Six pour cent des Français projettent de participer à la primaire de la droite et du centre. Ces « primaristes » sont souvent plus âgés et plus aisés que les électeurs des présidentiels. Il se trouve que cette tranche de la société vote à hauteur de 32% aux primaires, mais seulement de 10% aux présidentielles… Système biaisé au détriment des plus jeunes. Le principe de la primaire a donc changé l’esprit de la Ve République : on passe d’un scrutin à deux à quatre tours. Le corps électoral est filtré, les partis politiques ont un rôle clé ; les comportements électoraux et leur analyse sont modifiés.

  • Un corps électoral déformé par rapport aux votants du premier tour de la présidentielle

Les électeurs à la primaire se déplacent pour choisir un candidat, et non pour remplir un devoir. 56% des potentiels électeurs des primaires de la droite et du centre ont voté, lors des élections régionales, à droite ou au centre, 19% ont voté FN, et 10% ont voté socialiste.

D’après une étude de l’Enquête électorale française, on constate que de manière générale que les « primaristes » représentent les classes les plus instruites, les plus aisées financièrement, les plus âgées. Les caractéristiques sociologiques influent donc beaucoup sur la propension des électeurs à voter aux primaires puis aux présidentielles. Dans cette primaire, les votants se situent majoritairement au centre et à droite. Traditionnellement, cet électorat est plus âgé et financièrement plus aisé.

Les « primaristes » se caractérisent aussi par une forte habitude à aller voter (de manière générale) : 68% déclarent voter à toutes les élections contre 52% pour les « présidentialistes ».

 

  • Les primaristes LR-UDI-MoDem sont eux-mêmes très différents des non-participants de la même tendance

Les « primaristes » du centre et de la droite sont globalement plus âgés et sont plus animés par un sentiment religieux que les non-votants de la même sensibilité. Une large majorité est en effet constituée de retraités (58% contre 39% chez les non-participants), beaucoup disposent d’un patrimoine élevé (45% contre 33%), et 50% éprouvent un sentiment religieux (contre 38%). Les participants sont également bien plus assidus aux élections en général (71% contre 44%).

La surreprésentation des personnes âgées aux primaires est une tendance lourde qui accentue le fossé entre les générations en favorisant les  « baby-boomers » ; leur poids aux primaires est multiplié par trois, et cela est vrai à gauche comme à droite.

  • Situation des « primaristes » de la gauche et du Front national  

Concernant les électeurs qui ont voté pour une liste de gauche au 1er tour des régionales et qui ont l’intention de participer à la primaire de la droite et du centre, il n’y a pas vraiment de différences sociologiques entre les « primaristes » et les « non-primaristes » (âge, profession). En revanche, le constant attachement de ces «primaristes » à la gauche est frappant puisque environ 80% d’entre eux ont voté pour la gauche au 1er et au 2e tour de la présidentielle. Ces électeurs se situent moins à gauche que leurs homologues « non primaristes ». Leur participation à la primaire de la droite et du centre ne semple procéder d’une volonté de peser sur le choix du candidat vainqueur, et non d’une volonté de changement d’orientation politique.

Le profil sociologique des électeurs qui avaient voté Front National ressemble à celui des « primaristes » de la droite classique, avec une surreprésentation de la classe la plus âgée. L’électorat FN reste très flottant entre droite et extrême droite, et une très large partie provient de la droite classique.

 

  • Des attitudes idéologiques plus radicales parmi les « primaristes » LR-UDI-MoDem que parmi les non-participants de la même tendance

Les « primaristes » centre-droit qui représentent 1,5 million de participants potentiels ont des attitudes plus radicales que leurs homologues non-participants. C’est particulièrement le cas sur les questions politiques, économiques et identitaires. Les « primaristes » considèrent plus que l’Islam est un problème pour l’Occident, qu’il y a trop d’immigrés, et partagent la vision gaullienne d’un Etat fort au-dessus du jeu des partis, bien que les thèses de libéralisme économique soient très appréciées de ces mêmes personnes.

En conclusion, si la primaire peut constituer un véritable outil démocratique, en permettant aux électeurs de choisir eux-mêmes leurs candidats, elle peut aussi devenir un véritable outil censitaire où les plus âgés et aisés exercent un filtre du corps électoral, durcissant le programme de ces derniers qui s’éloigne alors des positions du reste des électeurs pourtant majoritaires.

  • Notre analyse

Si le document explique clairement un état de fait et les conséquences problématiques qui en découlent, il n’insiste absolument pas sur ses causes ; critiquant de façon virulente le principe de la primaire sans s’attaquer à la cause de la sous-représentation des populations jeunes et précaires lors de telles élections

Source : enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po, « Le corps électoral déformé par la primaire de la droite », février 2016.

 

aloysia biessy