Résumé de la note  de Terra Nova « Peut-on parvenir à un consensus sur l’aide active à mourir ? »

du 4 mars 2014, de Corine Pelluchon, docteur en philosophie, professeur à l’Université de Franche-Comté sur les questions d’éthique appliquée (éthique médicale et biomédicale, éthique animale et éthique environnementale). Elle a participé à la rédaction du rapport précédant la loi Leonetti.

Cette note présente les différents arguments présentés, les limites de la loi Leonetti, mais aussi les recommandations de Terra Nova. Dans le contexte de l’affaire Vincent Lambert, la notion d’obstination déraisonnable est analysée.

Etat des lieux :

  • La loi Leonetti est mal connue et mal comprise. Elle est suspectée de ne servir qu’à protéger les médecins de toute poursuite pénale. Pourtant, elle porte explicitement sur la fin de vie.
  • La France manque d’unités de soins palliatifs et d’aides-soignants suffisamment formés, notamment en philosophie et en sciences humaines.
  • Quand les malades ont accès aux soins palliatifs tôt (il s’agit d’une minorité), ils ne veulent plus mourir. Pour ceux qui arrivent trop tard, les demandes d’euthanasie sont souvent dues à la souffrance liée au manque de soins palliatifs.
  • Il faut lutter contre l’acharnement thérapeutique, sans que la décision d’arrêt ou de limitation des traitements ne devienne arbitraire.
  • L’interruption de traitement et l’euthanasie n’ont rien à voir, car nul ne doit décider du jour et de l’heure de la mort d’autrui. 
  • Le suicide assisté et l’euthanasie ne relèvent pas des droits de l’homme. Ils fragilisent l’équilibre, mis en place par la loi, entre les droits des personnes et le respect des valeurs des soignants. L’autorisation de l’euthanasie pourrait entamer la confiance accordée aux soignants.

Recommandations  de Terra Nova :

  • Les directives anticipées : trop peu connues et appliquées dans le cadre de la loi Leonetti, les rédactions de consignes pour la fin de vie doivent devenir contraignantes et obligatoires. Chacun doit se prononcer sur sa définition de l’obstination déraisonnable en cas de coma ou de futur état végétatif. Dans le cadre d’une maladie dégénérescente, un mandataire est chargé de vérifier que les volontés du patient sont respectées.
  • Distinction entre les décisions d’arrêt ou de limitations de traitement. Il existe des cas limites, comme les nouveau-nés atteints de malformation grave. Une sédation profonde et continue est recommandée jusqu’au décès. Elle devrait être aussi proposée aux malades en fin de vie. 
  • Pour les individus conscients, l’aide médicale à mourir ne peut être proposée que si le malade a déjà eu accès aux soins palliatifs. Il faut plus de justice dans l’offre des soins et ceux-ci doivent donc être proposés dès le début de la maladie.
  • L’assistance pharmacologique (modèle de l’Oregon) est la solution à développer. Il s’agit pour le médecin de prescrire une ordonnance à un patient qui pourra se procurer en pharmacie un produit létal et se l’administrer dans un cadre privé. Il y a un refus de l’euthanasie (injection létale par un tiers) et un refus du suicide assisté (le malade ingère un produit létal remis par un médecin ou bénéficie d’une aide lorsqu’il ne peut pas le faire seul), qui ne relèvent pas des droits de l’homme et qui fragilisent l’équilibre entre le droit des personnes et le respect des valeurs des soignants.
  • Ces recommandations n’ont pas de sens tant que la formation des soignants ne sera pas améliorée, avec plus de place pour les sciences humaines et sociales dans les facultés de médecine.
  • Une réflexion sur les conditions d’une meilleure délibération doit être engagée. Ces sujets dépassent le problème de la coexistence pacifique des libertés. 

Nos remarques :

  • Terra Nova propose, à première vue, un rapport cohérent, censé étudier et prendre en compte les demandes et objections des parties en présence. En procédant de la sorte et en appelant à la prudence, Terra Nova se présente comme la solution intermédiaire, raisonnée et juste. Pourtant, certaines  propositions d’évolution de la loi Leonetti qui sont proposées sont résolument engagées  et peuvent créer des dérives rapides.
  • La généralisation des directives anticipées, permettant de résoudre des situations figées, est une bonne chose si elle est suffisamment encadrée et que l’actualisation est régulièrement effectuée.
  • Il faut effectivement beaucoup plus d’unités de soins palliatifs, car l’accès à ces soins fait disparaître la majorité des demandes d’euthanasie. Il faut favoriser l’accompagnement des personnes dans ce processus de fin de vie, plutôt que de l’abréger artificiellement.  Il faut donc multiplier les places dans les hôpitaux et la possibilité de soins à domicile. Terra Nova milite aussi pour ces soins, mais comme cela coûte cher et est long à mettre en place, l’assistance pharmacologique est proposée en complément. Pour les mêmes raisons et le même constat, l’ADMD propose l’euthanasie.
  • L’assistance pharmacologique administrée dans le cadre privé (hors de l’hôpital) est une solution  hypocrite qui s’apparente au suicide assisté. Elle engage nécessairement un médecin et un pharmacien dans le processus (prescription et vente du produit). Cela pose donc toujours un problème de conscience à ces soignants qui devraient aller à l’encontre du serment d’Hippocrate.
  • L’ouverture de l’assistance pharmacologique, présentée comme une mesure prudente, conduira obligatoirement à court ou long terme à une législation sur le suicide assisté, puis sur l’euthanasie, les trois notions étant étroitement liées. Accepter l’assistance pharmacologique, c’est accepter le principe d’intervention pour interrompre la vie d’autrui.

 

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