Manuel Valls a donné des gages au Parti radical de gauche (PRG). Il l’a annoncé à Jean-Michel Baylet, président du parti : « Le Parlement sera saisi d’un texte de loi »  sur la fin de vie avant la fin de la mandature. Le PRG avait lancé un ultimatum au gouvernement en menaçant de quitter le gouvernement s’il n’obtenait pas certains gages. Jean-Michel Baylet a exigé le retrait de nombreuses mesures, dont la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu proposée par Manuel Valls, le retrait de certaines mesures d’économies sur la branche famille de la Sécurité sociale, ainsi que le maintien de nombreux départements ruraux dans la réforme territoriale et surtout l’élaboration d’un texte sur la fin de vie. Pourtant  Manuel Valls avait dit et répété que, sur ce sujet, le gouvernement ne passerait pas en force. « Un consensus peut être trouvé dans le prolongement de la loi Leonetti », avait-il déclaré le 8 avril 2014, lors de son premier discours de politique générale.

Plus inquiétant encore, le directeur adjoint de cabinet de Manuel Valls doit rencontrer le 12 novembre Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).

 

Manuel Valls et l’ADMD

L’ADMD a adopté le 18 juin 2011, un texte : « Proposition de loi tendant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs ». C’est son programme qu’elle tend à imposer au gouvernement, avec lequel elle a beaucoup d’affinité.

Parmi ces propositions, l’ADMD revendique une liberté qui doit être totale. Le patient doit pouvoir choisir entre une aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté) et un accès universel aux soins palliatifs, sans qu’il n’y ait d’opposition. La demande doit être réitérée et les directives anticipées peuvent être révoquées. Le médecin peut refuser (en conscience), mais doit alors tourner le patient vers un autre praticien. Surtout, pour eux, cette liberté de choix doit être ouverte à « toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l’absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d’au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée […] infligeant une souffrance physique ou psychique constante ou inapaisable ou qu’elle juge insupportable ».

Un patient qui n’est pas amené à mourir à brève échéance peut donc demander, pour une souffrance psychique, à être euthanasié. C’est le cas en Belgique où l’euthanasie est autorisée depuis douze ans et où les dérives se font déjà sentir. Des prisonniers demandent à être euthanasié, invoquant une « souffrance psychique insupportable » et des frères jumeaux, nés sourds et devenant progressivement aveugles, ont été euthanasiés à leur demande pour « souffrance-psychique insupportable ».

Les propositions de l’ADMD sont inacceptables. Nous passons du seul principe de douleur physique à celui de douleur psychique. De plus, la proposition de ne pas rendre nécessaire le diagnostic de décès à brève échéance pour demander à être euthanasié laisse place à toutes les dérives.

Avec l’euthanasie et le suicide assisté, nous passons d’une logique d’acceptation de la mort à une logique d’interruption de la vie.

Jean-Luc Romero s’était félicité de la nomination de Manuel Valls au poste de Premier ministre, voyant en lui l’homme capable de mettre en œuvre la proposition 21 du président de la République et légaliser une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

L’actuel Premier ministre s’est officiellement déclaré favorable à l’euthanasie. En 2009, il a été le rapporteur d’un texte désirant autoriser « l’aide active à mourir » et considérant la loi Leonetti comme une « démarche inaboutie ». Pour lui, « l’euthanasie est un nouveau droit de l’homme » à conquérir. Il l’a rappelé le 8 avril 2014, lors de son discours d’investiture : « Je pense aussi à la fin de vie pour laquelle un consensus peut être trouvé dans le prolongement de la loi Leonetti. »

Pour aboutir à un consensus sur une nouvelle loi, sans traiter les opposants de la même manière que pendant les débats sur la « mariage pour tous »,Manuel Valls a confié, au début de l’été, la réflexion sur la fin de vie à deux députés expérimentés : Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS).

 

Le rapport sur la fin de vie

Il est écrit sur la lettre de mission des deux parlementaires « Il importe que ces questions soient abordées dans un esprit de rassemblement ». Malheureusement la pression du PRG et de l’ADMD rendent difficile ce rassemblement et cet apaisement. Désignés en juin dernier Jean Leonetti et Alain Claeys ont mis sur pied une commission pour approfondir et concrétiser les travaux déjà entamés par le rapport Sicard en décembre 2012 et le Comité consultatif national d’éthique en juillet 2013. Mais pour eux, il est clair qu’il ne s’agira pas d’ « un énième rapportmais de faire des propositions concrètes et opérationnelles ». La commission remettra une « ébauche de proposition de loi » au Premier ministre le 1er décembre. Au gouvernement ensuite de décider s’il suit les pistes avancées soit sous la forme d’un projet de loi, soit en renvoyant la responsabilité aux assemblées. Mais Manuel Valls a déclaré que la précédente loi relatives au droit des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, doit évoluer.

Trois axes de travail ont été demandés aux deux députés : le développement des soins palliatifs, l’amélioration des directives anticipées et la définition des conditions dans lesquelles « l’apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie ». Si le développement des soins palliatifs est nécessaire et ne demande pas une modification mais une application de la loi précédente, si l’amélioration des directives anticipées est souhaitable lorsque qu’elles ne sont pas contraignantes, que l’on peut changer d’avis et si l’organisme les collectant n’est pas l’ADMD, le troisième axe reste délicat. La loi Leonetti définit déjà les conditions dans lesquelles « l’apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie ». Elle s’apparente à un équilibre entre refus de l’acharnement thérapeutique et refus de l’euthanasie. Il est impensable éthiquement d’aller au-delà de cette loi Leonetti. Si Jean Leonetti refuse toute idée d’autorisation du « suicide assisté » par la nouvelle loi, Alain Claeys désire que cette question soit débattue.

Le suicide assisté permettrait à un  malade d’ingérer un produit létal remis par un médecin ou de bénéficier d’une aide lorsqu’il ne peut pas le faire seul. Cette pratique va à l’encontre de toute morale et de tout équilibre de la société, en poussant des individus à se suicider et en leur simplifiant la tâche. Elle va aussi à l’encontre du respect des valeurs des soignants, qui seront forcément impliqués dans le processus de mort.

 

La France doit à tout prix éviter tout basculement vers ces pratiques qui seraient irrémédiables et qui conduiraient  à l’adoption de l’euthanasie dans quelques années et aux dérives qui en découlent. La Belgique a adopté une loi autorisant l’euthanasie il y a douze ans et connait désormais de terribles dérives. Si l’euthanasie des mineurs y est aujourd’hui autorisée, on observe aussi qu’il y est réalisé plus d’euthanasies clandestines qu’en France, où la loi n’est pas autorisée.

La majorité des demandes d’euthanasie en Belgique seraient liées à une souffrance physique insupportable et donc à de mauvaises pratiques médicales dans le traitement de la douleur. La Belgique semble avoir fait le choix de former ses médecins aux maniements des produits létaux plutôt qu’aux soins palliatifs. Dès lors, le malade n’a donc le choix qu’entre souffrir ou demander l’euthanasie. Il faut lui offrir un troisième choix : être soulagé de sa douleur. Il est donc primordial, avant toute chose, de poursuivre le programme de développement des soins palliatifs en France et d’empêcher toute loi sur l’euthanasie, qui entrainerait automatiquement ces terribles dérives.

 

 

 

 

France Renaissance

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