, le dialogue social est aujourd’hui complètement sclérosé et confisqué par ces organismes qui restent accrochés aux vieilles lunes socialo-marxistes.

Quatrième mesure : favoriser les prêts bancaires pour les PME.

Peut-être serait-il également utile de mener une réflexion sur le travail des organismes patronaux et la façon dont ils défendent les PME ? Si nous prenons la principale organisation patronale, le Mouvement des entreprises de France (Medef et ex- Conseil national du patronat français[5]), on constate que cela fait bientôt 30 ans que celui-ci n’est plus dirigé par un vrai créateur d’entreprise. En 1986, Yvon Gattaz (fondateur de la société Radiall et père de Pierre Gattaz, l’actuel président du Medef) quitte la présidence du CNPF. Depuis, l’ensemble des dirigeants qui se sont succédés à la tête de l’organisation patronale sont soit des élèves issus des grandes écoles  ayant fait carrière dans les groupes comme manager (c’est le cas de François Périgot et de Jean Gandois), soit des héritiers ayant repris l’entreprise familiale (comme Ernest-Antoine Seillère ou Laurence Parisot). Comment, dans ces conditions, le Medef peut-il porter avec force et conviction la voix des petits patrons durement frappés par une crise largement aggravée par des mesures contre-productives prises par les dirigeants politiques ? Comment peut-il comprendre suffisamment les préoccupations et les difficultés des PME ? Ne serait-il pas déconnecté de la réalité vécue par ces hommes et femmes qui bien souvent travaillent plus de 70 h par semaine et sont contraints de risquer leurs biens et leur stabilité financière, le tout pour une retraite ridicule ?

De nombreux patrons ont d’ailleurs critiqué l’attitude des organisations patronales qu’ils estiment trop politisées. La culture de la plainte n’est pas dans l’ADN des patrons, dont le métier est de se battre au quotidien pour leur entreprise. Selon eux, les subventions de l’État ne résoudront rien. C’est seulement  lorsque leur carnet de commandes aura commencé à se remplir de nouveau que les patrons des PME, hommes de terrain, pourront embaucher.

D’un côté, la colère des petits patrons paraît légitime, de l’autre ceux qui critiquent une certaine instrumentalisation des difficultés des petits patrons par le Medef apparaissent légitimes. Cet antagonisme révèle deux appréciations, pas forcément opposées, de la crise économique qui touche les PME françaises : les uns argumentent en se fondant sur le montant considérable des charges, des taxes et des impôts qui pèsent sur les entreprises, les autres insistent plutôt sur la baisse de la demande. Ces derniers pensent donc que la relance économique ne sera possible qu’avec une augmentation du pouvoir d’achat des ménages et des entreprises clientes. Comment donc peut-on sortir de cette impasse ? Face à ce constat, le gouvernement doit en effet mener une politique sur deux fronts : favoriser la consommation des ménages et alléger les charges sociales.

Ainsi, les PME sont aujourd’hui confrontées à un contexte économique compliqué, à un État devenu obèse, à un gouvernement contre-productif, à un système totalement inefficace… L’incapacité de renouveler les approches et de se réformer est une triste réalité pour la santé de l’économie française. Comme l’a très justement rappelé l’économiste Charles Sannat « il y a une stérilisation de la pensée, une interdiction d’aborder certains dogmes, une confiscation du débat démocratique, une stérilisation du langage. Le politiquement correct est étouffant. En réalité, notre système devient tout simplement une immense entreprise de stérilisation. On n’a plus envie de créer, on n’a plus envie d’avancer, on n’a plus envie de réfléchir, on n’a plus envie, on n’a plus envie parce que tout est devenu épuisant. Faire quelque chose est risqué économiquement, socialement, politiquement. »

Pour conclure, revenons rapidement sur la loi Macron. Si celle-ci va dans le bon sens sur plusieurs sujets, il n’en reste pas moins que le gouvernement cultive la contradiction et donc le manque de clarté dans sa politique à l’égard des PME et du monde des entreprises en général. L’incohérence et l’illisibilité de la politique gouvernementale exaspèrent des chefs d’entreprise qui logiquement ont de moins en moins confiance dans l’action du gouvernement.

[1] PME : entreprise de 10 à 250 salariés avec un chiffre d’affaires annuel qui ne dépasse pas les 50 millions d’€.

[2] Microentreprise ou TPE (très petite entreprise) : entreprise de moins de 10 salariés avec un chiffre d’affaire annuel qui n’excède pas les 2 millions d’€ maximum. Depuis la loi de modernisation de l’économie (votée le 4 août 2008), les microentreprises sont une sous-catégorie au sein des PME. Cela est stipulé à l’article 51 de ladite loi.

[3] Rapport du cabinet Altarès en 2013.

[4] Note rédigée par Jacques Cailloux, Augustin Landier et Guillaume Plantin, et présentée à la directrice de cabinet du Premier ministre le 6 novembre 2014.

[5] C’est le 27 octobre 1998 que le CNPF fut remplacé par le Medef.

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