Louis Jugnet (1913-1973) a été professeur de Khâgne au Lycée Pierre de Fermat et à l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse.  Problèmes et grands courants de la philosophieest son testament intellectuel, publié un an après sa mort dans sa première édition. Cette nouvelle édition, publiée en novembre 2013, aux éditions de Chiré, fut entièrement recomposée et augmentée d’un index des noms cités.

Dans une époque si idéologique, si sujette aux modes intellectuelles, si éphémère, ce livre est une boussole, dont l’aiguille indique toujours la vérité. C’est le critère à partir duquel faire de la philosophie et c’est à l’aune de cette même vérité que l’on peut juger une philosophie. Contre les affirmations de l’intelligentsia moderniste, pour qui le réel n’est pas accessible, la nature est une prison, la vérité évolue et l’homme peut se construire entièrement par la seule force de la volonté, ce livre est un bouclier. Comme l’écrivait Marcel De Corte, auteur de la préface à la première édition, ses pages « donneront [aux jeunes] la vigueur intellectuelle nécessaire pour résister à l’attrait des miroirs aux alouettes que font briller les manipulateurs de l’opinion publique avant de se transformer en grands inquisiteurs sous les yeux de leurs victimes désarmées et consentantes. On respire en elles la présence d’une vertu cardinale : la force. »

Ce livre est la réponse à une urgence, celle de la philosophie, alors que les contemporains, à qui on a promis qu’ils n’auraient plus jamais de maîtres, passent de professeurs sectaires en gourous gauchistes. Après avoir étudié au peigne fin les rapports de la philosophie avec les grandes choses de la vie, celles qui parlent au cœur et à la raison de l’homme : la science, l’art, la politique, etc., le philosophe tire une règle : la vérité doit être la boussole, la règle, la motivation de chaque philosophe.

Méthodiquement, sans distinguer l’histoire de la philosophie de la philosophie elle-même, il reprend alors tous les grands courants de la philosophie, les analysant et, le cas échéant, les déminant. Les Grecs ont bien sûr le droit à un chapitre, comme les Médiévaux, mais l’attention de Louis Jugnet se porte surtout sur les philosophes postérieurs à Descartes (inclus). S’attachant à étudier la naissance du rationalisme moderne et de l’idéologie du progrès, sa lecture de Descartes l’emmène à celle d’Hegel et des hégélianismes. Ce n’est que le début de la descente en enfer : suivent dans cet ordre Kierkegaard ; Nietszche ; Bergson ; Freud et la psychanalyse ; Husserl, Scheler, Heidegger et la phénoménologie ; Sartre et l’existentialisme athée ; Camus ; le marxisme ; Teillard de Chardin ; et enfin, le structuralisme.

Certes, il ne peut être imputé à tous ces auteurs une responsabilité équivalente dans la destruction de l’épistémologie traditionnelle, ou la divinisation de la raison et de la volonté humaines ; et c’est l’objet du livre du professeur de Khâgne que de reconnaître les mérites et de démasquer les erreurs. Par exemple, il faut saluer en Kierkegaard le détracteur du rationalisme idéaliste hégélien, tout en critiquant les conséquences néfastes de son existentialisme et son refus violent de tout système philosophique.

En résumé, tout philosophe est obligé de reconnaître qu’une véritable cassure s’est produite avec l’apparition de la pensée moderne, au tournant des XVIe et XVIIe siècles. Cette pensée moderne est, selon l’auteur, tiraillée entre deux tendances contraires : d’une part, un scientisme techniciste et technocratique, celui des sociétés dites de consommation, auquel fait curieusement pendant l’optimiste affiché du marxisme-léninisme officiel (tous deux tendent, du reste, de plus en plus à « cousiner ») ; d’autre part, la tentation de l’absurde et du désespoir (existentialisme absurdiste, littérature de IONESCO, S. BECKETT et mille autres) : il n’est que de lire l’analyse des œuvres qui paraissent, dans n’importe quelle gazette littéraire. Mais ces deux courants ont en commun un certain nombre de présupposés de base : l’idée qu’il n’y a pas de vérité objective et stable (subjectivisme fondamental) et la négation – le rejet ! – de l’idée de Dieu. Il y a, du reste, encore pire : un mélange de subjectivisme, d’athéisme et de pseudo-religiosité (modernisme et néo-modernisme chrétien), très répandu (même dans le monde ecclésiastique des années 70, selon l’auteur).

Face à l’hybris moderniste, condamné par les Anciens comme par les Chrétiens, l’auteur conclue : « Que penser de cet esprit dit « prométhéen » ? Philosophiquement, il nous paraît une sottise, et, dans une perspective biblique, il est voué, non seulement à l’échec, mais à la pure catastrophe. » Voilà qui est clair : de cet exposé, l’homme tirera toutes les armes dont il a besoin pour son combat ; et mieux, toutes celles dont il a besoin pour vivre selon la vérité.

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