Mise en place de l’écotaxe, un long processus

La mise en place de l’écotaxe, ou de son vrai nom la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandise, a été décidée en 2008 par Nicolas Sarkozy, après le Grenelle de l’Environnement. Le but de cette taxe était de trouver des alternatives aux transports routiers, en prélevant les camions qui passaient sur certaines routes équipées de portiques, afin de financer le développement des transports ferroviaires et fluviaux. Elle apparaissait d’ailleurs déjà dans le programme de Ségolène Royal de 2007 et, en 2010, elle déplorait la lenteur de mise en place du projet et le fait qu’il n’aille pas assez loin.

L’écotaxe devait être régie par un partenariat public privé (PPP), c’est-à-dire que l’Etat devait fait appel à Ecomouv, un prestataire privé créé par le groupe italien Autostrade per l’Italia, qui en détient 70% du capital, et les grands groupes français Thales (11%), SNCF (10%), SFR (6%) et Steria (3%), pour financer et gérer cette écotaxe. En contrepartie, Ecomouv devait recevoir 40% des fruits de cette taxe.

Mais avec la crise, le projet a été ralenti en et 2009 et 2010. Le dispositif est relancé en France en étant intégrée à la directive Eurovignette, lors du vote de sa modification en juin 2011. Ainsi, nous le retrouvons en Allemagne, en Slovénie, en Autriche, en République tchèque ou encore au Portugal.

Le 08 octobre, le conseil des ministres a décidé que le projet serait suspendu « sine die ». Les raisons évoquées par le ministre de  l’Ecologie du Développement durable et de l’Ecologie sont notamment les suivantes :

  • « L’écologie ne doit pas être une écologie punitive et la fiscalité ne doit pas détruire plus d’emplois qu’elle n’en crée ». Cette taxe lui paraît donc aujourd’hui injuste et risquée pour les emplois des transporteurs routiers, alors même que les bénéfices engrangés devraient servir à développer les autres modes de transports censés être créateurs d’emploi ;
  • 40% du rendement de l’écotaxe reviendra à la société privée Ecomouv, comme rémunération pour la gestion de la taxe plutôt que pour l’investissement dans les infrastructures alternatives, alors que le coût du prélèvement des impôts réalisé par l’Etat ne revient qu’à 2% ;
  • Il s’agit d’un dispositif très lourd et très cher à mettre en place (des boîtiers dans chaque camion, de nouveaux systèmes de facturation…), en rejetant la faute sur le gouvernement qui l’avait préparé à l’époque, celui de M. Fillon, époque à laquelle elle trouvait que le dispositif n’était pas assez ambitieux.

L’écotaxe est en effet et avant tout une mesure punitive, une taxe supplémentaire freinant la croissance. C’est pour cela que les manifestations de grande ampleur des bonnets rouges en octobre 2013 avaient autant rassemblées, signe du « ras-le-bol » général. C’est d’ailleurs sans doute plutôt face au risque de ce genre de situation que le gouvernement recule sur l’écotaxe, plus que pour des questions de soucis de dispositif.

Les conséquences de cet abandon

Cet abandon était nécessaire, mais se fait bien trop tardivement. En effet, les pertes sont estimées à environ 1 milliard d’euros, ainsi que la perte de nombreux emplois. Nous avons ainsi :

  • Une perte d’environ 800 M€ due aux investissements opérés par Ecomouv que l’Etat doit rembourser ;
  • La perte de 200 emplois, créés pour la gestion de la taxe, dans un centre à Metz ;
  • La nécessité du replacement de 130 fonctionnaires des douanes déplacés également à Metz ;
  • Un manque à gagner pour l’Etat estimé entre 500 et 800 M€, qui devaient financer environ 120 projets de développement des infrastructures de transports alternatives aux transports routiers ;

 Aujourd’hui, Ségolène Royal souhaite trouver des alternatives à l’écotaxe. Avec la sortie du rapport de l’Autorité de la concurrence, qui pointe du doigt le prix trop élevé payé par les usagers des autoroutes et notamment les transporteurs routiers, Ségolène Royal envisage un prélèvement sur ces profits autoroutiers. Devant le journaliste Jean-Jacques Bourdin, le 10 octobre sur BFMTV, Ségolène Royal parle d’une « meilleure répartition de ce que les gens payent déjà ».

Jean-Vincent Placé, président du groupe EELV au Sénat, soutient Madame Royal dans cette voie, mais propose également deux autres pistes : la hausse de 2 centimes du prix du diesel pour les transporteurs routiers (payée pour l’instant uniquement par les particuliers) et laisser le choix aux régions d’appliquer ou non l’écotaxe.

Mais pour le ministre des Finances, Michel Sapin, cette solution n’est pas envisageable à cause des cahiers de charges annexés aux contrats de concession conclus avec les sociétés autoroutières, avec l’article 32 qui stipule qu’« en cas de création d’impôts, de taxes ou de redevances spécifiques aux sociétés concessionnaires d’autoroute, susceptibles de compromettre gravement l’équilibre de la concession, l’Etat et la société concessionnaire arrêteront d’un commun accord […] les compensations qui devront être envisagées ».C’est-à-dire selon Monsieur Sapin une augmentation des péages pour les usagers ou un allongement de la durée des concessions. Or, selon le rapport précité, les usagers payent un prix trop élevé. Au-delà de la question de l’écotaxe et du financement du manque à gagner de l’écotaxe, cette question va-t-elle être abordée ? Comment faire en sorte que les usagers payent le juste prix du service autoroutier ? Il semble ne pas y a voir ici de solution, à moins de mener les sociétés autoroutières à baisser les prix, sans contrepartie pour l’écotaxe et juste pour le bien des usagers.

Car si une hausse est envisagée sans la bonne grâce des gérants des sociétés autoroutières (comme nous pouvons le pressentir), ce ne sont sans doute pas les transporteurs routiers qui paieront la facture, sortis renforcés de leur combat contre le gouvernement ; mais sans doute les simples automobilistes, qui subissent déjà la hausse des impôts et la baisse des allocations familiales lorsqu’ils ont une famille. C’est exactement ce que les bonnets rouges combattaient l’année dernière.

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