La proposition de loi « relative à l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant » va être présentée ce lundi 19 mai à l’Assemblée nationale. Cette loi est surtout un moyen de défendre l’intérêt de l’adulte au détriment de « l’intérêt supérieur de l’enfant » qui n’est même pas cité dans le texte alors qu’évoqué dans diverses conventions et juridictions internationales, européennes et françaises.

La notion d’intérêt supérieur de l’enfant est liée à la reconnaissance spécifique de la période de vie qu’est l’enfance (qui s’étale de la naissance à 18 ans, sauf dérogation particulière), due à sa vulnérabilité et son manque de maturité physique et intellectuelle. Pour cela l’enfant a besoin d’être protégé et d’obtenir des soins spéciaux.

Les besoins de l’enfant sont de deux types : les besoins fondamentaux (alimentation, habillage, sécurité, scolarité…) et les besoins plus subjectifs (besoins affectifs, inculcation de valeurs, besoins sociaux…). Si les premiers sont reconnus et défendues par de nombreuses sociétés, les seconds évoluent  et sont parfois menacés en fonction de la vision de l’enfant et de la famille.

Pourtant l’absence de définition ou de critères précis sur l’intérêt supérieur de l’enfant le laisse sujet à différentes interprétations et appréciations, au cas par cas, mais parfois au détriment de l’enfant. Le preneur de décision devient libre d’utiliser ou non cette notion, selon l’interprétation qu’il s’en fait. Cette notion laisse une marge de manœuvre immense aux preneurs de décisions qui peuvent imposer leur conception du principe, au détriment de l’enfant auquel cet intérêt s’adressait.

La majorité actuelle tente d’introduire une certaine vision de la famille, se basant sur les liens sociaux et affectifs, sans doute réels, entre l’enfant, ses parents et ses éventuels beaux-parents, au détriment des liens naturels et de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’ouverture d’une « multi parentalité » reconnue par l’Etat serait une transformation néfaste, nuisible pour l’équilibre de l’enfant qui a besoin d’un modèle d’altérité homme-femme, modèle idéalement fixé sur sa filiation naturelle.

Face à ce projet il est nécessaire de défendre préserver et faire perdurer le modèle familial père mère enfant, bien plus proche de l’intérêt supérieur de l’enfant.

La vision du pédopsychiatre Aldo Naouri

Aldo Naouri est un pédiatre à la retraite, qui a exercé pendant près de 40 ans. Il s’est tout particulièrement intéressé aux liens entre les parents et les enfants.

Bien que non particulièrement défenseur des liens purement biologiques des parents vis-vis de leur enfant, il considère que le père et la mère ont deux rôles absolument distincts et nécessaires pour la bonne construction psychique de l’enfant. Il préconise non seulement l’altérité, l’homme et la femme ayant chacun leur rôle en fonction de l’âge de l’enfant, mais également la détention de cette autorité par les parents uniquement. L’éducation est une affaire de la famille (et non des enseignants notamment), composée d’une femme (irremplaçable pour les quatre premières années de l’enfant) puis d’un père (à qui l’on a trop enlevé d’autorité, afin d’en faire une sorte de « mère bis », avec le triomphe du matriarcat).

Or, comme en France nous identifions l’autorité parentale aux deux parents ayant reconnus leur enfant, il nous apparaît qu’il n’y a donc de place pour personne d’autre dans la pure détention de cette autorité, pour la bonne construction de l’enfant.

Naouri est d’ailleurs contre l’adaptation du droit à chaque évolution de la société. La famille a une place toute particulière dans la société, car ce sont les parents qui font ce que deviendront les enfants. Dans son intervention de janvier 2011 Famille au XXIe siècle : entre continuité et rupture il nous dit que « depuis toujours, la famille a été un creuset au sein duquel se dessinaient, en termes d’orientation, les attentes et les options de ses membres. Et qu’elle a été de première importance dans la protection, le devenir et la socialisation des enfants. Ça a toujours été elle qui leur a conféré leur éducation et leur vision du monde. C’est encore elle qui pouvait, ou ne pouvait pas, les inscrire dans un lien social plus élargi ». Dans cette même intervention, il fait le constat qu’auparavant la naissance et la mort d’un individu se déroulaient à la maison, mais que maintenant ceux-ci se réalisaient dans un cadre médicalisé d’un l’hôpital, d’une clinique ou d’une maison spécialisée. Il considère donc que « le social, qui a ainsi détrôné l’efficacité protectrice de la famille, a logiquement décidé de cesser de lui conférer l’importance et le statut qu’elle avait eu jusque-là ».

Naouri déplore une rupture de la famille depuis 40 ans. Tout d’abord, nous avons connu une disparition de la « puissance paternelle » au profit de « l’autorité parentale conjointe » (1972). Nous avons progressivement revu et corrigé les prérogatives masculines abusives. Mais ce « progrès » forgé dans des intentions louables a ouvert une crise inattendue. Ce qu’il appelle la « démocratie à deux » est impossible à mettre en place, aucune majorité ne pouvant en sortir, l’avantage étant donné à la mère sur l’enfant par la grossesse et l’asymétrie nécessaire au bien-être de l’enfant étant ignorée.

Enfin, Naouri déplore l’augmentation considérable de divorces (40 000 en 1970, 110 000 à 120 000 par an ces quinze dernières années) et du nombre de femmes seules avec enfant. Or, la place du père dans la famille nécessitait un soutien sociétal, qui lui a été enlevé. Il dénonce alors la contrepartie donnée aux couples de former une « polygamie diachronique : on parlera alors de « familles recomposées » dont les enfants auront à prendre acte et à s’en débrouiller ».

Ces tentatives de reconnaissance de l’évolution de la famille par le droit peuvent sembler louables et conférer de nouveaux droits, mais sont en réalité des mesures contre l’intérêt de l’enfant et pour celui des adultes.

La vision de l’Église

L’Église n’utilise qu’à deux reprises le terme d’intérêt supérieur de l’enfant. Au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi : Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles, l’intérêt supérieur de l’enfant implique la bipolarité sexuelle au sein de la famille. Son absence créerait « des obstacle à la croissance normale des enfants » car il leur manquerait « l’expérience de la maternité ou de la paternité ».  Dans La famille et les droits de l’homme (1999), l’intérêt supérieur de l’enfant est souligné, en citant alors l’article 20 de la Convention pour les droits de l’enfant approuvée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989.

Le magistère de l’Église n’en fait pas un principe organisateur, s’appuyant plutôt sur un modèle familial nécessaire au développement de l’enfant et donc à la bonne forme de la société.

Le premier droit de l’enfant est pour l’Église celui de « naître dans une véritable famille », droit dont le respect est aujourd’hui problématique.

L’Église considère la famille comme la première société naturelle, titulaire de droits propres et originels. Elle est au centre de la vie sociale. Si on relègue la famille à « un rôle subalterne et secondaire, en l’écartant de sa place qui lui revient dans la société » on cause un grave dommage « à la croissance authentique du corps social tout entier ». Elle est le premier lieu des relations interpersonnelles et est donc la première cellule vitale de la société. C’est le lieu dans lequel « l’enfant peut […] épanouir ses capacités, devenir conscient de sa dignité et se préparer à affronter son destin unique et irremplaçable ». En assumant sa mission éducative, la famille constitue la « première école de vertus sociales » dont la société a besoin.

Le fondement de la famille réside dans la libre volonté d’un homme et d’une femme de s’unir en mariage. Cet engagement implique que les rapports entre les membres de la famille soient empreints de justice, de respect des droits et des devoirs réciproques. Les époux se promettent fidélité, assistance et accueil des enfants.

La famille est un espace de communion, face à notre société toujours plus individualiste, dans laquelle grandit une communauté de personnes. C’est un « apprentissage fondamental et irremplaçable de vie sociale, un exemple et en encouragement pour des relations communautaires élargies, caractérisées par le respect, la justice, le sens du dialogue, l’amour ».

La famille doit être fondée sur la stabilité du rapport matrimonial et son indissolubilité. L’absence de ces conditions conduit à de graves souffrances pour les enfants, avec des conséquences néfastes pour la société. La stabilité et l’indissolubilité de l’union matrimoniale doit être confiée à la société toute entière. L’introduction du divorce a alimenté la relativisation du lien conjugal, ce qui a créé une « véritable plaie sociale ».

Les « unions de fait » ne peuvent pas être mises sur un pied d’égalité avec la famille, puisque cela traduirait un discrédit du modèle de famille qui ne peut se réaliser que dans une union permanente.

La solidité du noyau familial est absolument nécessaire au bien-être de la société. Cette dernière « ne doit jamais affaiblir la reconnaissance du mariage monogamique indissoluble comme unique forme authentique de la famille ». Il est donc nécessaire que les autorités publiques, « résistant à ces tendances qui désagrègent la société elle-même et sont dommageables pour la dignité, la sécurité et le bien-être des divers citoyens, s’emploient à éviter que l’opinion publique ne  soit entraînée à sous-estimer l’importance institutionnelle du mariage et de la famille ».

Dans l’éducation des enfants le rôle maternel et le rôle paternel sont tout aussi nécessaires. Les parents doivent œuvrer conjointement, toujours orientés vers « le bien intégral de l’enfant ».

La famille précède en importance et en valeur les fonctions que la société et l’État doivent remplir. Ce sont la société et l’État qui existent pour la famille et par la famille (de par sa fonction procréatrice).

La société doit donc se placer au service de la famille, et prenant soin de ne pas l’absorber et de ne pas réduire sa dimension sociale. Il faut donc dépasser les conceptions purement individualistes et adopter la dimension familiale en tant que perspective culturelle et politique, incontournable dans la prise en considération des personnes. Avec cette nouvelle loi relative à l’autorité parentale le modèle de la famille est attaqué, et par là même l’équilibre et la formation de l’enfant, nécessaires à la société, sont en danger.

L’intérêt supérieur de l’enfant et la famille

Finalement, il semble difficile de trouver une définition précise d’un terme aussi vague que celui d’intérêt général. Cette absence de définition donne une marge de liberté permettant toutes les redéfinitions actuelles de la famille.

Or, si les mœurs évoluent, cela ne veut pas dire pour autant que l’Etat doit s’y adapter. L’Etat est en charge de l’intérêt général et idéalement du bien commun. Or, ces derniers ne se trouvent pas dans les pratiques, qui évoluent toujours, mais dans des valeurs et des repères. Ici, il s’agit évidemment de l’enfant.

Or, face à l’état actuel des familles (1 961 243 familles monoparentales en 2010, 720 familles recomposées en 2012, entre 110 000 et 130 000 divorces par an depuis 15 ans…), l’État doit soutenir un modèle familial.

L’intérêt supérieur de l’enfant réside dans sa naissance et son développement et son éducation au sein de la cellule familiale qui est la  première société naturelle, titulaire de droits propres et originels. Le rôle de ses deux parents est primordial dans la construction de l’enfant, le père et la mère ayant des rôles aussi différents que complémentaires. Ces parents, lorsqu’ils sont vivants et en capacité de l’assumer, doivent être les seuls détenteurs de l’autorité. La multi parentalité ne serait que source de déstabilisation dans la bonne construction de l’enfant. La cellule familiale doit garder son efficacité protectrice primordiale pour le bien être de la société.

La famille est le premier lieu de développement de l’enfant et de ses relations, dans laquelle il épanouit ses capacités avant de les apporter à la société. La mission éducative des parents est donc nécessaire à la société qui doit se mettre à son service. L’État dépend du bon fonctionnement de la cellule familial et doit s’appliquer à la protéger et à la soutenir. Le gouvernement est actuellement occupé à la déconstruire, ce qui est préjudiciable au bon développement de l’enfant et donc de la société.

France Renaissance

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