La nouvelle loi du 2 février 2016, destinée à faire prévaloir de nouveaux droits aux malades et personnes en fin de vie, indique que toute personne ayant atteint la majorité est en capacité de rédiger des directives anticipées. En cas d’incapacité d’expression de la volonté du patient, celui-ci serait ainsi prémuni par l’annonce de perspectives dont il serait lui-même le garant. Ces directives, qui seront conservées sur un registre national, restent cependant soumises à l’aval (par décret) du Conseil d’Etat, qui doit en définir les conditions (en termes de validité, confidentialité, conservation).

Les directives anticipées : outil effectif ou écueil ?

Les directives anticipées génèrent, notamment depuis la discussion de la proposition Claeys-Leonetti[1], des hésitations quant à leur effectivité. La loi propose de les rendre contraignantes, « sauf en cas d’urgence vitale » ; sans limite de validité, elles sont révocables et révisables.

S’imposant au médecin, à quelques exceptions près[2], ces mesures proposées par le patient soulèvent l’interrogation : seront-elles un outil de médiation efficace à l’égard du médecin ? Une mauvaise compréhension de celles-ci ne pourraient-elles pas engendrer leur application inadéquate ? Manque de formation du médecin à la communication, dévoiement de la fonction initiale des directives anticipées, incohérences éventuelles de propositions soulevées par le patient à une date trop antérieure à celle de sa mort, …. : les motifs d’objection sont nombreux. Dans ce cadre, l’espace éthique de la Fédération Hospitalière de France recommande la création d’un « dispositif d’accompagnement pour l’élaboration des directives anticipées » et l’installation éventuelle d’une « délibération collective » afin d’encourager les professionnels de santé à soutenir le dispositif. Ces plateformes permettraient, selon l’institution, de permettre au patient de « cheminer à son rythme » et « d’aborder la difficile question de la décision pour autrui[3] ». Pour autant, ces directives suscitent l’inquiétude. Car leur nature pourrait obliger le médecin donner la mort à son patient…

La mise en application des directives anticipées

L’inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui a rendu public son rapport sur l’Expertise sur les modalités de gestion des directives anticipées en fin de vie[4], remarque l’importance de distinguer communication et promotion de ces directives, soulevant la légitimité du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie pour garantir le bon déroulement de la procédure. L’institution souligne également l’incohérence de désigner l’Agence de Biomédecine à la tête de cette mission, en regard de la gestion que l’office mène déjà le registre relatif au refus de prélèvement d’organes. Elle soulève par conséquent la possibilité d’introduire ces directives dans le « Futur dossier médical partagé » (DMP).

Initier la société civile à rédiger ces directives constitue pour l’Inspection générale des affaires sociales une priorité. En 2009, seul 2.5% des individus décédés avaient proposé des directives anticipées… L’objectif visé, d’ici dix ans, serait d’atteindre les 10 %. Pour Marisol Touraine, l’application effective de la proposition de loi passera par la création de ce registre, garant de la cristallisation des volontés du patient, permettant d’éviter toutes imprécisions quant à ses dernières volontés.

 

 

[1] Votée le 27/01/2016.

[2] Si le médecin est en mesure de justifier par écrit pourquoi il ne les applique pas.

[3] In Les directives anticipées, un « outil de dialogue » entre malade et médecin ?, Genethique.org, 25/02/2016.

[4] Remis en octobre 2015 au Ministère de la Santé.

aloysia biessy