A l’issue de la mandature de Claude Bartolone à la présidence de l’Assemblée Nationale, de juin 2012 à juin 2017, un rapport – rendu au parlement en février, fait état des réformes engagées par le Président durant cette période.

  • Un mandat revendiquant le respect de la déontologie

 

Un fonctionnement budgétaire contestable

En premier lieu, c’est à l’opacité du budget de l’Assemblée Nationale que le Président Claude Bartolone a souhaité lever le voile. Sous sa législature, les comptes annuels ont été mis en ligne sur le site Internet de l’institution. La Cour des Comptes est désormais garante du contrôle et de la certification de la sincérité des comptes de l’Assemblée Nationale. A l’heure où l’autorité de contrôle critique les rallonges budgétaires du gouvernement, opérées par l’intermédiaire de crédits d’avance (3.42 milliards d’euros pour l’année 2016, niveau le plus élevé depuis 2011), une telle vérification apparaît comme une nécessité[1].

Pendant cinq ans, le budget de l’Assemblée Nationale n’a pas connu d’augmentation ; la dotation annuelle de l’Etat pour son officine parlementaire s’élève à 518 millions d’euros par an. Le rapport se targue par ailleurs des économies de fonctionnement qui ont été décidées durant ce mandat « notamment sur les frais de déplacement[2]. Enfin, on souligne avec fierté la réduction de l’indemnité de fonction du Président de l’Assemblée Nationale de 30%. Une mesure toute symbolique : passant de 10 000 à 7 000 € (non imposable), l’indemnité de fonction de Claude Bartolone, si elle est déjà fort élevée, se voit adjoindre une indemnité de base (4082 € net) et d’une indemnité représentative de frais de mandat (5013€ net et non imposable). « 70% de ce qu’il touche échappe au Fisc », soulignait avec justesse Siné Mensuel en 2013[3].

De même, c’est non sans fierté que le rapport fait état d’une réduction de 10 % des indemnités de frais de mandat des députés[4] (depuis le 1er janvier 2013), au profit des collaborateurs parlementaires. Sachant qu’au 1er février 2017, cette enveloppe s’élève à 5840 € ; si l’enveloppe s’élevait à 6420 € avant cette date, il a donc été fait une économie de 642 € par député et par an pour leurs assistants parlementaires. Une disposition à l’effet particulièrement dérisoire, qui représente davantage un effet d’annonce qu’une mesure effective.

Avec de telles prérogatives, la réduction du budget de la réserve parlementaire, soit un fonds destiné au développement des associations (une enveloppe de 130 000 € par député) semble bien dérisoire voire particulièrement léonine. Passé de 90 millions d’euros à 81.6 millions d’euros, cette réduction de l’enveloppe semble préjudiciable pour les associations ou les collectivités territoriales auxquelles les députés apportent leur soutien financier.

En ce qui concerne le système de retraites, l’Assemblée Nationale a décidé de transposer les dispositions de la réforme des retraites dans le règlement de la Caisse des pensions des députés ainsi que dans le Règlement de la Caisse des retraites du personnel. Une révision qui engendre l’augmentation du nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein, ainsi que l’augmentation du taux de cotisations. Ce que ne souligne pas le rapport, c’est le caractère non rétroactif de cette réforme. Quelques députés pourront bénéficier de l’ancien système de retraite. C’est notamment le cas de René Dosière (PS), qui touchera ainsi 6329 € brut de retraite[5].

Une déontologie à deux vitesses

Nommé en 2014, le déontologue de l’Assemblée National Ferdinand Mélin-Soucramien a remplacée Madame Noëlle Lenoir à cette fonction qui doit « aider les députés à lutter contre les conflits d’intérêts ». Quoique le rapport de l’Assemblée Nationale n’en fasse pas mention, Noëlle Lenoir a fait l’objet de suspicion quant à un éventuel conflit d’intérêt. L’avocate « défendait déjà les intérêts des laboratoires Genevrier en septembre 2013 quand elle exerçait la fonction de déontologue à l’Assemblée, poste qu’elle a occupé jusqu’à mi-avril 2014 », explique à cet égard le Figaro[6].

Les services de l’Assemblée ne semblent pas avoir eu beaucoup plus de chance avec Ferdinand Mélin-Soucramien, qui s’est fait remarquer pour un cumul de salaires assez mirobolant. Il toucherait « la totalité de son salaire d’universitaire« , soit 70 000 euros brut annuels. Une somme à laquelle s’ajoute la rémunération de l’Assemblé nationale : 42 000 euros par an », souligne Le Canard Enchaîné. Un cumul que le déontologue a préféré passer sous silence…[7]

Ces malheureux évènements ne semblent pourtant interpeler le rapporteur, qui souligne que les quatre nouveaux articles ont été créés pour assurer le caractère déontologique des députés «  assurent l’indépendance du Déontologue par rapport à l’institution ».

 

 

  1. Une législature sous le signe de la protection du personnel ?

 

De l’emploi des collaborateurs

L’Assemblée Nationale se félicite de l’enveloppe réservée aux collaborateurs ne s’élève qu’à 9 618 € mensuels, contre 20 800 € au Bundestag, ou 950 000 € (par an) à la Chambre des Représentants aux Etats-Unis. Depuis le 1er janvier 2013 , le solde de cette enveloppe n’est plus réorientée vers l’indemnité représentative de frais de mandat du parlementaire mais vers le budget de l’Assemblée Nationale même. De la mise en place d’un régime d’indemnisation des arrêts maladie et congés maternité à l’amélioration des dispositifs de formation professionnelle jusqu’à l’installation de la complémentaire santé, le rapporteur estime que des progrès considérables ont été opérés pour les collaborateurs.

De la protection des personnels

Visant à prévenir le harcèlement moral et sexuel, le Président de l’Assemblée a mis en place un référent « permettant d’évoquer des situations de harcèlement » à la disposition des collaborateurs et, depuis 2016, aux députés comme aux fonctionnaires. Pour prévenir tout comportement de harcèlement, l’Assemblée s’emploie à la distribution « des numéros utiles en matière de lutte contre le harcèlement », à « l’élaboration d’un guide à l’attention des députés et de leurs collaborateurs » et à la « mise en place de formations régulières sur le sujet, la prise en charge des déplacements de collaborateurs pour assister aux formations ».

  • Conclusion

Les dernières mesures prises à l’instigation du Président de l’Assemblée Nationale en matière de collaborateurs remet pourtant en cause la protection des collaborateurs. En diffusant la liste des collaborateurs des parlementaires en un seul et même fichier, risque en effet de poser plusieurs questions. D’une part, l’impossibilité de bénéficier d’un droit à l’oubli pour un collaborateur en reconversion. De l’autre, une exposition accrue aux lobbyistes. Les syndicats ont également souligné l’atteinte à la vie privée que pouvait engendrer un tel fichier unique.

En plus d’une démarche particulièrement contestable, c’est à la méthode employée par Claude Bartolone que quelques voix en interne s’évertuent à dénoncer. «La décision a été annoncée par Claude Bartolone en réunion de groupe socialiste, et on en a pris connaissance par le tweet d’un député qui a fait fuiter l’info», explique une attachée parlementaire au Figaro. «Je veux bien qu’on nous fasse sortir de l’ombre, mais ça commence par nous donner un vrai statut, avec des RTT, des jours de récupération et un minimum de protection sociale qui nous évite de nous faire virer du jour au lendemain. Au lieu de cela, on se contente de jeter nos noms en pâture.», souligne-t-elle encore[8].

[1] Les Echos, 5.12.2016, La Cour des Comptes critique les rallonges budgétaires du gouvernement.

[2] « Suppression de la classe affaire pour les vols de moins de 5h, rationalisation des règles sur les voyages, suppression de la possibilité de convertir des déplacements en voyage de familiarisation en Outre-Mer ».

[3] L’Obs, 5.06.2013, 70% de ce que touche Claude Bartolone n’est pas imposable.

[4] Cette enveloppe comprend : les frais liés à la permanence ; les frais de transport des députés et des collaborateurs (qui n’ont le droit qu’à un nombre de passages limités) ; des frais de communication : des frais de représentation et de réception ; des frais de formation des députés et de ses collaborateurs.

[5] France 2, France 2 s’intéresse au régime de retraites des députés. 27/02/2017. http://www.buzger.com/fr/france-2-s-interesse-au-regime-de-retraite-des-deputes.html

[6] Le Figaro, La déontologue de l’Assemblée nationale était payée par l’industrie pharmaceutique, 02/11/2015.

[7] « Aucune demande de cumul d’activités n’a été faite par ce collègue« , confirme au Canard le président de l’université de Bordeaux, Manuel Tunon de Lara. Un comble, pour un déontologue. France TV Info, 01.03.2017, Le déontologue de l’Assemblée Nationale épinglé par le Canard Enchaîné. http://la1ere.francetvinfo.fr/deontologue-assemblee-nationale-reunionnais-ferdinand-melin-soucramanien-epingle-canard-enchaine-448649.html

[8] Le Figaro, 24.02.2017, La publication de la liste des attachés parlementaires créé des remous à l’Assemblée Nationale. http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2017/02/23/25001-20170223ARTFIG00279-la-publication-de-la-liste-des-attaches-parlementaires-cree-des-remous-a-l-assemblee.php

aloysia biessy