Alors que plus d’un quart des professeurs des collèges publics ont répondu à l’appel de l’intersyndicale et que le principal syndicat du secondaire estime la participation à la grève à plus de 50 %, le ministre de l’Education nationale assure que sa réforme passera coûte que coûte. Même son de cloche de la part du Premier ministre Manuel Valls, qui soutient son ministre à l’épreuve de la contestation. « Cette réforme va être mise en œuvre comme c’était prévu, et le décret sera publié le plus rapidement possible. », assure-t-il. Pourtant, voilà deux mois que les critiques fusent de toute part. Ce mardi, un cap a été franchi avec des défilés prévus dans une cinquantaine de villes. Se retrouvent côte à côte le Snes-FSU, le Snep-FSU, le Snalc, FO, la CGT et SUD. Ces organisations ont recueilli au total 80 % des voix des enseignants du collège qui ont voté lors des dernières élections professionnelles.

Najat Vallaud-Belkacem, de par son statut d’icône de la diversité, se croyait intouchable. Pourtant les critiques venant de la part des « pseudo-intellectuels », comme elle les appelle, sont issus aussi bien de la gauche que de la droite. Ce qui ne l’a pas empêché de dénoncer la « malhonnêteté intellectuelle » de ces derniers.

 

Des critiques fondées :

Pascal Bruckner : « Les nouveaux programmes d’histoire ou l’effacement de la France. »

Patrice Guenniffey : « Les valeurs compassionnelles et sociétales ont pris le dessus sur l’histoire événementielle. C’est l’enseignement pour les bisounours. »

Régis Debray : « La civilisation, ce n’est pas le Nutella, c’est l’effort. »

Luc Ferry : « Nous vivons la queue de comète de la rénovation “pédagogo” des années 1970… Ce programme suinte la haine de l’Europe et des grandes œuvres, la culpabilité, la tyrannie et la pénitence. »

Thomas Mahler : « Les néopuritains de la rue de Grenelle cèdent à une vision culpabilisante de notre patrimoine. »

Michel Onfray : « Avec les nouveaux programmes d’histoire, islam obligatoire, Lumières facultatives, Michel Houellebecq sourit dans son coin. »

Pierre Nora : les programmes « portent à l’évidence la marque de l’époque : une forme de culpabilité nationale qui fait la part belle à l’islam, aux traites négrières et à l’esclavage », et « présentent le développement de l’Occident à travers le prisme du colonialisme ».

Dimitri Casali : « Les nouveaux programmes évacuent, sous forme d’options facultatives, à la fois les racines chrétiennes, les guerres de religion, l’humanisme et l’esprit des Lumières.»

 

Le nivellement par le bas de cette réforme :

Sous prétexte que l’apprentissage des langues anciennes (grec et latin) est élitiste, un aménagement est proposé. Il ne convainc pas les professeurs concernés. Ils dénoncent un enseignement aux contours bien flous, sans financement ni grille horaire spécifique, qui dépendra du bon vouloir des établissements. Au final, c’est bien la disparition du latin et de grec en tant que disciplines à part entière qui se profile.

Pareil pour l’enseignement de l’allemand, considéré lui aussi comme élitiste. Les élèves choisissent cette langue parce qu’elle bénéficie d’un cadre spécifique, les classes bilangues. Or l’extension des classes bilangues à toutes les LV2 dès la 5e accélérerait la perte de vitesse de cet enseignement linguistique, selon les professeurs concernés.

Ce qui fait dire à Jean-Pierre Chevènement : « Tout le monde est pour l’égalité. Mais il faut savoir si derrière un certain égalitarisme niveleur ne se cache pas un autre dessein, qui est d’empêcher en quelque sorte les bons de progresser sous prétexte de ne pas stigmatiser les moins bons. »

 

Gros plan sur l’histoire revisitée par les pédagogistes :

Les programmes d’histoire élaborés par le « Conseil supérieur des programmes » sont pour le moins tendancieux et source de confusion pour l’élève. D’un côté l’élève est invité, non à comprendre les enchaînements des effets et des causes, mais à s’indigner devant l’horreur des guerres, des génocides, des crimes contre l’humanité. D’un autre côté, il est incité, dès le CM1, à saisir « la pluralité des héritages historiques », et pour cela à « confronter les traces de l’histoire » et « manipuler et réinvestir les repères historiques dans différents contextes ». Bref, primat de l’émotion et hypercriticisme, pourtant antinomiques. En fait, l’élève est manipulé, invité à deviner que tout est incertain, mouvant, migrant, et que l’identité et la quête de soi sont les ennemies du vivre ensemble. En 6e, « la longue histoire de l’humanité et des migrations » prendra le relais des « vagues migratoires du Ve au Xe siècles » étudiées en CM1.

 

Etude comparée de la place du christianisme et de l’islam

En 6e, coincés entre « la romanisation » et « l’ancienne route de la soie et de la Chine des Han », apparaissent « les débuts du christianisme ». En revanche, en 5e, « l’islam : débuts, expansion, sociétés et cultures » apparaît comme module obligatoire, alors que sont modules facultatifs en 5e « une société rurale encadrée par l’Eglise » et en 4e, « sociétés et cultures au temps des Lumières ». On peut s’étonner que le gouvernement place ainsi dans l’ombre les Lumières qui ont engendrée le modèle républicain. Il est vrai que les philosophes des Lumières ne sont pas tendres avec l’islam, et il ne faudrait pas froisser les nouvelles générations issues de l’immigration. Exit donc Voltaire et son « imam pieux et compatissant » qui conseille dans Candide « de couper une seule fesse de ses prisonnières pour se garder une réserve de chair fraîche ». Dehors Beaumarchais fustigeant dans Le Mariage de Figaro ces « princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l’omoplate en nous disant ‘chiens de chrétiens !’ »

Quant au christianisme, loué dans ses origines, est honni dans son inscription sociale, réduit à une Eglise encadrant des paysans ; un « fait religieux » réducteur et mensonger, qui exclut l’appartenance et la notion même de racines chrétiennes de l’Europe.

 

Avant l’Union européenne, point d’Europe

Quant à l’Europe, elle est perçue, dans les nouveaux programmes d’histoire, sous une double face, tour à tour lumineuse et sombre. Généralement oublieux des grandes figures de l’histoire de France, les concepteurs abordent cependant, en CM1, Charlemagne, parce qu’il est « l’occasion d’observer les dynamiques territoriales d’un Empire qui relèvent plus d’une logique européenne que française ». Et puis, en CM2, apparaissent, avec le centenaire de la République célébré en 1892 (les concepteurs des programmes raffolent des commémorations et des « symboles républicains ») les libertés qui semblent n’avoir jamais existé avant la République puisqu’elles « sont le fruit d’une conquête et d’une évolution de la démocratie ». Enfin, l’élève de CM2 découvrira le miracle de l’Union européenne, fruit de la paix de « pays européens autrefois en guerre les uns contre les autres », et « aujourd’hui rassemblés ».

Incités en CM1 à « construire » et à « confronter », les élèves sont invités en CM2 à célébrer dans une unanimité sans faille la République et l’Europe. A cette vision idyllique s’oppose la face sombre de l’Europe, celle des « empires coloniaux, échanges commerciaux et traites négrières » – module obligatoire en 4e – celle de la France de Vichy, et l’on abordera en CM2 « la question du génocide des juifs dans le cadre de la France ».

Sur la couverture du Cours moyen du petit Lavisse, on pouvait lire : « Enfant, tu vois sur la couverture de ce livre les fleurs et les fruits de la France. Tu dois aimer la France parce que la nature l’a faite belle, et parce que son histoire l’a faite grande. » Aujourd’hui, on dirait que tout est fait pour rendre l’élève honteux de son pays. Pour les tenants d’une certaine gauche, aimer son pays, c’est être réactionnaire. Décidément, la défense de notre culture et de l’identité française ne fait vraiment pas partie de l’ADN socialiste, à l’image du premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis qui a déclaré dans une émission de radio de Frédéric Haziza « Je ne sais pas ce qu’est l’identité française. Je connais l’identité de la République ». Ce à quoi Marion Maréchal Le Pen lui a rétorqué sur les réseaux sociaux : « Allez donc visiter le Mont-Saint-Michel ou le château de Versailles, cela vous donnera un début d’idée ».

Rédacteur Web