Déposé au Conseil de sécurité de l’ONU, un rapport récent révèle les exactions (violations des droits humains) menées à l’encontre du Yémen par l’Arabie Saoudite.

L’affaire n’a pas fait grand bruit dans les médias : est-ce parce que l’Arabie Saoudite constituait jusqu’alors pour l’Occident un « allié au sein de la coalition internationale de lutte contre le groupe armé Etat Islamique et un acteur important dans les efforts de la communauté internationale visant à trouver une solution (sic) politique en Syrie[1] » ? Les frappes aériennes de la coalition contre des cibles civiles, près de cent-vingt sorties de la coalition ont été recensées par le rapport et seraient à l’origine de 60% des décès et des blessures civiles dans le conflit au Yémen. Camps de réfugiés, de déplacés, de rassemblements, de véhicules civils, zones résidentielles, écoles, mosquées, marchés, installations médicales, aéroport de Sanaa, ports, routes…. Voilà les cibles d’un « allié de circonstance », sur lequel on ferme les yeux. Condescendance commode : après tout, l’Arabie Saoudite n’a-t-elle pas été l’objet d’attaques de l’Etat Islamique ? Les accuser de toute exaction revient-il à faire un intolérable « Golfe bashing[2] » ?

Et pourtant : alors que le Canada s’apprête à vendre des véhicules blindés pour 15 milliards de dollars[3] à l’Arabie Saoudite, l’éventualité de cet armement de la coalition à se retrouver entre les mains de groupes islamistes radicaux semble avéré. Ainsi, le rapport de l’ONU de rapporter « avoir vu des images de combattants de la résistance à Taïz, […] affiliés à un groupe salafiste, en train d’utiliser des véhicules blindés similaires à ceux utilisés par la Coalition »[4]. Le gouvernement canadien, qui a tenté à plusieurs reprises de justifier cette cession d’armes à l’Arabie, a refusé de commenter les conclusions du rapport de l’ONU…

Qu’on évoque le laxisme de l’Occident est en soi une vaste hypocrisie ; qu’on récuse le rôle dévastateur d’un interventionnisme incontrôlé, dicté par les lois d’un libéralisme maître, constitue un aveuglement volontaire des dirigeants de la coalition ; mais taire les exactions d’une Arabie Saoudite coupable d’attaques dévastatrices sur la société civile yéménite et fermer les yeux sur les sources de son armement relèvent de la traître complicité d’un Occident qui semble ne plus connaître le sens même de l’exercice diplomatique.

 

[1] Article La légalité du contrat de 13 milliards de dollars de vente des VBL à l’Arabie sera contestée en Cour fédérale, par Jacques N. Godbout, 6.02.16, dans 45E Nord.Ca.

[2] Dixit Laurent Bonnefoy. Voir Boulevard Voltaire, Stop au Golfe bashing, un colloque au Sénat, janvier 2016.

[3] Voir Un rapport de l’ONU relance la controverse sur la vente d’armes aux Saoudiens, dans Ici. Radio Canada, 30 janvier 2016, p.1.

[4] Op., cit.

aloysia biessy