Être consommé, de William Cavanaugh, traduit par Daniel Hamiche, pour les éditions de l’Homme nouveau, est peut-être l’un des livres les plus importants de ces dernières années. Si bref soit-il, il est d’une grande richesse intellectuelle. Bardé d’exemples concrets, ce livre décrypte les notions clefs de l’économie moderne, mais il sort des cadres intellectuels avec lesquels nous la pensons habituellement, pour lui préférer la réalité.

Ici, les catégories intellectuelles ne sont plus ni libérales ni étatistes, mais chrétiennes. William Cavanaugh est théologien majeur du mouvement Radical orthodoxy. Il enseigne à l’université Saint-Paul dans le Minnesota. Et c’est pourquoi ce recueil d’articles se fonde sur les idées chrétiennes, telles la conception de l’eucharistie que se faisait saint Augustin ou le divertissement selon Pascal. Et ces idées chrétiennes sont toujours aussi puissantes et nouvelles, deux millénaires plus tard.

Armé tant de la puissance anthropologique chrétienne que des exemples que fournissent tous les jours l’économie moderne, William Cavanaugh se pose les seules vraies questions, et leur fournit des réponses dont l’homme sera le premier à profiter.

Comment donner du sens au travail ? Comment rendre à Li Chunmei, Chinoise de 19 ans, morte après avoir travaillé sans interruption 16 heures par jour pendant 60 jours d’affilée, à fabriquer des peluches pour les enfants des pays « développés », mais aussi aux parents des enfants à qui ces jouets sont destinés, leur humanité et la fraternité qui devrait les unir en place des dollars ? Comment donc nous rendre, riches du Nord et pauvres du Sud, à un même monde ?

L’économie moderne n’affecte pas seulement les relations interpersonnelles, elle perd chacun d’entre nous. L’homo oeconomicus en est réduit à se regarder consommer : William Cavanaugh veut aussi nous rendre à nous-mêmes. Il est temps d’entre à nouveau dans nos vies.

Cette issue que nous propose l’auteur américain se trouve dans des actions justes et concrètes : la création d’espaces économiques alternatifs où les pratiques sont pleinement libres, la mise en place d’un commerce équitable, de coopératives de producteurs-consommateurs, de micro-crédit solidaire, en somme, de « l’économie de communion ». Ces coopératives ne périclitent pas nécessairement en raison de l’impératif de solidarité : certaines sont extrêmement performantes, ce que l’auteur ne se prive pas de rappeler.

Plus avant, le théologien du mouvement Radical orthodoxy nous invite à la conversion personnelle. Acheter, vendre, consommer ne sont pas des actes moralement neutres, ils engagent notre âme et notre salut. Une juste appréciation de cet acte ne va pas sans la prise de conscience des conséquences sur autrui ou soi-même de chacune de nos consommations. L’Occident ne peut plus retarder son examen de conscience, qui devra déboucher sur une attitude radicalement différente. En fin de compte, la seule véritable consommation est encore celle de l’eucharistie, qui est une non-consommation, car elle consiste d’abord à être consommé en pleine communion. Et si la critique principale qui lui est adressée est d’abolir trop facilement l’ordre naturel au profit de l’ordre surnaturel, le théologien catholique annonce tout de même une bonne nouvelle : même l’économie peut ouvrir sur la Grâce !

France Renaissance

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