Jean-Luc Romero est un homme politique et militant associatif français. Il est notamment président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) qui milite depuis trente ans pour la légalisation de l’euthanasie.            

Contexte :

François Hollande, dans sa promesse de campagne n°21, s’est engagé à légaliser une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

Dans ce cadre, le professeur Didier Sicard, président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique, a rédigé, avec l’aide d’une commission pluridisciplinaire, un rapport sur la question de la fin de vie[1]. Ce dernier a été rendu au président François Hollande le 18 décembre 2012.

Un projet de loi est susceptible d’arriver à l’automne 2014 pour « approfondir » la loi Leonetti de 2005 et notamment régler une partie des problèmes identifiés dans ce rapport.

Dans ce contexte, en s’appuyant sur des cas précis comme ceux de Vincent Humbert et Chantal Sébire, Jean-Luc Romero publie cette « lettre ouverte » au Président. Il y décrit les limites de la loi Leonetti, les faiblesses du rapport Sicard et la proposition de loi de l’ADMD. 

Constat de l’ADMD :

L’euthanasie a toujours été traitée comme une question médicale, alors qu’elle devrait être intime et citoyenne.  Il s’agit d’un « choix de civilisation », sans cesse repoussé, qui nous concerne tous.

La mort est devenue lointaine (3 Français sur 4 meurent à l’hôpital ou dans une institution), solitaire (pour 76% de ceux qui décèdent à l’hôpital) et est désormais vue comme un échec. Nous mourrons mal en France : 65% des décès à l’hôpital se seraient déroulés de manière inacceptable. L’Etat a sa part de responsabilités, avec le déremboursement régulier de médicaments antidouleurs ou l’absence de couverture par l’assurance maladie de près de 1000 euros de dépenses pour les personnes âgées de plus de 85 ans.

Les centres antidouleurs sont encore trop peu nombreux (235 en 2011) et l’offre de soins palliatifs est insuffisante (en 2009, seuls 119 000 personnes sur 320 000 en ayant besoin ont bénéficié de ces soins). Par ailleurs, pour la même année, 3,2% des décès ont eu lieu en unités de soins palliatifs et 5% des personnes souffrant d’un cancer ont eu accès à des soins palliatifs. La France se retrouve au  12ème rang des pays développés en matière de la prise en charge de la fin de vie.

La loi Leonetti est insuffisante et hypocrite. Il existe déjà des dérives (15 à 20 000 euthanasies clandestines en réanimation, dont 20% par produits létaux) que l’ADMD veut régulariser. La loi autorise la sédation légale lorsque les soins palliatifs ne peuvent pas calmer la douleur. Mais l’arrêt d’hydratation et de nutrition, même sous sédation est extrêmement violent. Certains patients agonisent pendant plus de quinze jours.

La loi Leonetti est faite pour et par les médecins. Elle leur permet d’être exonérés lorsqu’ils provoquent la mort, sans l’intention de la donner. Mais c’est bien le médecin qui décide, pas le patient. L’aide pharmacologique au suicide, préconisée par le rapport Sicard, n’est pas suffisante. L’acte est maintenu dans le cadre médical ; le médecin et le pharmacien sont toujours maîtres de la décision.

Les propositions de l’ADMD :

L’ADMD a adopté le 18 juin 2011, un texte : « Proposition de loi tendant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs ».

La « nécessité » de l’amélioration des soins palliatifs est soulignée. Toutefois ce n’est pas une alternative. La cruauté de la sédation terminale est rappelée, c’est une « demi-mesure hypocrite et inhumaine ». Toutefois elle doit continuer d’être proposée comme un choix parmi d’autres. C’est la liberté de choix du patient qui importe.

  1. Premier principe: la liberté du patient.
  • Primat de la volonté du patient en fin de vie (sur celle du médecin). Cette volonté est consciemment formulée, préalablement énoncée dans le cadre des directives anticipées ou affirmée par les personnes de confiance.
  • La liberté du patient quant au choix de sa mort doit être ouverte à tous : « toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l’absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d’au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée […] infligeant une souffrance physique ou psychique constante ou inapaisable ou qu’elle juge insupportable ».
  • La liberté doit être totale. Le patient doit pouvoir choisir entre une aide active à mourir (euthanasie ou suicide assisté) et un accès universel aux soins palliatifs sans qu’il n’y ait d’opposition. La demande doit être réitérée et les directives anticipées peuvent être révoquées. Le médecin peut refuser (en conscience), mais doit alors tourner le patient vers un autre praticien.
  1. Deuxième principe : l’égalité dans l’accès au choix des conditions de sa mort.

Aujourd’hui l’euthanasie est réservée à ceux qui ont des relations leur permettant de se procurer des produits létaux ou ceux qui peuvent partir à l’étranger. Une légalisation l’ouvrirait à tous.

  1. Troisième principe : un encadrement juste et nécessaire (pour rendrele droit effectif et la liberté réelle).
  • Les directives anticipées  peuvent être inscrites dans un registre national, tenu par une commission nationale de contrôle ou par un organisme indépendant des autorités médicales. Les directives et le nom de la personne de confiance seront inscrits sur la carte vitale.
  • La procédure préalable à l’engagement de l’acte d’aide active à mourir. Le caractère libre, réfléchi et éclairé de la demande doit être établi et confirmé. Le médecin doit faire appel sous quarante-huit heures à un autre praticien. L’acte peut être pratiqué après un délai de deux jours à compter de la confirmation, sauf demande expresse du patient.  Le patient peut à tout moment révoquer sa demande.

Par ailleurs une commission régionale de contrôle est mobilisée huit jours après le décès. Le médecin adresse un « rapport exposant les conditions de la mort ».

Nos remarques :

  • Jean-Luc Romero propose un constat parfois réel de la situation de l’euthanasie en France, mais à des fins au combien idéologiques. S’il représente la branche la plus poussée du combat pour l’euthanasie, il a aussi l’écoute du gouvernement, n’hésitant pas à se féliciter de la nomination de Manuel Valls.
  • L’amélioration de l’accès aux soins palliatifs est vraiment nécessaire. Mais, contrairement à ce qu’annonce Romero, ce doit être une alternative à l’euthanasie. Lorsqu’ils sont prodigués suffisamment tôt, les soins palliatifs et l’accompagnement permettent de soulager la douleur et la crainte. De nombreuses demandes d’euthanasie disparaissent alors.
  • La loi Leonetti est en effet dérangeante. La prise en compte de l’hydratation et de la nutrition comme traitements, donc interruptibles, est inacceptable. L’agonie qui suit est terrible.
  • Il faut un travail de communication autour des directives anticipées, trop peu connues. Si celles-ci sont bien encadrées, elles peuvent simplifier le processus de décision en cas d’inconscience du patient.
  • Les propositions de l’ADMD sont inacceptables. Nous passons du seul principe de douleur physique à celui de douleur psychique. De plus, la proposition de ne pas rendre nécessaire le diagnostic de décès à brève échéance pour demander à être euthanasiélaisse place à toutes les dérives.
  • Avec l’euthanasie et le suicide assisté, nous passons d’une logique d’acceptation de la mort à une logique d’interruption de la vie.
  • Par une procédure précise, l’ADMD entend encadrer le processus d’euthanasie, afin d’empêcher toute dérive. La Belgique avait annoncé les mêmes mesures lors du vote de la loi de 2002, cela n’a pas empêché les graves dérives que nous observons douze ans après[2].

 

[1] Voir la note : Le rapport Sicard.

[2] Voir la note sur les dérives de l’euthanasie en Belgique.

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