Faute de pouvoir redresser l’économie française et de gouverner intelligemment le pays, le Parti socialiste en est réduit à légiférer dans le domaine social : mariage homosexuel, réforme pénale, remboursement à 100 % de l’avortement, réduction des allocations familiales, promotion de l’idéologie du genre… Voilà en bref le bilan de la politique intérieure du parti actuellement au pouvoir, sans oublier le matraquage fiscal subi par les classes moyennes. La défense et la promotion de l’avortement y a naturellement toute sa place et apparaît être l’une des priorités du gouvernement et de sa majorité depuis quelques mois. Le gouvernement espagnol n’a-t-il pas en effet cherché à scandaleusement durcir sa législation en la matière ? Il était donc urgent que la France montrât qu’elle était bien décidée à ne tolérer aucune velléité similaire. C’est pourquoi une proposition de résolution a été déposée à l’Assemblée nationale le 14 novembre dernier. Celle-ci sera examinée le 26 novembre prochain, soit quarante ans, jour pour jour, après l’ouverture des débats de la loi Veil, loi qui avait un esprit totalement différent comme nous allons le constater. Il s’agit de la proposition n°2360 de la XIVeLégislature « visant à réaffirmer le droit fondamental à l’Interruption Volontaire de Grossesse en France et en Europe. » 

Une unanimité parlementaire qui ne doit pas masquer les problèmes soulevés par cette résolution 

La proposition de résolution, présentée par le député Catherine Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes, a été signée par l’ensemble des six présidents de groupe de l’Assemblée nationale de l’UMP au Parti socialiste en passant par les écologistes et les centristes : ainsi parmi les 13 signataires figurent Christian Jacob (chef du groupe UMP), Bruno Le Roux (chef du groupe PS), François de Rugy (chef du groupe EELV), Philippe Vigier (chef du groupe UDI), André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine) et enfin Roger-Gérard Schwartzenberg (chef du groupe Radical)… En revanche, on pourra noter qu’aucun des députés non-inscrits n’a apposé sa signature à cette proposition. Mais leur poids est trop insignifiant pour que cela ait une réelle incidence. Une chose semble donc bien acquise : la politique en faveur de toujours plus d’avortement fait la quasi-unanimité au sein de l’Assemblée nationale.

Pourtant, cette ferveur  à ériger l’avortement, qui est tout sauf un acte anodin, en un droit absolu de la femme contre lequel il serait criminel de s’opposer (serait-ce avec quelques paires de chaussons !) mérite d’être discutée et critiquée. En effet, depuis sa dépénalisation jusqu’à son remboursement total, l’avortement est passé du statut d’exception à celui de règle commune, d’acte toléré à une norme collective presque sacralisée. En quelques années, l’avortement est devenu un sujet tabou qui ne tolère aucune remise en cause même partielle, un progrès qui ne peut être débattu sereinement, un dogme dont la simple contestation entraîne sur son auteur une série d’insultes de la part des militants les plus acharnés : « obscurantiste », « extrémiste », « fondamentaliste », « intolérant », tels sont les termes les plus fréquemment utilisés quand ce n’est pas « nazi » ou « fasciste »… C’est là un bel exemple des effets néfastes du terrorisme intellectuel si bien pratiqué depuis des dizaines d’années par les penseurs et hommes politiques de gauche pour culpabiliser, ringardiser et finalement disqualifier leurs adversaires sans prendre la peine de répondre par des arguments rationnels. La droite serait-elle ainsi condamnée à laisser le champ des valeurs sociétales à une gauche sûre d’elle-même, sûre de détenir la vérité, sûre de représenter la morale ? Une gauche tellement certaine de son infaillibilité en matière de mœurs et de sexualité qu’elle ne souffre aucune critique ni aucun retour en arrière sur ce qu’elle a désigné comme étant un progrès humaniste et un droit individuel absolu…

Cet état de fait est-il acceptable dans une démocratie attachée à la liberté d’expression ? Bien évidemment non. La place de l’avortement dans notre société est une question qui doit pouvoir être abordée. Les récentes mesures et propositions dans ce domaine devraient inciter l’opposition parlementaire à mener une réflexion de fond sur la banalisation d’un acte aussi grave et tragique comme l’a démontré en 2011 l’amputation des quatre membres d’une femme de 36 ans ayant contracté une septicémie suite à un avortement chirurgical au CHU de Bordeaux[1].

De la loi Veil au « droit fondamental » : histoire d’une banalisation de l’avortement

Une preuve du drame que représente l’avortement tient en un paradoxe à savoir que la très grande majorité des femmes se prononcent en faveur à un « droit à l’IVG » mais que la plupart d’entre elles ne voudraient pas y avoir recours consciente qu’il s’agit d’un acte qui laissent des traces, notamment psychiques et psychologiques. Mais en voulant à tout prix faire de l’avortement un droit fondamental des femmes à disposer de leur corps, la proposition de résolution tend à effacer le caractère tragique, exceptionnel et traumatisant de l’avortement…

Lors des débats qui ont précédé le vote de la loi Veil, Simone Veil n’a jamais prétendu qu’il existait pour les femmes un droit à l’avortement contrairement  à ce qu’affirme la proposition de résolution déposée à l’Assemblée au premier paragraphe de son exposé des motifs. La loi du 17 janvier n’a pas abouti à la reconnaissance de l’IVG dans le droit français mais uniquement à une dépénalisation partielle de celui-ci. L’esprit de la loi était alors résumé par ces mots de Simone Veil : « L’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issues. (…) Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame. C’est pourquoi si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler, et si possible en dissuader la femme. »[2] Par ailleurs, elle précisait que cette loi « ne crée aucun droit à l’avortement ». C’est pourquoi l’article 1 de la loi posait en principe « le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. » Ainsi selon, la ministre de la Santé de Jacques Chirac, l’avortement était lié à la notion de détresse, notion récemment supprimée par la majorité socialiste. La proposition de résolution nie la tension existante entre le respect et la protection de l’être humain dès la conception de la vie garantis par l’article 16 du code civil[3] et le souci de la santé de la mère tel qu’il est manifesté dans l’article L.2211-2 du code de la santé. Il n’existe donc pas un droit, et a fortiori un droit fondamental, à l’avortement mais uniquement une exception au principe énoncé à l’article 16 du code civil. Lorsqu’on relit le texte de la loi Veil, on est frappé par les conditions encadrant l’IVG (8 jours obligatoires de réflexion, entretien préalable avec des organismes sociaux compétents, notion de détresse,…) et par la volonté du législateur de présenter des solutions alternatives pour empêcher le recours à l’IVG (obligation faite au médecin d’informer la femme qui veut avorter de l’informer sur les risques médicaux qu’elle encourt et l’obligation de lui remettre un dossier qui énumère les droits, aides et avantages garantis par la loi en faveur des familles.  

Depuis la loi Veil, l’équilibre précaire qu’elle instaurait, a été constamment remis en cause par les revendications de féministes et de militants radicaux. La suppression de la notion de détresse, les réformes successives de la loi Veil visant à toujours plus rembourser les avortements, l’allongement du délai pour lequel l’IVG est autorisé, la suppression de l’obligation de l’autorisation parentale pour les mineures, etc. tout cela a changé le regard porté sur l’avortement, à le banaliser, à le sacraliser au détriment de l’enfant à naître qui voit ses droits à la vie nier.

Une proposition de résolution aux multiples impacts

Comme l’a noté dans une récente interview Jean-Marie Le Méné, Président de la Fondation Lejeune, cette résolution soulève de nombreuses difficultés qu’il importe de bien saisir pour comprendre l’idéologie qui la sous-tend. La première conséquence de la résolution est juridique car elle instaure un conflit de normes. En voulant réaffirmer « l’importance du droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse pour toutes les femmes en France, en Europe et dans le monde » et rappeler que « le droit universel des femmes à disposer librement de leurs corps est une condition indispensable pour la construction de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et d’une société de progrès », les auteurs de la proposition de résolution crée un non-sens juridique, une incohérence dans le droit français puisque cela contredit le principe même de la protection de l’être humain dès le commencement de sa vie. À ce sujet, il est intéressant de noter que ni en droit international, ni en droit européen, il n’existe un quelconque « droit à l’avortement » qui aurait comme effet d’obliger les États à légaliser l’avortement. En revanche, il existe un droit à la vie et à la santé et un droit des femmes enceintes et des familles à être soutenues par la société. Le « droit à disposer de son corps » est lui aussi une aberration juridique qu’il faut dénoncer. En effet, outre qu’il n’existe là encore aucun texte de loi national ou international où serait inscrit un tel principe, la question est de savoir jusqu’où ce principe sera impliqué.

Le deuxième impact mis en avant par Jean-Marie Méné est d’ordre psychologique. Selon lui « la décision d’interrompre une grossesse fait partie des décisions les plus difficiles à prendre pour une mère. Cet acte laisse des séquelles, souvent profondes et traumatisantes. La souffrance des femmes qui vivent un avortement doit être accompagnée par les pouvoirs publics. Or en considérant l’IVG comme un droit fondamental, l’on nie aux femmes le droit de souffrir et d’exprimer publiquement cette souffrance. En faisant de l’IVG un droit fondamental, l’on balaye d’un revers de main les milliers de femmes qui réclament de l’aide pour poursuivre à terme leur grossesse, et celles qui souffrent du syndrome post-avortement. » Avec cette résolution donc, les alternatives à l’avortement seront de moins en moins soutenues par l’État et les organismes tels le Planning familial.

 Enfin le dernier impact soulevé par cette résolution est symbolique. Soutenue par l’ensemble des groupes parlementaire, elle « sera, d’après Jean-Marie Méné, un signal en direction de l’opinion publique et peut servir de levier à une nouvelle loi sur l’IVG. Alors que les citoyens sont aujourd’hui en attente de repères clairs en cohérence avec la réalité, le Parlement peut-il continuer à célébrer comme un droit l’atteinte à la vie humaine ? »

 

[1]CHU de Bordeaux: une femme amputée des quatre membres après une IVG, L’Express (24/10/2014).

[2] Discours du député Simone Veil à la Tribune de l’Assemblée nationale le 26 novembre 1974.

[3] « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. » (Article L.2211-1 CSP). Par ailleurs les articles 16-3 et 16-4 du code civil méritent également d’être ici cités : « Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. » (Art. 16-3) et « Nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine. Toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite. »

 

 

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