Interview de Geneviève et Jean-Claude Antakli à l’occasion de la publication de leur ouvrage
Syrie : une guerre sans nom – Cris et châtiments

Geneviève et Jean-Claude Antakli, biologistes franco-syriens fondateurs d’un institut de soins infirmiers à Alep, retracent dans leur dernier ouvrage les vraies raisons de la guerre en Syrie. Dédié à la mémoire des centaines de milliers de victimes syriennes sacrifiées et à leurs familles brisées, leur livre donne la parole au peuple syrien : civils chrétiens et musulmans, religieux, opposants laïcs au régime, tous relatent l’enfer et la misère qu’ils vivent au quotidien depuis plus de trois ans. Aux côtés de spécialistes en géopolitique du Proche – Orient, ces témoignages donnent les clés indispensables pour comprendre les raisons occultes ayant poussé à ce conflit.

 

1) Que retenir du récent voyage du Pape en Terre Sainte ?

Il faut avant tout rappeler que l’histoire de la Syrie est intimement liée à celle du Christianisme des premiers siècles. Les Syriens chrétiens sont totalement intégrés à la société syrienne et ont participé de plain- pied à la lutte pour l’indépendance de leur pays à l’issue de la seconde guerre mondiale. Il existe en Syrie un Christianisme arabe, bien ancré dans la culture et dans le milieu socio-économique. Dans ce contexte très particulier, qu’attendre de la visite du Pape liée au cinquantième anniversaire de la rencontre de Paul 6 et du Patriarche Athënagoras ?

Trois grands thèmes étaient abordés : la paix, encouragée notamment par ce temps de prière proposé spontanément au Vatican ; l’unité des Chrétiens, stimulée par la prière commune avec le Patriarche Bartholoméos au Saint – Sépulcre ; la présence chrétienne, confortée par les paroles de reconnaissance du Saint Père, pour leur témoignage en Terre Sainte.

 

Déjà le 2 Mai, en indiquant qu’il avait « pleuré pour les Chrétiens crucifiés » le Saint Père s’était gardé de citer le pays où l’on crucifie aujourd’hui au nom de Dieu. Pourquoi?

De plus, en multipliant les gestes auprès des Israéliens, le Saint – Père s’est attiré les foudres de ceux qui auraient préféré le voir visiter la Bande de Gaza, qui à elle seule « concentre toutes les misères et toutes les tragédies, au cœur de la souffrance du Christ, et au centre du contenu de son message ». Personnellement, nous avons publiquement demandé sur une radio libre début mai, que le Saint- Père, en ces temps d’horreur que vivent les Chrétiens de Syrie, en hommage à cette Terre de Saint Paul d’où sont partis les premiers apôtres, aille prier à Alep avec les représentants religieux de toutes les Communautés, pour enfin briser cette « mondialisation de l’indifférence » qu’il a dénoncée.

 

2) Aujourd’hui en Syrie, dans quel camp penche le rapport de force opposant le gouvernement aux rebelles islamistes ?

Il semble aujourd’hui être clairement dans le camp du gouvernement et de son armée. Mais les forces qui soutiennent les djihadistes (120 000 djihadistes!!), sont en train de se remobiliser, comme toujours à partir des frontières de la Syrie. Le plateau du Golan serait la nouvelle place forte : non seulement les Américains y forment les combattants, mais ils leur livrent aussi des missiles anti-char et des missiles Tow, sous le regard bienveillant des Israéliens. À cheval sur la Syrie et le Liban, deux factions les plus

extrémistes, Daash et le Front Al Nosra, [sont] soutenues par le Qatar et l’Arabie Saoudite. Sur la frontière turque, l’appui de l’armée d’Erdogan s’est étendu jusqu’à Kassab où ils ont délibérément prêté main forte, aux massacres et à l’occupation de la ville, avec leurs chars et leurs avions, violant l’espace terrestre et aérien de la Syrie. Les pays européens auraient aussi repris leur livraison d’armes, France et Royaume Uni en tête.

 

3) Dans quel climat se sont déroulées les élections présidentielles du 3 juin 2014 ?

À Damas c’est un climat serein et lucide qui prévaut. La présence du chef de l’Etat qui contrairement à ce que l’on nous raconte, continue à se déplacer, visite les zones reconquises, les quartiers extérieurs bombardés par les djihadistes, est rassurante. Dans la tempête, sa femme et lui ont toujours étaient présents. Les deux autres candidats à la Présidence ne sont guère connus et nul doute que les votes iront, puisque le scrutin se déroule uniquement dans les territoires contrôlés par le gouvernement, massivement sur Bachar El Assad qui depuis le début représente la stabilité dans le chaos qu’entretiennent les Occidentaux,

L’acharnement stupide de l’Europe et notamment de la France, est très mal perçu par le peuple syrien qui constate sur le terrain, que sans la fidélité et le courage de son armée et sans Bachar, la Syrie serait aujourd’hui un Etat Islamique.

Le Manifeste d’Alep du 24 septembre 2013, où onze organisations terroristes des plus puissantes, ont rejeté la tutelle de la coalition de l’opposition syrienne, reconnue par les Occidentaux et les Monarchies du Golfe, a porté un coup fatal à la crédibilité de ces opposants au régime, qui dans les salons des Capitales d’Europe, entretiennent seulement leurs relations publiques.

 

4) Loin d’être de simples citoyens désireux de réformes, les opposants au régime sont en réalité des groupes armés djihadistes financés de l’étranger.Selon vous, l’arrestation de Mehdi Nemmouche, auteur présumé des quatre meurtres au Musée juif de Bruxelles de retour d’un séjour consacré au djihad en Syrie, va – t – elle permettre aux médias globaux de porter un autre regard sur le conflit syrien ?

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Le dernier rapport du « Brookings Doha Center » dirigé par l’Américain Charles Lester, que l’on ne peut compter parmi les partisans du régime de Damas, reconnaît clairement que l’opposition se compose de groupes armés djihadistes financés, armés, envoyés par et de l’étranger !

L’essentiel de l’opposition sur le terrain est représenté par les 60 000 islamistes du Front Islamique, répartis entre 7 groupements dont les Frères Musulmans représenteraient la frange la plus modérée. Tous viennent de l’étranger. Et brusquement

il semble, dans cette pétaudière, que des craintes pour la sécurité internationale soient maintenant exprimées. Nous sommes dans des incohérences criminelles : les djihadistes français en Syrie relèvent en droit français « d’association de malfaiteurs à des fins terroristes ». Ils sont et seront jugés comme tels en revenant sur notre sol.

Oui, mais en fait, ils ne font que répondre à l’appel du gouvernement français pour une guerre « contre le Régime syrien », une guerre que Laurent Fabius a qualifié de « bon boulot », face à un dictateur « qui ne mérite pas de vivre » dans un camp de réfugiés à la frontière jordanienne. Si le 31 août 2013, la France avait eu le feu vert pour bombarder la Syrie, nos soldats auraient combattu aux côtés des troupes djihadistes. Association de malfaiteurs….dites-vous?

L’affaire Nemmouche ne changera rien au regard des Médias globaux français sur le conflit en Syrie. Il faudrait plusieurs Merah ou Nemmouche. Qui a osé dire que les moyens mis en œuvre pour empêcher les jeunes radicalisés de partir sont dérisoires, inefficaces? On préfère parler de Loup solitaire pour rassurer l’opinion alors que nous savons bien que les Loups chassent en meute. Qui osera dire que les échanges de Renseignements entre les Services secrets syriens et la DGSE ont épargné depuis 1980, bien des vies humaines chez nous, en toute discrétion.

Voilà notre opinion sans détour sur la crise syrienne ; nous essayons de rétablir la vérité pour ce peuple humilié que l’on continue à frapper lâchement.

France Renaissance

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