«  Quel que soit notre avis sur l’avortement, nous pouvons tous convenir que dans un monde idéal, l’avortement n’existerait pas »[i]

Chaque année, l’avortement met un terme à un cinquième des grossesses françaises et à un tiers des grossesses européennes. Au regard de l’ampleur du phénomène, de ses causes et de ses conséquences, l’avortement est un problème auquel la société peut et doit répondre par une politique de prévention car l’avortement n’est pas une fatalité. En effet, 75% des femmes qui ont avorté indiquent y avoir été poussées par des contraintes sociales ou économiques. Ce constat met dès lors en cause l’efficacité de la prévention de l’avortement ainsi que le respect des droits sociaux des femmes et des familles.

En vue de protéger le droit de fonder une famille, les Etats, au titre des différentes conventions internationales signées, n’ont pas seulement l’obligation négative de ne pas faire obstacle au droit de se marier et de fonder une famille mais aussi l’obligation positive de soutenir et de faciliter l’exercice de ce droit fondamental. A titre d’exemple, l’article 10§1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels affirme qu’une « protection et une assistance aussi large que possible doivent être accordées aux familles ».Or, l’obligation de protection de la femme constitue un fondement du devoir de prévenir l’avortement.

La maternité doit être protégée contre la violence même de l’avortement. Alors qu’il est présenté comme un « droit » dans certains pays occidentaux, il ne résulte que rarement d’un choix exercé sereinement, puisque le recours à cet acte intervient le plus souvent dans « une situation de détresse ». Bien souvent, l’avortement résulte d’un manque de protection de la maternité face aux multiples pressions et contraintes auxquelles sont confrontées les femmes enceintes. Pour protéger les femmes et leur maternité, les Etats membres de l’Organisation internationale du travail ont adopté en 2000 la Convention sur la protection de la maternité qui prenait «  acte de la nécessité d’assurer la protection de la grossesse, en tant que responsabilité partagée des pouvoirs publics et de la société ».

L’avortement heurte aussi la vie d’un être humain en formation. Ainsi que le reconnaissent un certain nombre de textes internationaux, la protection commence dès avant la naissance. Dans ce sens, la déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959 reconnaît dans son préambule que « l’enfant en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance ».

Le droit français reconnaît également une valeur à la vie prénatale via l’article 16 du Code civil qui dispose que « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

La Cour européenne des droits de l’homme ne s’oppose pas à considérer que l’enfant à naître comme une personne et d’en protéger sa vie ainsi qu’elle l’a jugé dans un arrêt A.B.C  contre Irlande du 16 décembre 2010. La Cour a confirmé une position déjà prise où elle affirmait que « c’est la potentialité de cet être et sa capacité à devenir une personne qui doivent être protégées au nom de la dignité humaine ». Enfin, alors que certains affirment que le droit à l’avortement est un « droit inaliénable », la CEDH rappelle dans un arrêt Silva Monteiro Martins Ribeiro contre Portugal du 26 octobre 2014, que la « Convention ne garantit pas un droit à subir un avortement ». Plus protectrice sur ce point que le droit positif français, la Cour européenne des droits de l’homme souligne, outre les intérêts de l’enfant, l’intérêt légitime de la société à limiter le nombre d’avortements, à protéger la morale et à lutter contre l’eugénisme.

Selon le professeur Israël Nisand « la génétique d’aujourd’hui est juste et le but des couples est simplement d’avoir un enfant en bonne santé. Les deux programmes [le nazi et le nôtre] sont eugéniques, mais placés aux deux extrémités du spectre. Oui, nous choisissons les enfants à naître dans notre pays, même si cela ne vous plaît pas ».

La Cour reconnait également l’obligation pour l’Etat d’informer les femmes sur les risques liés à l’avortement. Or, cette information est parfois difficile notamment en France avec le délit d’entrave crée par la loi Neiertz de 1993 et étendu depuis. Elle est cependant indispensable pour avertir les femmes quant aux risques encourues par l’avortement tel que des risques de naissances prématurées poste IVG, un taux de mortalité maternelle plus élevé, dépressions, troubles d’anxiété, envies suicidaires etc…

La société a aussi un intérêt direct à la limitation, et donc à la prévention de l’avortement en ce que l’avortement peut menacer son équilibre, notamment démographique. En effet, le taux de fécondité a chuté de 45% des années 60 à nos jours, pour atteindre 1,58 enfant par femme en 2012. Le taux de croissance de la population européenne est l’un des plus faibles du monde. Simultanément, l’UE reçoit un important afflux de la population immigrée extra-européenne. Au total, la population née à l’étranger représentait 9,4% de la population totale de l’UE. Enfin, la population européenne vieillit, en particulier la population autochtone, ce qui pourrait conduire à un déclassement de l’Europe et de son importance dans le monde, notamment par la baisse relative de sa population en âge de travailler.

Une obligation positive de prévenir le recours à l’avortement pèse sur l’Etat. Lors de la Conférence du Caire en 1994, les gouvernements ont pris l’engagement de « prendre des mesures appropriées pour aider les femmes à éviter l’avortement, qui ne devrait en aucun cas être encouragé comme une méthode de planification familiale ». En 1995 lors de la Conférence de Pékin les Etats ont réitéré leurs engagements en affirmant que «  tout devrait être fait pour éliminer la nécessité de recourir à l’avortement ».

Cette obligation positive implique la mise en œuvre du devoir de prévention et du droit de ne pas avorter. L’affirmation du droit de ne pas avorter permet d’échapper à une conception abstraite de l’avortement considéré comme une liberté. Plus encore, l’intérêt de garantir le droit de ne pas avorter implique une obligation positive de la part de l’Etat d’adopter des politiques de prévention concrètes.

Ces politiques de prévention doivent passer en premier lieu par une information complète à ce sujet. Or, l’intégrité des informations peut être attaquée à travers le délit d’entrave crée par la loi Neiertz de 1993. Ainsi, toute information susceptible d’être reçue par une femme enceinte ou son entourage et pouvant être interprétée comme susceptible de chercher à dissuader d’avorter pourrait être constitutive d’un délit. L’avortement est un sujet certes sensible, mais il ne devrait pas être interdit d’en débattre !

Cette prévention passe également par le droit de ne pas avorter et par la restauration d’un délit d’incitation à l’avortement, légitime corolaire du délit d’entrave.

En outre, la prévention doit se traduire par une lutte contre l’irresponsabilité du père qui constitue l’une des principales causes de l’avortement. La responsabilité ne devrait pas être limitée à l’usage de contraceptifs et à la promotion de l’hygiène, mais porter sur la responsabilité face à la sexualité et à la paternité. L’irresponsabilité des hommes est paradoxalement encouragée par le fait qu’ils ne sont pas impliqués dans la procédure d’avortement et en sont même exclus. Comment exiger du père une plus grande responsabilité face à la grossesse tout en l’excluant de la décision d’avortement ? En réponse à cela, il devrait être instauré un principe d’information et de consentement du père.

La contraception hormonale est généralement présentée comme le meilleur moyen d’éviter les grossesses non désirées. Or, il est intéressant de noter qu’une corrélation peut être faite entre la prise de produits contraceptifs et le recours à l’avortement. En effet, si la contraception réduit considérablement la fertilité, elle ne garantit pas contre les grossesses puisque 72% des femmes qui avortent en France sont sous contraception. La contraception est par nature déresponsabilisante puisqu’elle vise à éviter de devoir assumer les conséquences de ses actes. L’avortement apparaît alors comme le complément de la contraception.

Si l’éducation sexuelle donnée aux jeunes est très en vogue elle soulève cependant le paradoxe de lutter contre les conséquences sans s’attaquer aux causes. L’éducation sexuelle actuellement délivrée, incite à l’expérience et augmente donc le nombre de rapport sexuels juvéniles. Alors que ces cours sont obligatoires depuis 2001, la proportion de jeunes ayant recours à l’avortement n’a cessé d’augmenté entre 1990 et 2011 : 6,8 à 8,5% (pour les jeunes de 18 à 19 ans) et de 23,2 à 25,6% (pour les jeunes de 20 à 24 ans). L’éducation affective et sexuelle devrait enseigner que la responsabilité n’est pas de mettre un préservatif ou prendre une contraception, mais de savoir qu’une relation sexuelle engage toute la personne et est potentiellement porteuse de vie. L’objectif n’est pas de brimer les personnes mais de les faire échapper à une vision matérialiste de la sexualité.

Cette éducation renouvelée de la sexualité passe inéluctablement par une connaissance approfondie du cycle féminin et par une pleine connaissance du développement de l’enfant. Or, bien souvent, pour ne pas culpabiliser les femmes, on les déresponsabilise. Expliquer les choses telles qu’elles sont permet de prendre des décisions responsables et plus humaine.

NB : Cette note est objective, elle se fonde sur un rapport d’European Center For Law & Justice : pour une politique de prévention de l’avortement.

 

 

[i] Propos du rapporteur de la résolution 1607 (2008), Accès à un avortement sans risque et légal en Europe

aloysia biessy