La Manif pour tous mobilise encore, et considérablement. Loin des prévisions d’experts annonçant depuis deux ans un essoufflement et une disparition du phénomène, elle a réussi à réunir 500 000 personnes à Paris et 30 000 à Bordeaux dimanche 5 octobre 2014. Combattant les conséquences dramatiques et évidentes de la loi Taubira, elle mobilise et pèse dans le jeu politique. Les dérives que la Manif pour tous dénonce depuis deux ans en cas d’adoption de la loi sur le « mariage et l’adoption pour tous » sont déjà en train d’apparaitre en France, avec l’arrivée de la PMA et de la GPA. La mobilisation continue des défenseurs de la famille porte progressivement ses fruits jusqu’à entraîner une annonce en catastrophe du Premier ministre sur l’interdiction de la GPA, pour essayer de limiter l’ampleur de la mobilisation annoncée. Cette question de la loi Taubira est loin d’être enterrée et s’impose dans les débats internes de l’UDI au Front National et surtout à l’UMP. Enfin les résultats des élections parlementaires ont prouvé le poids de cette question avec la non réélection de Jean-Pierre Michel, rapporteur au Sénat de la loi Taubira.

 

Le succès dans la rue

Le succès est indéniable, deux ans après la première Manif  pour tous, la mobilisation est toujours au rendez-vous, illustrant une question profonde qui ne peut se résumer à « la loi est passée, il faut accepter la défaite ». Convaincu de la justesse et de la nécessité de leur combat,  le mouvement qui a mobilisé près d’un million de Français, trois fois dans les rues de Paris en 2013, a encore mobilisé 500 000 personnes en février 2014 puis de nouveau ce 5 octobre. Le succès de ces mobilisations a conduit à la considération de la Manif pour tous et plus largement du « mouvement anti mariage-gay » comme un acteur politique non négligeable, comme un électron libre qui pèse à droite mais aussi à gauche de la vie politique française.

Si la loi Taubira a été adoptée en mai 2013, après une attitude méprisante du gouvernement à l’égard du plus grand mouvement de rue depuis des dizaines d’années, le mouvement n’a pas abandonné son combat réclamant l’abrogation de la loi et se battant contre ses conséquences directes. L’adoption étant autorisée par la loi, les revendications pour l’autorisation de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour   les couples de femmes et le recours à la Gestation pour autrui (GPA) notamment pour les couples d’hommes ont déjà commencé.

Le gouvernement et les législateurs de la loi Taubira avait juré qu’il ne serait ni question de PMA ni de GPA en France. Et pourtant, un an après l’adoption de la loi, un avis de la Cour de Cassation a de fait légitimé la pratique de la PMA réalisée à l’étranger, en estimant qu’elle ne faisait pas obstacle à une adoption par l’épouse de la mère, dans le cas d’un couple de femmes. La notion de fraude à la loi a même été écartée par la haute juridiction, la PMA n’étant autorisé en France uniquement que pour les couples hétérosexuels infertiles. Le gouvernement a également réalisé un premier pas vers la reconnaissance de la GPA, formellement interdite, en refusant de faire appel de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme obligeant la France à reconnaître les enfants nés par GPA à l’étranger. Cette décision vient de fait légitimer la circulaire Taubira qui vise à légitimer ces enfants nés d’une GPA à l’étranger, sans inquiéter les « adultes bénéficiaires » qui ont sciemment contourné la loi française.

Néanmoins la mobilisation a porté le débat et a contribué à une prise de conscience par une partie de la population des enjeux d’une telle « réforme de civilisation ». Surtout le gouvernement ne peut plus agir en impunité totale et a dû ralentir le rythme de ses attaques contre les familles ou les rendre néanmoins plus discrètes. Après la mobilisation de février 2014, le gouvernement a renoncé à parler de la PMA dans le projet de loi famille et a retiré les ABCD de l’égalité de l’école, ABCD qui, sous couvert de l’égalité homme femme, visait à diffuser la théorie du genre aux enfants dès le plus jeune âge.

Si ces ABCD ont été remplacés de manière discrète par un « plan d’égalité » diffusé sur tout le territoire, c’est une victoire pour la Manif pour tous qui a conduit le gouvernement à redouter d’agir en plein jour. Cette mobilisation inquiète et c’est ce qui a conduit Manuel Valls à deux jours de la manifestation d’octobre à renier ses idées pour déclarer que  « la GPA est et sera interdite en France ». Par ces propos il espérait désamorcer la mobilisation ; la foule a prouvée quelle ne lui faisait pas confiance. Toutefois il l’a réaffirmé devant l’Assemblée nationale : « La France est opposée à la GPA, parce qu’elle est opposée, au nom de ses valeurs, au nom du progrès et de l’humanisme, à toute forme de commercialisation des êtres humains et d’expérimentation en ce domaine […] Je le dis ici, nous refusons qu’une femme puisse être rémunérée pour abandonner son enfant nouveau-né à ceux qui l’ont payée »

Si le non appel de la décision de la CEDH fait paraître cette déclaration comme hypocrite, elle n’est tout de même pas passée inaperçue et la Manif pour tous se chargera de lui rappeler.

La loi Taubira s’invite toujours dans les débats internes des partis.

La loi Taubira s’invite encore dans les campagnes internes de nombreux partis et notamment à droite.

Au Front National, si la présence de Marion Maréchal-Le Pen et de nombreux élus du parti à toutes les manifestations depuis deux ans est extrêmement appréciable, la non présence sur place de Marine Le Pen est à déplorer. Toutefois cette dernière s’est engagée à abroger la loi Taubira en cas d’arrivée au pouvoir de son parti.

A l’UDI, en pleine campagne pour la tête du parti, Jean-Christophe Fromentin se présente comme « résolument contre la loi Taubira » mais reste prudent sur la question de l’abrogation. Il se détache de la sorte de ses adversaires qui, pour Yves Jégo et Jean-Christophe Lagarde, ont voté pour la loi Taubira, et Hervé Morin qui était « contre le mariage mais pour l’adoption » ! Lors de cette élection les voix des sympathisants de la Manif pour tous pourraient bien peser.

Enfin c’est à l’UMP que cette question est la plus présente et embarrasse. Si certains considèrent cette loi comme un acquis et ne veulent pas revenir dessus les lignes bougent et ont été amenées à évoluer grâce à la mobilisation. Alain Juppé, candidat pour la primaire de 2017 qui ne voulait pas revenir sur la loi, a consenti à un éventuel « complément législatif » et n’exclut désormais plus une réécriture partielle face à la PMA et la GPA. François Fillon, candidat à la primaire, désire une réécriture de la loi. Bruno Le Maire, candidat à la tête du parti, est favorable au mariage mais veut réécrire la loi sur la filiation. Nicolas Sarkozy, qui ne voulait pas se prononcer, bien embêté par cette question, a été obligé après la mobilisation du 5 octobre de se prononcer pour une réécriture de la loi. Enfin Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez et surtout Hervé Mariton, candidat à la présidence de l’UMP, ont  adopté la seule position courageuse : l’abrogation de la loi Taubira. Les votes des sympathisants de la Manif pour tous vont compter.

Les leçons des élections

Si Nathalie Kosciusko-Morizet et Fabienne Keller, qui n’avaient pas voté contre la loi Taubira, avaient déjà perdu les élections municipales à Paris et Strasbourg, l’influence de la Manif pour tous commence désormais à se faire bien sentir. Patrick Menucci, candidat socialiste, a mis sa déroute à l’élection municipale marseillaise sur le dos de cette loi peu appréciée par l’électorat musulman.

Les élections sénatoriales ont conduit à la défaite cuisante de Jean-Pierre Michel, rapporteur de la loi Taubira au Sénat ayant méprisé les foules, refusant par exemple d’auditionner Frigide Barjot, car elle représentait « la pire homophobie ». Surtout Gérard Larcher, présent lors des manifestations en 2013 a été élu président du Sénat face à Jean-Pierre Raffarin, moins engagé sur la question et Bruno Retailleau en pointe lors des débats a été élu président du groupe UMP.

 

Si l’adoption de la loi Taubira a été un échec pour la Manif pour tous et un grand drame pour beaucoup, le mouvement a réveillé les consciences de militants qui demandent aux hommes politiques de droite de s’assumer et de ne pas suivre ni se plier à la conception du progrès de la gauche sur toute les questions sociétales primordiales. La Manif pour tous n’a pas désarmé et s’installe durablement dans le champ politique, s’invitant dans les campagnes internes du parti. Cette question est bien illustrée avec le retour de Nicolas Sarkozy, peu à l’aise sur la question, s’entourant de personnages contradictoires sur ce point et étant de plus en plus obligé de se prononcer, ce qu’il aurait aimé éviter. Cependant la réécriture n’est pas assez, il faudra exiger l’abrogation et donner des gages de sincérité s’il veut s’attirer les suffrages des nombreux militants de la Manif pour tous qui ont récemment adhéré à l’UMP.

France Renaissance

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