Comment proposer un système équitable entre actifs et retraités ? C’est la question que s’est posée l’institut France Stratégie, qui a tenté d’évaluer l’impact de la croissance sur le système des retraites. Après les dernières réformes mises en place, les difficultés quant à la bonne gestion des retraites se suivent et se répètent sans jamais se résoudre. Depuis trente ans, ces révisions ont pour vocation de rendre stable, notamment en regard du vieillissement de la population française. A la suite du baby-boom – commencé en 1945 et terminé en 1970, le papy-boom engendre un encombrement du système. Un nombre important de personnes entrent dans la période de la retraite au début des années 1990 et le système des retraites attenant ne semble pas assez solide pour financer autant de retraites. On veut alors essayer de modifier le système de retraites sans pour autant en bouleverser l’ordre.

  • Le lien croissance et système de retraite

Le gouvernement l’annonçait de manière tonitruante : la dernière réforme, entrée en vigueur en 2015, doit produire des résultats exceptionnels. Pour autant, le système des retraites est encore fragile, notamment face à la croissance. Selon France Stratégie, il existe trois options pour rendre le système des retraites davantage prêt à faire face à tous ces défis. Dans les faits, seules deux dispositions peuvent pourtant être retenues : la première consiste en la mise en place des ajustements au fur et à mesure des années et des problèmes rencontrés. La deuxième est de sous-indexer les pensions de retraite par rapport aux salaires. Dans cette deuxième option, il est possible d’indexer à nouveau les pensions au niveau des salaires ou de ne pas le faire.

L’équilibre du système de retraite est fortement dépendant ou tout du moins lié à celui de la croissance de la productivité. Ainsi, s’il existe des chocs dans le rythme de la croissance alors le solde financier du système de retraite se verra bousculé. Le rythme de la croissance dépend des gains de productivité, d’où la dépendance entre la productivité et le système des retraites. France Stratégie explique alors que le solde financier du système des retraites devrait être équilibré en 2020. Et pourtant, avec un déficit de 0,7% du PIB en 2010, comment envisager le rééquilibre. Ainsi les réformes mises en place n’ont toujours pas donné les résultats escomptés. En outre, l’équilibre ne sera trouvé que dans le cas où la croissance de la productivité du travail est de 1,4% par an. Las : cette année, la croissance n’atteindra que 1.1%, à la grande déception d’un gouvernement qui s’attendait véritablement au 0.3% de plus qui auraient fait la différence. L’équilibre espéré ne pourra donc être maintenu….

Toutes les réformes lancées au cours des dernières décennies ne peuvent fonctionner qu’en cas de croissance assez importante (aux alentours de 1,5% de la productivité sur une longue période). En 2025, le solde financier serait largement excédentaire si les gains de productivité atteignaient une croissance de 1,5% par an. A l’inverse s’ils ne sont que de 1,3% par an, il y aurait un déficit. Ceci est bien la preuve de l’importance de la croissance sur l’équilibre du système des retraites. Les recettes s’adaptant en fonction de la masse salariale – et subsidiairement de la richesse nationale, ces deux systèmes ne peuvent donc qu’être qu’interdépendants. Cela est d’autant plus vrai en France, que le lien entre l’évolution du PIB et les pensions sont mis en relation avec les revenus des actifs.

En France, le gouvernement promet aux retraités qu’ils disposeront, après liquidation de leurs pensions, d’un pouvoir d’achat particulièrement avantageux. Une promesse qui a engendré des automatismes : d’un côté, en cas de forts gains de productivité, les recettes deviennent de facto excédentaires ; en cas de faibles gains de productivité, le système devient déficitaire. Une systématisation dont est également à l’origine l’évaluation des pensions en fonction des prix et non des salaires. Dans cette perspective, l’argent pris aux actifs dans l’optique de pourvoir les retraites créerait un lien humain entre les actifs et les retraités, que France Stratégie regrette pourtant de ne pas retrouver en France. Car avec la garantie du pouvoir d’achat, seuls les revenus des actifs sont touchés par les variations de la productivité. Aussi, seuls les actifs voient leurs revenus changés et modifiés en fonction de la variation de productivité. Dans cette perspective, si la productivité est assez faible, les retraités auront un niveau de vie assez élevé (c’est le cas aujourd’hui) alors qu’en cas d’équilibre de la productivité, et donc de croissance des gains de productivité, le niveau de vie des retraités baissera. Voilà pourquoi, après une seconde analyse, on observe que les retraités sont tout de même touchés par la croissance et son rythme, du moins indirectement, si l’on en croit France Stratégie.

 

Les problèmes de cette dépendance et les possibles solutions.

Cette interdépendance des systèmes constitue-t-elle encore un écueil ? s’interroge le laboratoire d’idées proche du gouvernement. Pointant en premier lieu la contradiction (en cas de baisse de la productivité, meilleur niveau de vie des retraités), le think-tank souligne qu’en cas de croissance faible, les finances publiques devront davantage souscrire pour les retraités qu’en cas de croissance plus importante. Une situation qui peut engendrer un manque de confiance de la population envers le système de retraites. Et, s’alarme France Stratégie, les comportements qui en découleraient fragiliseraient encore plus le système de retraites, en favorisant des comportements d’épargne. La population verrait également d’un moins bon œil les prélèvements. L’ajustement aux chocs de productivité nécessite des dispositifs spécifiques selon l’évolution du taux de croissance.

Le fait de changer l’âge de départ à la retraite ou le niveau de cotisation ne permet pas de réduire ces chocs de productivité. Pour autant, la fluctuation de l’un ou l’autre de ces paramètres entraîne la hausse ou la baisse du revenu relatif des retraités. Le fait d’augmenter l’âge du départ à la retraite ou le niveau des cotisations revient seulement à se demander le montant que l’on veut accorder aux pensions de retraites.

Pour France Stratégie, il s’agirait dans tous les cas de réduire l’influence de la croissance sur les revenus des retraités afin de définir un niveau de revenus des retraités relatif selon les actifs. Le niveau de vie des retraités doit donc être rabaissé de 20% pour assurer l’équilibre de ce système. Cette vision est déjà programmée mais ne peut fonctionner que si la productivité du travail se stabilise à 1,4%. Une fois ceci fait, il faudra établir les dispositions de manière à ce qu’il y ait un partage des chocs de productivité entre les actifs et les retraités.

Il y a tout d’abord l’option consistant à effectuer des corrections au fur et à mesure. C’est notamment le travail du Comité de suivi des retraites (CSR), mécanisme assez flexible qui laisse les pouvoirs publics avoir la responsabilité de la décision. Il pourrait être encore plus efficace avec une clarification des modalités d’ajustements. Le souci du CSR est qu’il pèse sur ceux qui sont encore actifs actuellement.

Deuxièmement, on pourrait rétablir le lien entre les pensions et les salaires et avoir ainsi un taux de revalorisation des pensions liée aux salaires mais de manière minoritaire seulement. Ainsi, les ajustements des chocs de productivité sont partagés équitablement entre les actifs et les retraités. L’inconvénient est de ne pas pouvoir garantir le pouvoir d’achat, ce qui peut être un réel problème si le niveau de croissance était réellement et de manière pérenne assez bas.

Enfin, il faudrait revenir de manière totale à une indexation des pensions sur les salaires afin d’éviter d’empêcher les retraités d’avoir un pouvoir d’achat. Néanmoins, le pouvoir d’achat n’est toujours pas garanti ce qui déjà est difficile à faire admettre. En outre, ceci ne peut s’effectuer que sur une durée relativement longue.

N.B. Cette note fait la synthèse du rapport de l’Institut France Stratégie. Comment réduire la sensibilité du système de retraite à la croissance ? Janvier 2017.

aloysia biessy