Dans un silence médiatique assourdissant comparé à la forte médiatisation des autres élections, la moitié du sénat a été renouvelée dimanche dernier (28 septembre), soit 179 sièges sur un total de 348. N’eût été l’élection de deux candidats FN, les élections sénatoriales seraient probablement passées totalement inaperçues. Tout au plus aurait-on mentionné le retour au Palais du Luxembourg d’une majorité de droite aux couleurs de l’UMP…

Le mode de scrutin – suffrage universel indirect – compte sans doute pour beaucoup dans ce désintérêt général, mais également le désagréable sentiment que la chambre haute n’a que peu d’utilité et que, par conséquent, elle pourrait se définir davantage comme une maison de retraite dorée pour hommes politiques n’ayant pas réussi à se recaser ailleurs, le tout, bien sûr, aux frais du généreux contribuable, que comme la Haute Assemblée du Parlement français, celle censée représenter les territoires de la République.

Déjà en son temps, le président de Gaulle avait proposé un référendum pour radicalement réformer le Sénat et le fusionner avec le Conseil économique et social en vue d’en faire un grand organe consultatif représentant les forces vives de la nation. Certes le Non l’emporta avec 52,41 % des voix, mais les Français étaient-ils vraiment attachés à cette institution ? Il est permis d’en douter : d’une part, le référendum du 27 mai 1969 comportait un autre volet portant sur le renforcement de la régionalisation, d’autre part le général de Gaulle avait annoncé qu’il démissionnerait en cas de défaite ce qui a transformé ce référendum en un vote pour ou contre le maintien de de Gaulle à la présidence de la République.

 

Une cuisante défaite pour la gauche

 

L’impopularité de François Hollande, du PS et des partis de gauche en général est aujourd’hui telle que le résultat des élections sénatoriales peut être interprété plus comme une cinglante défaite pour le parti au pouvoir que comme une victoire décisive de la droite. En définitive, cette dernière n’a fait que reprendre son bien et l’intermède de la gauche au Sénat n’aura duré que trois ans. Ainsi, pour la troisième fois de suite, en à peine six mois, la gauche a perdu des élections et subi de plein fouet l’incompétence et l’irresponsabilité de l’équipe, actuellement au pouvoir : municipales, européennes, et désormais sénatoriales, toutes ces élections ont été un camouflet pour le président de la République et sa politique…

Si la victoire de la droite était prévisible suite à ses résultats lors des élections municipales en mars dernier et si la gauche a limité la casse en prenant six sièges à la droite, le PS et ses alliés ont néanmoins encaissé plusieurs revers symboliques. Des personnalités en vue ont en effet perdu leur place de sénateur. La Corrèze, fief du président de la République, est passée à droite. Le vice-président du conseil général, Bernard Combes, a ainsi dû quitter son poste de sénateur : le successeur de François Hollande à la tête de la mairie de Tulle, qui est aussi son ami personnel et conseiller, a été emporté par le mécontentement des élus qui s’estiment trahis par le président de la République. Mais, pour le chef de l’État, la gifle ne s’arrête pas là : d’anciens ministres du gouvernement Ayrault n’ont pas été réélus. Il s’agit du socialiste Thierry Repentin, ex-ministre délégué aux Affaires européennes et d’Anne-Marie Escoffier, ex-ministre radical de gauche délégué à la Décentralisation. Le président du Parti radical de gauche, allié du PS, Jean-Michel Baylet, perd son siège, tout comme la socialiste Jean-Pierre Michel,  le rapporteur  au Sénat de la loi Taubira sur le mariage dit pour tous, celui-là même qui avait refusé d’auditionner Frigide Barjot, qui l’avait traitée de représente de la pire des homophobies, celui-là-même qui s’est permis d’insulter le sénateur vendéen Bruno Retailleau au motif que les Vendéens ont combattu la République, celui-là même qui a soutenu son attaché parlementaire lequel avait qualifié Marion Maréchal-Le Pen, député de Vaucluse, de « conne » et de « salope » et qui avait proposé dans un autre tweet écrit le 26 mai 2013 de canonner les opposants à la loi Taubira, celui-là même enfin qui s’est prononcé en faveur de la PMA et de la GPA. Quant à l’élection du dissident Guérini à Marseille, mis en examen dans trois dossiers différents, elle constitue une humiliation de plus pour le PS.

Pour conclure, comme l’a succinctement résumé Yves-Marie Cann, directeur-adjoint de l’Ifop, « toutes ces défaites sont une démonstration supplémentaire du contexte très délétère auquel doivent faire face François Hollande et le gouvernement. » L’impopularité du président jusque dans sa propre famille politique a fait des dégâts considérables et s’est répercutée lors du vote des grands électeurs. Rien d’étonnant quand plus de la moitié des électeurs de François Hollande au 1er tour de la présidentielle se déclare insatisfaite de la politique qu’il mène (baromètre CSA pour Les Échos et Radio classique du mois de septembre 2014).

 

La dynamique à droite profite surtout à un Front national qui mise sur la jeunesse et sur les thèmes qu’il met en avant

 

La victoire de l’UMP, dimanche dernier, est incontestable. Avec une quinzaine de sièges en plus (pris au PS), elle peut légitimement se poser comme étant la première force du Sénat (144 sièges contre 108 pour le PS). Mais la majorité absolue se situant à 175 sièges, l’UMP doit compter sur l’UDI et les divers-droite, d’où peut-être la relativisation de la défaite socialiste via son premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis. Au final, la droite totalise 190 sièges dont deux occupés par des élus FN, une première depuis la création de ce parti en 1972. En cela, le parti de Marine Le Pen est le grand gagnant des sénatoriales, médiatiquement et politiquement. Médiatiquement, parce qu’il a canalisé toutes les attentions sur lui et politiquement, parce qu’il continue à se banaliser.

Par ailleurs, face aux partis traditionnels de la gauche, de la droite et du centre, le FN se distingue par la jeunesse de ses élus. A 26 ans, David Rachline, maire de Fréjus, devient le benjamin du Sénat, à l’instar de Marion Maréchal-Le Pen à l’Assemblée nationale. Quant au second élu FN, Stéphane Ravier, il se distingue lui aussi par une relative jeunesse (45 ans) par rapport à ses nouveaux collègues qui ont souvent une vingtaine d’années de plus (66 ans de moyenne d’âge au moment des élections). Ces considérations ont leur importance et, inéluctablement, auront des conséquences au sein de la population françaises : le parti de Marine Le Pen sera en effet logiquement perçu comme une force d’avenir tandis que les autres grands partis se retrouveront de fait ringardisés et bientôt relégués. Il est donc important et urgent pour la droite d’en tirer les leçons et de penser à donner leur chance aux plus jeunes et de les préparer à prendre la relève.

En réunissant quelque 3929 voix au niveau national, alors que seulement un millier de grands électeurs étaient d’avance acquis au parti fondé par Jean-Marie Le Pen, le FN a prouvé qu’il était capable de mobiliser au-delà de sa propre sphère un grand nombre d’élus locaux, souvent sans étiquette, exaspérés par les réformes et les promesses non tenues du président de la République. Exaspérés également par les jeux des appareils politiques. « On en a marre des partis qui ne roulent que pour sauvegarder leurs fauteuils ! » a ainsi affirmé l’une des 400 élus qui ont voté David Rachline au journal de 13 heures sur France 2 (lundi 29 septembre). Ces résultats prouvent aussi que son ancrage local est bien réel et qu’il semble se poursuivre inexorablement. Mais, surtout, au-delà de cette constatation, ils démontrent que le FN, avec ses thèmes et ses idées, a su convaincre un électorat réputé difficile à l’égard du parti frontiste.

 

Ainsi, bien qu’elles ne changent pas grand-chose au niveau du travail législatif et de la conduite des affaires de l’État, les élections sénatoriales marquent une nouvelle étape dans la dislocation du Parti socialiste. Elles sont la conséquence du recul de ce parti dans les collectivités territoriales conquises petit à petit lorsque François Hollande était… premier secrétaire du PS ! Ironiquement donc, le président de la République, par sa politique catastrophique, est le fossoyeur de son propre travail.

C’est en effet un pan entier du socialisme local qui est en voie de disparition avec tout son cortège d’associations culturelles, de collectifs antiracistes, de lobbies LGBT, de groupes de pression droit-de-l’hommistes et communautaires,  de ligues de défense des clandestins, etc. Bref, un tissu, un maillage social, vivant le plus souvent grâce aux généreuses subventions de l’État et des collectivités territoriales, sans oublier l’UE, et donc aux frais du contribuable est en train de s’effondrer. 2017 sera certainement le point d’orgue de l’écroulement local et national du PS, la sanction suprême, lorsque le candidat socialiste sera sorti dès le premier tour des élections présidentielles et qu’un nombre important de députés de gauche ne seront pas réélus à l’Assemblée nationale. A moins que le président ne fasse le choix de la dissolution…

Mais pour que cette victoire soit totale, la droite ne peut se contenter de jouer le rôle facile de l’opposition tapant sur le pouvoir en place. Si elle veut être crédible et se poser comme une vraie alternative à la gauche, il est nécessaire qu’elle commence dès à présent à porter un projet clair et cohérent aussi bien sur les questions de société, telles que le mariage gay et la PMA, que sur celles concernant le chômage, l’immigration, la place de la France dans le monde, etc. C’est maintenant qu’elle doit se pencher et s’interroger sur les préoccupations des Français, et proposer des réponses fortes.

 

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