La culture est devenue un poids, un poids pénible dont il faudrait autant que possible débarrasser les générations à venir, afin qu’elles puissent enfin s’épanouir, être libre, créatives, spontanées. François-Xavier Bellamy pointe du doigt cette « représentation commune (…) qui oppose l’autorité d’une culture reçue à la capacité d’accomplir la nouveauté que l’on porte en soi » et qui est le socle de la « crise actuelle de l’école ». Ce que le philosophe dénonce n’est pas tant « le vrai désir de liberté » ou « la vraie générosité » que son fondement même.

A l’issue de son année à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres, l’auteur avoue avoir été choqué par le discours de bienvenue de son inspecteur général, qui recommandait aux futurs professeurs de ne surtout pas transmettre de connaissances. La recommandation peut sembler curieuse, puisqu’il est légitime de penser qu’un enseignant est précisément à cette place pour instruire ses élèves. Lorsque des connaissances sont transmises, souligne M. Bellamy, cela implique que le professeur dispose d’un socle de connaissances ignoré de l’élève. Une ignorance que d’aucuns prennent pour une attitude méprisante «  [un enfermement] dans une attitude passive, [les empêchant] de construire par eux-mêmes leur propre savoir, [leur interdisant] d’être les auteurs de leur propre vie »… Appréhension de la connaissance par trop relative, que dénonce un philosophe qui préfère à ce type de pédagogie une transmission du savoir portée par l’instruction.

Cette déconstruction de la pédagogie classique d’enseignement trouve son origine dans les écrits de Rousseau. Dans son traité sur l’éducation « Emile ou De l’éducation », l’idéologie didactique du penseur du XVIIIème siècle peut se résumer de la sorte: « j’apprends à l’élève bien plus à ignorer les connaissances qu’à les savoir ». Rousseau stipule ainsi que dès lors que l’élève sait où trouver le savoir dont il aura besoin, il doit s’évertuer à apprendre seul une connaissance qui n’aura de sens considérée pour son utilité. Un travers qui prend le pas sur la nature même de la culture, qui par essence est surabondance de connaissance. Il est en effet rare de qualifier d’érudit quiconque se bornerait à un panel de connaissances fondées sur l’information utile. En arrière-plan, l’idée initiale portée par Rousseau serait que l’Homme, bon par nature, se voit corrompu par un mal issu d’une culture à même de rendre l’Homme « artificiel et artificieux, [le privant] de sa spontanéité originelle».

Le drame dénoncé par M. Bellamy s’incarne dans le complexe du professeur, du connaisseur sur l’ignorant. Cette gêne de l’enseignant peut sembler légitime puisque à l’heure du « tout numérique », les élèves ont accès à une infini d’informations en un clic sur leurs téléphones.

Ne pas rompre avec le passé pour mieux appréhender l’avenir

Ainsi que le souligne Hannah Arendt, François Bellamy soutient que « l’éducation doit être conservatrice », car «  la conservation (…) est l’essence même de l’éducation ». Dans cette même ligne de pensée, M. Bellamy rappelle que « l’éducation doit mettre les enfants sur le chemin du passé – afin précisément, qu’ils soient capables de la prolonger de leurs propres avancées ». Cette vision n’induit pas une forme de conservatisme par principe mais constitue un gage de création novatrice. En effet, comment peut-on prétendre qu’une chose est nouvelle si l’on ne sait pas ce qui a été fait précédemment ? L’innovation ne doit pas servir de voile à l’ignorance.

Le philosophe enjoint donc ses lecteurs à rompre avec une culture de « l’immédiateté » et d’accepter qu’être soi-même prend du temps, nécessite de s’instruire et de se faire instruire pour former des esprits véritablement innovants.

En outre, il rappelle le rôle fondamental des parents dans l’éducation de leurs enfants. Les parents doivent être audacieux pour leurs enfants. Il est de leur devoir de les pousser vers la culture car « plus on connaît, plus on désire apprendre » alors que « plus on est ignorant moins on est curieux ». S’ils sont démissionnaires, les enfants en pâtiront. Car à l’heure où l’idéologie est à l’œuvre dans les pages des manuels, il apparaît comme un mythe de croire que l’école se charge de les instruire.

L’éducation nationale court à la ruine de nos établissements scolaires car, en suivant les préceptes de Rousseau, « jamais l’école n’a été plus inégalitaire, parce que, pour soi-disant la rendre plus égalitaire, on a renoncé à y transmettre la culture, désormais réservée à ceux qui la reçoivent de leur famille ou d’une école sur laquelle elle exerce une vigilance attentive », indique François-Xavier Bellamy.

Conclusion

Préparer les jeunes générations aux métiers de demain à travers une pédagogie émancipée de la culture semble donc dangereux. Pour préparer l’avenir il faut connaître son passé et « l’éducation est un chemin tendu ente le passé et l’avenir ».

 

Nb. Cette note propose une synthèse sur le ton de la neutralité d’un des Carnets des Dialogues du Matin de l’Institut Diderot, « L’avenir de l’enseignement » par François-Xavier Bellamy

 

 

 

 

aloysia biessy